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Nommé Citoyen d’honneur de la ville de Curepipe : Saheed Thupsee et sa Ville-lumière

Un moment fort. Celui d’être nommé Citoyen d’honneur de la ville de Curepipe, tout comme huit autres personnes, il y a quelques jours. Le travailleur social, Saheed Thupsee, qui a grandi dans un quartier de cette ville en parle avec fierté, amour et recul…

 

1952, sa naissance à cité Malherbes. «Mon grand-père est arrivé de l’Inde en 1873. Il a quitté Calcutta, sur un bateau qui s’appelait le Devonshire, avec trois de ses frères. Deux sont venus à Maurice et les deux autres sont partis en Afrique du Sud. Qu’est devenue leur famille ? Aucune idée ! Mon grand-père a travaillé comme laboureur à Highlands. C’est pour ça que la famille s’est installée à Malherbes. Mes parents y ont vécu. Et moi aussi, aujourd’hui. J’ai grandi dans enn lakaz lapay. Ma maman, qui a été mariée à 15 ans, a eu neuf enfants, dont sept sont toujours en vie. Mon père était laboureur à l’établissement Corson. Nous avions aussi une petite plantation.»

 

Son adolescence dans les rues de la ville. «J’ai fait mes classes au collège Presidency (qui se trouve à Curepipe). L’école était payante. Mais à partir de la Form III, mes parents n’ont pas eu besoin de payer mes frais de scolarité : je suis un bon footballeur et ma scolarité m’a été offerte. Mon diplôme de Senior en poche, je deviens enseignant au collège Saint-Helena. Mon salaire ? Rs 50 par mois. À l’époque, il faut recruter des élèves… pour pouvoir toucher son argent ! De ma vie d’enseignant, je retiens mon engagement pour les droits des enseignants et pour la gratuité de l’école.»

 

Ces cyclones qui changent tout. «Je suis encore jeune lorsque le pays est frappé par deux cyclones, Alix et Carol, Malherbes est à terre. Tou lakaz inn kraze. Tout part de là, I was born a social worker. Avec le père Koenig, qui avait une Renault, nous avions sillonné la cité, nous apportions à manger, nous tentions d’aider au mieux. Nous créons l’Amicale de Malherbes ; nous réparons les maisons avec des bois de la forêt de pins, des lits pour les gens qui n’ont rien, nous donnons de l’aide scolaire gratuite. Sir Gaëtan Duval fait ses débuts à nos côtés. Il n’est pas encore député, débarque dans sa décapotable et donne un coup de main.»

 

Dans les années 80, son univers bascule. «J’ai décidé d’être candidat à l’élection municipale de Curepipe. Pour moi, il ne s’agit pas de politique comme on l’entend, mais de travail social à une autre échelle. En rentrant d’une réunion chez sir Anerood Jugnauth, je suis victime d’un accident de la route. Je passe quatre jours dans le coma, je perds un œil. J’apprendrai par la suite que c’est l’ambassadeur américain à Maurice à l’époque, Ronald Palmer, qui m’a transporté à l’hôpital. Il est passé sur les lieux de l’accident par hasard. Après cet accident grave, j’abandonne l’idée des municipales. Et quand, quelque temps plus tard, mon autre œil commence à me poser problème, je m’interroge sur l’avenir.»

 

De Curepipe à Paris : sa chance de revoir. «Partir, ce n’est pas évident. Il faut avoir de l’argent. Mais grâce à mes contacts et l’aide de nombreuses personnes – Dieu ne m’abandonne pas –, je rejoins l’autre ville-lumière où ma sœur vit. J’essaie d’avoir un rendez-vous dans un hôpital spécialisé à Paris pour la vue, sans succès ! Il faudra l’intervention de l’ambassadeur de Maurice en France et celle de Jacques Chirac, alors maire de Paris, pour que je me fasse opérer. La spécialiste qui soude ma rétine me dit que si je n’étais pas venu, j’aurais perdu la vue. De retour à Maurice, ma rencontre avec le fils du Maulana Abdul Aleem Siddiqui change tout. Ses paroles me poussent à créer l’Aaleemee Society qui me permettra de créer des centres communautaires à Curepipe et ailleurs, de participer à la création du Cardiac Centre et à aider de nombreuses dames au chômage en les formant à divers métiers, dont la pâtisserie.»

 

Son rêve pour «so lavil». «Pendant quelques années, la ville avait perdu de sa splendeur. Mais je vois qu’avec le maire actuel, il y a du travail qui se fait. Quand je pense à l’hôtel de ville, je me vois, enfant, assis sur les marches à regarder les mariages des Blancs (eux seuls avaient les moyens de louer cette salle). Ils nous donnaient, à ceux qui étaient assis comme moi, des morceaux de gâteau. Me dire, alors, que cette salle va renaître, ça me plaît. Je pense que les Citoyens d’honneur devraient se constituer en conseil de sages afin d’apporter leur expertise aux décideurs. Curepipe a besoin de personnes qui savent administrer, sans qu’elles soient politisées, au sein du conseil. Je crois que c’est la priorité pour l’instant. Mais aussi que la ville avance ensemble, sans discrimination, sans communalisme.»