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Cherté de la vie : les Mauriciens au bord de l’asphyxie

Les Vitry et Jacqueline Michel essaient de s'en sortir du mieux qu'ils peuvent.

La flambée des prix n’épargne personne. En plus des produits alimentaires et des légumes, on annonce de nouvelles augmentations suivant celle du carburant. Les familles, elles, peinent à joindre les deux bouts. 

À moins d’avoir un salaire mirobolant, pas d’enfant(s) ou de dépendant(s) à votre charge, pas de grosses dettes à rembourser, il est difficile par les temps qui courent de ne pas se plaindre du coût de la vie. Aller faire ses courses au supermarché, acheter ses légumes au bazar du coin ou encore faire le plein d’essence donnent mal à la tête. Ces derniers mois, le prix du panier de la ménagère a grimpé de façon choquante. Pour accuser le coup, le gouvernement blâme le prix du carburant dont le baril a dépassé pour la première fois les 100 USD, le coût du fret, l’inflation, la dévaluation de la roupie. La Covid-19 a aussi bon dos. On parle déjà des impacts de la guerre Ukraine-Russie.

 

Loin de toutes ces préoccupations géopolitiques, des familles suffoquent au quotidien entre les courses, les factures à payer, le prêt à rembourser, le van scolaire pour les enfants. Le 26 février dernier, les Mauriciens ont pris une nouvelle gifle. Le prix de l’essence et du diesel, qui avait été revu en décembre, est passé de Rs 55,75 à Rs 61,30 et de Rs 41 à Rs 45,10 le litre respectivement. D’ailleurs, l’Association des consommateurs de l’île Maurice (ACIM) prévoit un nouveau rallye dans la capitale pour contester cette nouvelle majoration. «C’était inévitable», martèle, de son côté, le gouvernement. Pravind Jugnauth a même, il y a quelques jours, déclaré que finalement, nous ne payons pas si cher l’essence comparé à certains pays où le prix est bien plus élevé. Un argument qui a attiré les foudres des consommateurs et des syndicalistes.

 

Au niveau de l’alimentation, les prix sont de plus en plus exorbitants. Les produits de base comme le lait, le riz, l’huile, le sucre, les céréales ont encore grimpé. De nombreux produits sont hors de portée. Selon la Consumer’s Eye Association, le panier ménager coûte désormais Rs 2 000 de plus contrairement à fin décembre 2019. Le prix des légumes a aussi pris l’ascenseur après les récents cyclones. Payer une laitue aussi moche que mince à Rs 45 fait mal au porte-monnaie. Comme si tout cela n’était pas suffisant, on nous répète que le pire est à venir. Suivant la hausse du prix du carburant, les boulangers sont une fois de plus revenus à la charge pour réclamer une augmentation du prix du pain. Devons-nous nous attendre à payer Rs 5 le pain maison ? L’association des vans scolaires veulent aussi faire payer plus cher, soit de Rs 30 par jour. Le ministre Alan Ganoo a déclaré qu’une augmentation du prix du ticket d’autobus ne serait pas surprenante.

 

Au milieu de tout cela, les Mauriciens peinent à s’en sortir. Les salaires stagnent. Certains, à cause de la crise sanitaire, ont perdu leur emploi. Les familles, qu’elles soient modestes ou de la classe moyenne, doivent kase ranze non seulement pour vivre une vie plus ou moins confortable, mais pour garder la tête hors de l’eau et ne pas être accablées par toutes les dépenses qui pèsent lourd sur le portefeuille. Pour celles se trouvant au bas de l’échelle, la pauvreté est difficile à supporter. Alors que nous sommes en 2022, elles sont encore nombreuses à se contenter du strict minimum pour se nourrir ou à dormir le ventre vide.

 

Dépenses exhorbitantes

 

Aujourd’hui, l’appauvrissement de la population est réel. Comme beaucoup, Jacqueline Michel, 69 ans, vit uniquement de sa pension de Rs 9 000. «Lavi inn vinn byen dir pou viv avek zis kass pansyon. J’ai eu un choc quand je suis partie au supermarché dernièrement. Un paquet de sucre est à Rs 100, le thé à Rs 50. Je dois diminuer le nombre de fois que j’en prends. Je bois du jus d’ayapana ou de grenadine de mon jardin. J’essaye de trouver d’autres solutions. Je plante un peu, ça me permet d’éviter deux ou trois légumes. J’ai beaucoup de chiens et de chats, et leur nourriture aussi est plus chère. Ils doivent également se sacrifier. C’est pas facile.» Si elle ne paie pas de loyer, il faut, dit-elle, se charger des factures qui, elles aussi, affichent des montants parfois affolants. «L'électricité et l’eau ont aussi augmenté. Bientôt, il faudra payer la taxe municipale qui ne sert à rien. Les chemins sont cassés, on n’a plus de poubelle. Ne parlons même pas des médicaments. Il vaut mieux éviter d’aller à la pharmacie autant que possible. Le niveau et la qualité de la vie se dégradent.»

 

Anusha, qui a souhaité rester anonyme pour protéger ses enfants, est une mère célibataire. Âgée de 30 ans et séparée de son compagnon, elle est la maman d’un garçon de 10 ans et d’une fille de 2 ans. Quand elle ne travaille pas comme peintre, elle fait du jardinage. «Sa fer 2 semenn ki mo dan lakaz» dit-elle. Pas de travail, pas d’argent. Pour s’en sortir, elle compte sur l’aide sociale qu’elle reçoit pour les petits. «Sa ousi inn bese.» Avec ses enfants, elle vit chez son père, dans une chambre. «Quand j’ai du travail je touche parfois Rs 2 000. J’achète quelques commissions, mais avec cette somme, on ne va pas loin. Souvent, j’ai des provisions que pour 15 jours. Rien que pour ma fille, il me faut au moins Rs 4 000 à Rs 5 000 par mois. Entre les couches et le lait qui coûtent très chers, c’est difficile. Heureusement que mon papa m’aide.» Pour le reste, elle se débrouille comme elle peut. «Souvent, je vais là où les produits sont à meilleur prix, mais c’est rare. Tout est cher. Les légumes aussi. Rs 70 pour deux chouchous en mauvais état, ça fait mal au cœur.»

 

Sabrina et Arnaud Vitry sont de la classe dite moyenne. Elle est employée de banque, lui est enseignant. Ensemble, ils ont quatre enfants. Des triplés de 4 ans et un aîné de 8 ans. Ils touchent un salaire décent et pourtant les fins de mois, comme pour de nombreux Mauriciens, sont compliquées. «Avec ma belle-mère, nous sommes à sept à la maison. Depuis l’arrivée des triplés, nos vies ont basculé. Depuis leur naissance, aucune aide supplémentaire ne nous a été accordée. Ils nous l’ont refusé en se basant sur le revenu annuel alors que nous vivons avec des salaires moyens», confie la mère de famille. Faire des sacrifices encore et toujours. Pas de relâche, pas de répit. «À la fin du mois, il faut trouver les sous pour les factures, les dépenses de la maison, les provisions qui ont d’ailleurs augmenté de 40% cette année, le van scolaire et tous les autres engagements que tous les Mauriciens ont, comme le prêt bancaire ; on n’en finit pas.»

 

Pour limiter les coûts, Sabrina et Arnaud avaient même pris la décision d’arrêter le van scolaire pour les enfants, mais c’était avant la nouvelle augmentation du prix de l’essence. «Avec quatre enfants, avoir une voiture est nécessaire, même si nous sommes à l’étroit dedans, pour l’école, le médecin, entre autres.» Avec tout ça, il reste très peu de place pour les activités et les sorties familiales. «Nous devons toujours penser à deux fois avant de faire des dépenses additionnelles.» Le plus important aujourd’hui, confie-t-elle, c’est que les enfants soient en bonne santé et bénéficient d’une bonne éducation. «On fait le maximum pour pouvoir joindre les deux bouts. Nous, les parents, nous devons aussi avoir la santé et la force de nous battre tous les jours.» Car le combat, dit-elle, est bien réel.