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Pauvreté : Le douloureux combat de deux mères-courage

Elles ne supportent pas l’idée que leurs enfants aillent se coucher le ventre vide. Pourtant, ça arrive plus souvent qu’elles ne le voudraient. Face à l’enfer de la misère, Chlorane Drost, 25 ans, et Déborah Dram, 27 ans, se battent de toutes leurs forces pour que leurs familles respectives puissent vivre dans de meilleures conditions.

Chlorane Drost : «Lorsque je regarde mes filles, ça me donne du courage»

 

Derrière les grandes maisons qui bordent la côte d’Albion se cache une triste et douloureuse réalité dont beaucoup de gens ignorent encore l’existence. Pour la voir, il faut creuser un peu, s’infiltrer dans les bas-fonds de cette région. Le contraste y est saisissant. À l’écart des nouveaux morcellements et de leurs belles demeures, elles sont quelques familles à vivre dans des conditions déplorables, extrême opposée au pittoresque Albion.

 

Pour accéder à l’endroit où vit Chlorane Drost, 25 ans, il faut traverser plusieurs bicoques, emprunter une allée rocailleuse et sinueuse avant d’arriver là où elle s’est installée avec sa famille il y a quelques années. La jeune femme, maman de trois enfants, vit dans une petite case en tôle mal fagotée. Elle a bien essayé d’y mettre un peu de vie et de chaleur mais difficile de faire quelque chose de joli quand on n’a même pas les moyens de payer l’eau et l’électricité. L’important, c’est que sa famille et elle ne soient pas à la rue et qu’elles aient un coin où vivre et cela, même s’il s’agit d’un petit deux-pièces sombre et lugubre où il ne fait pas bon vivre.

 

Chlorane puise sa force en ses trois filles.

 

Séparée du père de ses enfants, elle assume seule toutes les responsabilités familiales. Et même si c’est difficile et qu’elle sent quelques fois que c’est trop pour ses frêles épaules, Chlorane s’accroche de toutes ses forces pour ses enfants. «J’ai fait le choix d’être une maman. Je dois assumer mes responsabilités même si c’est difficile.» Employée dans un supermarché, elle se démène comme un beau diable avec un maigre salaire pour survivre. «Savez-vous ce que c’est que de ne plus avoir d’argent avant même de toucher son salaire ?»

 

Au quotidien, c’est continuellement le casse-tête, que ce soit pour faire tourner la cuisine ou envoyer les filles à l’école. Heureusement, ces dernières fréquentent l’école Terre de Paix, destinée aux enfants issus de milieux difficiles. Chlorane peut aussi compter sur l’aide de sa maman et de sa grand-mère qui essaient de lui donner un coup de pouce dès qu’elles peuvent mais aussi d’associations comme Faith qui lui apportent souvent des provisions, un véritable soulagement pour la jeune femme qui arrive alors à «kase ranze».

 

Nourrir de grands rêves

 

Si de nombreuses personnes faisant face à l’extrême pauvreté se résignent et abandonnent tous les efforts pour améliorer leur situation, la jeune maman célibataire, elle, est, décidée à ne pas subir cette misère noire. «Chaque matin, lorsque je regarde le visage de mes filles, ça me donne du courage. Elles sont ma plus grande force. C’est pour elles que je ne baisse pas les bras», dit-elle, incapable de retenir les larmes qui lui montent aux yeux.

 

C’est d’elles que Chlorane puise chaque matin sa force pour affronter une nouvelle journée de course contre la montre car chaque jour est un nouveau combat. «Chaque jour me décourage un peu plus mais je dois rester forte.»Dès son réveil, elle s’occupe de ses trois filles, les habille avant de les déposer chez sa grand-mère qui les emmènera à l’école. À 7h30, elle prend le bus pour pouvoir être à l’heure au travail. Ce n’est qu’aux alentours de 19 heures qu’elle sera de retour à la maison. Pour gagner un peu plus d’argent, la jeune femme n’hésite pas à faire un peu de jardinage et de nettoyage ici et là dès que l’occasion se présente. Le travail n’a jamais fait peur à Chlorane. Elle sait que c’est la clé d’un avenir meilleur pour sa famille.

 

La pauvreté ne l’a jamais empêchée de nourrir de grands rêves pour elle et ses filles. Chlorane a toujours adoré préparer des gâteaux. «La pâtisserie est ma passion.»Il y a quelques années, elle a même suivi une formation, espérant trouver un job dans ce domaine qu’elle affectionne particulièrement mais rien n’a abouti. «Me mettre à mon compte n’est pas envisageable. Je n’ai pas les moyens d’avoir un four et tout ce qu’il faut pour ça.»

 

Souvent, dit-elle, elle est allée frapper à des portes pour trouver du travail mais lorsqu’elle ne se heurtait pas au mépris des autres face à sa situation, elle devait faire face à l’indifférence et au manque de compréhension. «À chaque fois, on me dit que je suis trop jeune, que je n’ai pas d’expérience mais dites-moi comment je vais avoir de l’expérience si on ne me laisse pas essayer au moins une fois», s’insurge-t-elle.

 

Malgré tous les obstacles, Chlorane ne se décourage pas. À ses filles, elle répète toujours la même chose. «Je leur dis toujours qu’elles doivent apprendre plus que moi à l’école pour qu’elles puissent, une fois adultes, connaître une meilleure vie que la mienne.»C’est là tout son espoir.

 

 


 

 

Déborah Dram : «Je n’ai plus goût en la vie»

 

Au milieu d’un vaste terrain en terre où une plantation de cannes côtoie un élevage de poules, Déborah Dram, 27 ans, se tient debout devant son abri de fortune. Ses traits tirés, ses yeux cernés de fatigue et ses cheveux négligés ne laissent pas deviner son jeune âge. Dans ses bras, l’avant-dernier de la famille. Autour, les déchets jonchent le sol et donnent un côté dépotoir au lieu. L’air, à cause de l’élevage, y est difficilement respirable mais Deborah et sa famille ne sentent presque plus rien, résignés à vivre dans cet environnement hostile. À force, ils ont fini par ne plus voir ce qui les entoure et ne plus sentir l’odeur nauséabonde qui s’infiltre nuit et jour dans leur petite bicoque.

 

C’est ici que Déborah et son époux vivent avec leurs six enfants âgés entre 8 mois et 11 ans. À l’intérieur, la scène est tout aussi désolante. Un frigo, une plaque à gaz, un four à micro-ondes, une télé et trois lits en mauvais état, recouverts de morceaux de bois pour masquer les trous, sont en gros tout ce qu’ils possèdent. Les rayons du soleil s’infiltrent par les nombreux petits trous dans les feuilles de tôles qui bougent au gré du vent. Les feuilles de plastique qui les recouvrent ici et là ne les protègent en rien lorsque la pluie se met à tomber. Leur maison se met à couler comme un panier percé.

 

Sur les petits lits collés l’un à l’autre, ils sont huit à se coincer pour pouvoir dormir. Ici, ils ne sont pas chez eux. Comme ils n’avaient nulle part où aller, ils sont venus squatter sur ce terrain privé que le propriétaire menace de leur reprendre. «Ils nous ont déjà dit qu’on devait partir mais on a fait semblant de ne rien entendre. Comme ils ne sont pas revenus encore, on reste ici avec la peur qu’on nous chasse.»Pour la jeune femme, la priorité reste celle de nourrir ses six enfants. Les nuits sont courtes pour Déborah qui accumule les petits boulots pour pouvoir joindre les deux bouts.

 

À 27 ans, Déborah doit s’occuper de ses six enfants.

 

Comme elle est la seule à travailler – son mari souffre d’une maladie mentale –, elle doit se tuer à la tâche. Ce matin, elle s’est réveillée avant l’aube pour se rendre dans les champs de cannes et y répandre de l’écume. Chaque réveil est difficile, douloureux. «Je n’ai plus goût à la vie. Plus de courage. Plus rien.»Fréquemment, elle enchaîne avec une petite heure de lavage, de repassage ou de nettoyage dans les maisons d’Albion, ce qui lui permet de gagner quelques sous en plus.

 

Elle a bien essayé de trouver un meilleur travail avec des horaires fixes et un salaire décent mais comme elle n’est pas beaucoup allée à l’école, les portes ont du mal à s’ouvrir. Alors, elle se fie à ses minces revenus, à la pension que touche son époux et à celle qu’elle reçoit pour trois de ses enfants afin de faire vivre toute la famille. «Quand j’ai fini de payer toutes les dettes, il ne reste pas grand-chose.»Du coup, la famille vit au jour le jour. Chaque matin, on se débrouille pour avoir quelque chose à se mettre dans le ventre le soir, tout le reste est superflu.

 

Comme Chlorane, elle reçoit aussi des donations qui lui permettent de respirer un peu mais il y a des jours qui sont beaucoup plus difficiles que d’autres. Souvent, dit-elle, ses aînés refusent d’aller à l’école lorsqu’ils n’ont rien à apporter à manger. «Ils ne veulent pas y aller. Ils se sentent mal lorsque leurs camarades mangent leur pain et qu’eux, ils n’ont rien.»Alors, quand ils ne se rendent pas à l’école, les petits aident leur mère dans les champs de cannes ou donnent un coup de main à l’éleveur du coin contre quelques roupies. Même si cette jeune mère de famille a du mal à accepter cette situation que ses enfants doivent subir, elle s’efforce de garder la tête haute et de continuer à avancer malgré tout.

 

Récemment, elle s’est enregistrée auprès de la National Empowerment Foundation pour espérer avoir un logement beaucoup plus décent. Dans chacune de ses prières, elle demande au Seigneur la force de sortir ses enfants de cet enfer. «Mes deux grands garçons me répètent toujours qu’une fois qu’ils seront grands, ils construiront une maison. Je vivrai au rez-de-chaussée et eux à l’étage.»Malheureusement, Déborah et les siens n’ont pas le temps d’attendre que ce rêve se réalise. Chaque jour, ils doivent lutter pour survivre et espérer connaître des jours meilleurs.

 


 

 

Faith : prendre par la main des familles démunies 

 

Il n’est pas seulement question d’offrir des engrais alimentaires, des matériaux scolaires ou encore des vêtements. Chez Faith (First Act is to Help), il ne s’agit pas uniquement d’offrir une aide urgente et matérielle mais surtout de guider et d’accompagner les familles vivant des situations d’extrême pauvreté. Après s’être occupé de plusieurs familles dans la région de Pointe-aux-Sables et Pailles, et après avoir mené plusieurs opérations de BabyDrive,visant à offrir les premières nécessités à des bébés et des enfants en bas âge, l’association se lance aujourd’hui un nouveau défi : venir en aide aux familles démunies de la région d’Albion. Plusieurs d’entre elles ont déjà été ciblées et ont reçu des provisions.

 

L’équipe de Faith offrant des provisions à la mère de famille.

 

Suivies par les travailleurs de terrain, elles bénéficient de conseils sur les démarches à entreprendre pour toucher les allocations sociales ou encore trouver une maison auprès de la National Empowerment Foundation. L’une des travailleuses de terrain, basée à Albion offre des cours d’alphabétisation et de soutien scolaire aux enfants avec la collaboration de Caritas. Pour pouvoir mieux encadrer ces familles et en toucher beaucoup d’autres, l’association Faith lance un appel aux Mauriciens souhaitant être volontaires. «Nous avons besoin de bénévoles et nous comptons sur la solidarité des Mauriciens», lance Georges Brelu-Brelu, un des responsables de l’association. L’appel est lancé.