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[Eclairage] Squatters de Bambous : L’appel au secours des jeunes mamans

Pour Anaïs, Christiane, Marie-Claire et Aurélie, l’avenir s’annonce incertain et difficile.

Il y a quelques jours, plus d’une cinquantaine de familles d’Eau Bonne à Bambous ont reçu une lettre d’éviction du ministère du Logement et des terres. Alors que la menace de se retrouver à la rue pèse sur leurs épaules, Anaïs, Christiane, Aurélie et Tonia, des jeunes mamans, lancent un appel à l’aide aux autorités et aux Mauriciens.

Marcher, toujours marcher. Non pas parce qu’elle aime ça mais parce qu’elle n’a pas d’autre choix. Pour rentrer chez elle, Anaïs Agathe, son petit dernier dans les bras, doit traverser tout le village de Bambous et prendre la direction de la montagne. Loin des habitations et de l’agitation de la route Royale, c’est au détour d’un sentier rocailleux que l’on découvre son monde, sa réalité. Ici, une centaine de bicoques en tôle d’à peine quelques mètres carrés témoigne de la misère qui règne dans ce camp de squatters. Ici, une communauté en marge de la société et de la vie active semble s’être installée. 

 

Dehors, une quinzaine de femmes sont assises à même le sol, jouant au bingo. Leurs enfants, tout aussi nombreux, ne sont jamais bien loin. Certains sont occupés à gambader, d’autres à jouer avec un vieux caddy laissé là alors qu’il y en a qui préfèrent rester dans les jupes de maman. La poussière et l’odeur qui émanent de la ferme, qui se trouve non loin, n’ont pas l’air de les gêner. Avec le temps, tout le monde semble s’en être accommodé. 

 

En ce moment, qui plus est, les gens du coin ont autre chose en tête. Ces derniers jours, un seul et même sujet revient sans arrêt dans les conversations. La lettre d’éviction émise récemment par le ministère du Logement et des terres aux familles qui se sont installées ici après le 1er juillet 2015 est la source de nombreuses nuits blanches, de peur et de panique. Si ce n’est pas la première fois, disent-elles, qu’elles reçoivent un tel avertissement, cette fois, la menace semble bien réelle. Les maisons identifiées portent un numéro écrit en rouge sur leur devanture, indiquant qu’elles doivent disparaître. «Moi, je vis ici depuis 17 ans. On nous dit que ceux qui sont là avant juillet 2015 peuvent rester et que nous allons avoir nos papiers mais ceux qui sont venus après devront partir. Ils sont à peu près 70 familles. Que va-t-il se passer pour eux ? Il y a des femmes et des enfants. On ne peut pas les laisser à la rue comme ça», s’insurge Marie-Claire, une habitante. 

 

Ici, elles ont pratiquement toutes le même profil, le même parcours. Venant elles-mêmes de familles brisées et d’un milieu précaire, elles semblent aujourd’hui reproduire à leur tour le même schéma. Beaucoup ont arrêté l’école vers les 12-13 ans, sont tombées enceintes peu de temps après, et souvent de différents partenaires, avant de se retrouver seules avec les enfants à leur charge. Peu d’entre elles travaillent et touchent un salaire dérisoire. Les autres se disent incapables de travailler, soit parce qu’elles doivent veiller sur leurs enfants en bas âge par manque de sous pour payer une garderie, soit parce qu’elles ne trouvent aucun job qui corresponde à leurs attentes et à leurs besoins.  

 

Comme beaucoup d’autres, Anaïs, 19 ans, vit avec ses deux enfants, l’un âgé d’un an et demi, et l’autre de 3 ans. La tristesse et l’angoisse sur son visage ne laissent pas insensible. Comme si les malheurs qu’elle a connus jusqu’ici n’étaient pas suffisants, elle a aujourd’hui le sentiment, avec cet ordre d’évacuation, que le ciel lui tombe sur la tête. Sans emploi, elle touche une allocation sociale pour ses enfants. C’est avec cet argent que la petite famille essaie de se débrouiller. Depuis que le père de ses enfants est parti, elle se retrouve seule à s’occuper de la famille, une tâche bien lourde pour ses frêles épaules mais contre laquelle elle se débat au quotidien. Ça fait un peu moins d’un an qu’elle s’est installée ici.«Je n’avais pas de toit et nulle part où aller. J’ai entendu dire qu’il y a de la place ici et je suis venue. J’ai eu quelques feuilles de tôle et quelques morceaux de bois ici et là, et j’ai pu me construire cette petite maison», confie la jeune femme. Autour d’elle, des dizaines de petites maisonnettes entassées les unes à côté des autres, où les gens vivent avec le strict minimum ou presque rien, sans eau ni électricité. 

 

Dormir le ventre à moitié rempli

 

Un meuble, une télé et un lit, voilà tout ce que possède Anaïs. Pour manger, la jeune femme se débrouille comme elle peut pour nourrir ses enfants, quitte à dormir quelques fois le ventre à moitié rempli. Une vie difficile et compliquée qui se gâte davantage avec la menace qui pèse aujourd’hui sur la tête de certains squatters, dont sa famille. Si Anaïs dit avoir contacté la National Empowerment Foundation (NEF) pour trouver de l’aide, elle ignore encore aujourd’hui vers qui elle se tournera si les autorités se décident à démolir sa maison. Inquiète, elle ne sait plus vers qui se tourner pour sortir de cette impasse et garantir à ses deux enfants des jours plus sereins. 

 

Si jeune et pourtant submergée par une dure réalité. Mère-ado, Tonia Claire, son bébé de trois mois dans les bras, a du mal à réaliser ce qui vient de lui tomber sur la tête. La lettre d’évacuation qui lui a été remise par les autorités il y a quelques jours a eu l’effet d’une bombe. À 16 ans, elle se demande aujourd’hui de quoi son avenir et celui de son enfant seront faits. Avec son compagnon, un casseur de roches, ils sont venus s’installer sur le flanc de la montagne il y a deux mois seulement et n’imaginaient pas devoir faire face à une telle éventualité. Comme ils ne savaient pas où aller, ils ont monté cette petite bicoque avec les moyens du bord. Aujourd’hui, tout est remis en question.

 

Christiane Momus fait elle aussi partie de ces familles qui doivent évacuer les lieux. À 25 ans, elle est déjà maman de trois enfants âgés entre 3 et 7 ans. Sans aucune source de revenu, elle dépend uniquement de l’aide de sa maman, qui vit elle aussi dans le camp des squatters mais qui n’est pas menacée par cette éviction, et du père d’un de ses enfants lorsqu’il le veut bien. Malgré son jeune âge, Christiane semble aujourd’hui être actrice de sa propre existence et se complaire dans cette situation.  Si elle n’a pas de job, dit-elle, c’est qu’il y a une raison : «Je ne travaille pas parce que j’ai des douleurs aux reins. Le médecin m’a déconseillé de travailler.» 

 

Bien qu’elle ait les pieds et les mains liés, la jeune femme ne compte pas pour autant se laisser faire et rester les bras croisés face à la destruction de sa maison. «Nous sommes des humains. On ne peut pas nous jeter à la rue comme ça. Nous voulons rencontrer le ministre Soodhun pour lui expliquer notre situation. Nous avons besoin d’aide. S’il ne nous écoute pas et qu’il détruit nos maisons, nous irons dormir devant la sienne», prévient-elle, lançant un cri du cœur aux autorités.  

 

Pouvoir rencontrer le ministre et lui parler de vive voix de ces difficultés, c’est aussi le souhait d’Aurélie Bisenjoue. À 22 ans, maman d’une petite fille de 2 ans et enceinte de six mois, elle a depuis quelques jours du mal à dormir sur ses deux oreilles. Cette petite bicoque, dit-elle, est tout ce qu’elle possède. Seule depuis que son compagnon les a abandonnées, elle est pétrifiée d’angoisse à l’idée de finir avec ses enfants à la rue. Si elle travaillait jusqu’à récemment comme ramasseuse d’ordures, elle a été contrainte, dit-elle, d’abandonner son travail en raison des complications liées à sa grossesse. Le père, quant à lui, joue au déserteur. «Quand il a envie, il nous aide mais le reste du temps, on ne le voit pas.»

 

Désormais sans ressource financière, elle n’a aucun autre moyen, dit-elle, de trouver une solution à ce problème. L’argent fait chaque jour cruellement défaut. «Des fois, je suis incapable d’envoyer ma petite à l’école. Il n’y a pas d’argent pour payer le bus, acheter à manger et tout ce dont elle a besoin. Ça me brise le cœur mais je n’ai pas le choix.» Aujourd’hui, la situation risque d’empirer et Aurélie semble impuissante face à la volonté des autorités. Ses enfants et elle se retrouveront-ils à la rue ? C’est là, dit-elle, sa plus grande hantise. 

 


 

Les autorités catégoriques  

 

Showkutally Soodhun ne compte pas faire marche arrière. Fidèle à son souhait d’éradiquer les camps de squatters d’ici 2017, il ne souhaite faire aucun compromis. Les squatters de Bambous et ailleurs dans le pays devront absolument quitter les lieux s’ils s’y sont installés après le 1er juillet 2015. Alors que les squatters de Bambous appellent les autorités à faire un geste humanitaire en leur faveur, le ministère en charge de ce dossier n’a aucunement l’intention de faire une exception à la règle. C’est du moins ce que souligne l’attaché de presse du ministre du Logement et des terres. «Si nous faisons un geste humanitaire pour les squatters de Bambous, nous devrons le faire pour tous les autres squatters du pays alors que la loi est claire à ce sujet.» 

 

Depuis 2015, comme mentionné dans le State Land Act, toute personne venue occuper un terrain de l’État après le 1er juillet 2015 sera contrainte de s’en aller alors que celles présentes avant cette date butoir seront régularisées. En ce qui concerne les squatters de Bambous, l’attaché de presse fait ressortir qu’on leur a servi plusieurs papiers dans le passé et qu’ils sont donc au courant depuis longtemps de cette évacuation. Ils ont donc eu l’occasion, estime l’attaché de presse, de faire toutes leurs démarches, de s’enregistrer auprès de la National Empowerment Foundation ou de la National Housing Development Co. Ltd pour parer à cette situation.