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Drogue : L’appel au secours des habitants de Cité Mangalkhan

Leur quotidien, disent-ils, est difficile. Alors que la drogue ronge à petit feu leur quartier et ses jeunes, un groupe d’habitants a décidé de s’élever contre ceux qui entretiennent l’addiction au détriment des jeunes consommateurs.

Les ruelles ne sont jamais vraiment vides. Même si les enfants sont rares à y gambader et que les habitants passent vite fait leur chemin. À chaque croisée, chaque intersection, des hommes et des adolescents sont là, à guetter, à attendre. Les regards se veulent insistants, embarrassants, presque pesants sur ceux qui viennent et partent et sur chaque nouveau véhicule ou visage qui passe par-là. Au fil des années, le visage de Cité Mangalkhan a changé, sombrant un peu plus du côté obscur. Avec la montée en puissance de la drogue, l’endroit a pris des allures de ghetto, devenant un endroit où il ne fait pas bon vivre, où on a peur de laisser ses enfants jouer dans la rue, où on baisse la tête lorsqu’on rentre chez soi pour ne pas voir les transactions qui s’y trament.  

 

C’est contre cette nouvelle réalité qu’un groupe d’habitants a décidé de s’élever. Une démarche faite dans l’ombre et dans l’anonymat car, pour eux, les risques de représailles sont bien réels. Malgré la peur, ils n’en peuvent plus de rester là, à ne rien dire ni faire. La drogue, disent-ils, est partout. À chaque coin de rue, à côté du terrain de basket, chez le voisin. Chaque jour, elle s’infiltre un peu plus au cœur des familles qu’elle ravage, détruit. «Tout le monde ici connaît au moins une personne qui se drogue ou est décédée de la drogue. Tout le monde sait qui vend de la drogue dans la cité et où il faut aller pour en trouver», confie Christelle*. 

 

Elle-même a assisté impuissante à la descente aux enfers de son fils de 35 ans. Christelle a découvert qu’il se droguait alors qu’il avait 18 ans. Elle a essayé par tous les moyens de l’éloigner de ces substances qui consumaient sa vie à petites doses. Désintoxication après désintoxication, les thérapies ont échoué, détruisant la vie de famille qu’ils avaient jusqu’ici. «Aujourd’hui, mon fils est en prison. J’espère que là-bas, il ne touche plus à  ces saletés», dit-elle, un peu soulagée qu’il ne soit plus dans le viseur des vautours qui foisonnent dans le voisinage. 

 

Cependant, le répit aura été de courte durée. Il y a quelques années, c’est son neveu de 13 ans qui a sombré dans la drogue. «Je le considère comme mon fils. Il n’a pas de maman. Je suis très proche de lui. Ça me fait beaucoup de peine de le voir comme ça.» Kris*, le père, est totalement désemparé et mort d’inquiétude pour ce fils qui, à 17 ans aujourd’hui, n’est plus que l’ombre de lui-même. «Ça a commencé avec un joint, puis il a commencé à fumer de la poudre, avant de se piquer. Nous avons essayé de lui parler. Il n’écoute pas», souligne Kris. 

 

Depuis quatre ans, les relations entre son fils et lui se sont détériorées au point où tout finit en altercation. «Lorsqu’il devient violent, aucune conversation n’est possible.Je n’avais jamais imaginé devoir aller chercher mon fils au poste de police parce qu’il avait volé pour se payer sa drogue.» De nombreux parents, dit-il, sont dans la même situation. Malgré cela, certains préfèrent rester silencieux, se cacher et dissimuler le problème. Par honte certainement. 

 

«Jockey» pour les dealers

 

Pour sortir son fils de cette mauvaise passe, Kris a tout essayé. Après l’échec de la cure de désintoxication, il est allé frapper à la porte de diverses autorités susceptibles de l’aider. En vain. Il était même prêt, dit-il, à faire incarcérer son enfant au centre de réhabilitation pour jeunes délinquants. «À chaque fois, on me répète la même chose, qu’il est mineur et qu’on ne peut rien pour lui. Quand vous allez à la Cour, on vous envoie de bureau en bureau. Ce n’est pas normal. On ne peut pas laisser des parents comme ça sans aucun recours.»

 

Kris est à bout de force et constamment rongé par la peur que son fils unique fasse une overdose. Sa tante Christelle est tout aussi découragée. «Il fait pitié à voir. Il passe ses journées dans la rue et ne veut plus entendre parler de l’école. Je dois fermer la maison à double tour pour qu’il ne vole pas. Quand je lui demande comment il se procure sa drogue, il me dit qu’il trase La vérité, c’est que comme de nombreux jeunes drogués, le fils de Kris est devenu un jockey pour les dealers. Lorsqu’il vend une certaine quantité de drogue, il reçoit sa dose en commission. 

 

Des transactions qui se déroulent au vu et au su des résidents.«Plus personne ne se cache. Aujourd’hui, c’est nous qui devons nous faire petits, nous cacher, pour ne pas déranger», lance Sabrina*, une habitante qui a décidé de sortir de son mutisme pour le bien de ses enfants, des jeunes de l’endroit et l’avenir de sa localité. Avec son mari Tony*, dit-elle, ils ne peuvent plus fermer les yeux. Tony, qui a toujours vécu là, a vu, au fil des années, Cité Mangalkhan se transformer. «La drogue a toujours été là. Il y a quelques années, j’ai perdu mon meilleur ami d’une overdose mais aujourd’hui, la situation est très grave. Des personnes s’enrichissent en entretenant l’addiction, en détruisant la vie de ces jeunes et de leurs familles respectives.»

 

Tony connaît bien tout ce rouage. Il y a ce qu’on appelle la loi de la rue, des règles entre trafiquants, dealers, consommateurs. Les nouvelles recrues sont souvent embauchées comme «guetteurs». Ces jeunes se placent à l’entrée de la cité, aux intersections, quadrillent le quartier, prêts à signaler tout mouvement suspect au boss. «On voit bien comment ça se passe. Ils fonctionnent en bande organisée. Le système est très huilé. Dès que quelque chose qui leur semble suspect se passe, le guetteur informe les autres par téléphone. Quand vous arrivez à une intersection, les autres vous y attendent déjà.»

 

La discrétion, poursuit Sabrina, n’est pas leur fort. «Dans une main, ils se passent l’argent et dans l’autre les comprimés. L’autre jour, j’ai vu une jeune fille en prendre.» La jeune maman vit dans l’angoisse. «Je ne peux plus laisser mes enfants faire du vélo dans la rue ou aller au jardin d’enfants alors qu’ils ont besoin d’avoir une vie normale et de grandir dans un environnement sain.» 

 

Yannick, un autre habitant, aimerait voir la police un peu plus souvent dans le quartier. «Ils disent que quand ils viennent, ils doivent repartir avec de la drogue mais je suis convaincu que des patrouilles auraient un effet dissuasif, tout comme des caméras de surveillance.» Selon lui, les députés devraient aussi se montrer plus présents dans l’endroit. «Nous avons trois ministres ici. On ne les voit pas. Certains de leurs conseillers vivent au cœur de la cité et voient ce qui s’y passe. Qu’est-ce qu’il leur faut de plus ?» 

 

Aujourd’hui, tout ce que demandent ces gens, c’est la sécurité, la sérénité, un endroit où leurs enfants peuvent grandir sans être en danger. Cette situation ne peut plus continuer. C’est leur cri du cœur. 

(*Prénoms modifiés)