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Opposition : une alliance fragilisée qui veut convaincre malgré tout

Paul Bérenger, Navin Ramgoolam et Xavier-Luc Duval enchainent les rencontres.

Après les tensions internes au sein de l’alliance de l’opposition, la situation semble s’être aujourd’hui décantée. Maintenant que cette période d’incertitude est derrière eux, le PTr, le MMM et le PMSD se concentrent désormais sur la mobilisation pour le rendez-vous du 1er mai. Mais, cette alliance peut-elle encore fédérer ?

Des divergences, une même ambition

 

Une alliance sur le fil du rasoir. Aujourd’hui, c’est le sentiment qui prédomine lorsqu’on évoque l’alliance PTr-MMM-PMSD. Les récentes tensions autour de la répartition des tickets 35-17-8, annonce fait par Navin Ramgoolam le 20 mars dernier, ont entaché leur image, suscitant des questions sur leur crédibilité et leur stabilité. S’ils ont choisi de s’allier pour renverser Jugnauth et son gouvernement et «libérer le pays», aujourd’hui beaucoup se demandent si l’alliance ne va pas finir par capoter et si le PTr, le MMM et le PMSD ne vont pas finir par faire cavalier seul à la veille des élections.

 

Même si, pour le moment, les esprits semblent s’être calmés et qu’un terrain d’entente a vraisemblablement été trouvé, les récentes secousses au sein de cette coalition électorale ne sont pas sans conséquences. La semaine dernière, Pravind Jugnauth a d’ailleurs tiré profit de la mésentente de l’opposition. Dans chacun de ses discours, le chef du MSM n’a pas manqué de questionner leur légitimité, enfonçant un peu plus le couteau dans la plaie rouge-mauve-bleu.

 

Du coup, l’alliance de l’opposition doit maintenant se refaire une image et rattraper son retard en ce qui concerne la mobilisation du 1er mai, un rendez-vous crucial avant la prochaine joute électorale. Cette semaine, plusieurs réunions ont eu lieu. Pour décanter la situation, mais aussi aborder d’autres points liés à l’alliance. D’abord, le lundi 8 avril, les trois leaders ont eu une rencontre pour clarifier la situation, apaiser les tensions et rétablir le dialogue entre les trois partis. Après le malaise suscité par les 8 tickets obtenus par le PMSD et les divergences engendrées, des compromis auraient été trouvés et la formule 35-17-8 reste inchangée. Xavier-Luc Duval a ainsi fait savoir à son bureau politique que le parti resterait engagé au sein de l’alliance et que c’est ensemble qu’ils donneront un meeting le 1er mai prochain.

 

Le lendemain, il a aussi rencontré Khushal Lobine et Richard Duval séparément pour dissiper tous les malentendus. Le mercredi 10 avril dernier, Navin Ramgoolam a rencontré Paul Bérenger à Riverwalk, réunion au cours de laquelle les deux leaders auraient discuté de sujets concernant uniquement le PTr et le MMM. Une nouvelle rencontre entre les trois leaders a eu lieu le vendredi 12 avril. Si les discussions autour de la répartition des tickets et l’allocation des postes clés en cas d’une victoire aux élections générales semblent être closes, ils doivent encore travailler sur le programme électoral et la liste des candidats par circonscription.

 

Après l’opération colmatage, l’heure est à la mobilisation dans le camp de l’opposition, du moins du côté des Rouges, qui ont tenu dans l’après-midi du 12 avril une première réunion pour rameuter leurs troupes en vue du 1er mai. «La campagne dans les 20 circonscriptions est lancée. Nous avons donné des directives claires à nos activistes au niveau du parti. L’enthousiasme et l’effervescence sont là. Le mot d’ordre, c'est de venir en foule le 1er mai à Port-Louis à 9h30. Nous sommes confiants que le Parti Travailliste fera sa part en amenant son électorat dans la foule qu’il y aura ce jour-là», a déclaré Patrick Assirvaden qui a aussi dit qu’ils sont en contact avec les membres du MMM et du PMSD. Selon ce dernier, ils doivent rester concentrés sur le 1er mai qui sera un véritable test. «Le compte à rebours est lancé. Il y aura une réunion ce lundi à 17h30 dans le N° 11 pour les circonscriptions 11, 12 et 13. Après, nous allons enchaîner avec les autres circonscriptions et le 26 avril, nous aurons un grand rassemblement aux 1, 2, 3, 4 à Port-Louis pour nous préparer pour le 1er mai. Notre plan de travail est prêt, la logistique est en train d’être mise en place.» La machinerie du Parti Travailliste est, dit-il, en marche.

 

Ramgoolam-Bérenger-Duval : une nouvelle rencontre prévue aujourd’hui

Après plusieurs jours sous les feux des projecteurs, les trois leaders ont une fois de plus occupé l’actualité ce week-end. En effet, une réunion entre les chefs des Rouges, des Mauves et des Bleus a eu lieu à Riverwalk dans l’après-midi du samedi 13 avril. Une rencontre qualifiée de déci-sive, car elle avait pour but de finaliser les derniers points importants sur la répartition des rôles et de mettre de côté tous les macadams qui ont fait encore «carotter» la machinerie de l’alliance de l’opposition. Après plus d’une heure de discussion, Navin Ramgoolam, Paul Bérenger et Xavier-Luc Duval ont adressé quelques mots à la presse. Selon le leader des Rouges, les discussions sont en bonne voie. «Il faut que chacun accepte de faire des sacrifices. Nous sommes trois partis importants donc les permutations ne sont pas faciles. Il y a de la bonne volonté, mais nous sommes en train de progresser. Nous espérons finaliser les discussions lors d’une autre réunion demain à 16 heures.» Xavier-Luc Duval a pour sa part déclaré que l’accord sera rendu public une fois conclut. «Chaque circonscription a ses spécificités. Chacun devra faire des sacrifices et comprendre les enjeux. Nous espérons finaliser demain.» En attendant, la mobilisation en vue du meeting du 1er mai démarre tout doucement. Après le PTr, qui a lancé sa campagne de mobilisation vendredi, le sujet a aussi fait l’objet de discussion lors d’un comité central spécial du MMM qui a eu lieu hier.

 


 

Avis d’observateurs politiques

 

Kris Valaydon : «Lorsqu'il y a confusion sur le but ultime d'une alliance, on doit s'attendre à des surprises»

 

«Faible conscience de l’élite politique», «mépris vis-à-vis du peuple» et «déchéance politique». Voilà ce que lui inspirent les récents épisodes de tensions au sein de l’alliance de l’opposition. Pour l’observateur, Kris Valaydon, ce qui se passe actuellement dans le paysage politique du pays confirme que nous sommes dans une phase décadente. «Je qualifierais ce qui se passe comme le reflet d'une pauvreté des consciences de l'élite politique qui prend le peuple en otage. Un peuple qui reste accroché aux décisions, aux diktats, aux caprices des politiciens. Un peuple gagné par la faible conscientisation et qui ne questionne pas vraiment le politicien sur les actes qu'il nous impose.»

 

Et lorsqu’il y a, dit-il, mépris face au peuple, le phénomène d'aliénation est encore plus fort. «Il y a une fracture entre le peuple et le politicien de n'importe quel bord qu'il soit. Le politicien se place comme dans une classe à part, qui ne se préoccupe pas des intérêts du peuple. C’est un mal du système politique et il est presque universel. Cependant, cela ne veut pas dire qu’on ne doit pas le dénoncer quand ça se passe chez nous.» L’autre problème, poursuit Kris Valaydon, c’est que se focaliser sur ces discussions occulte l’opposition extraparlementaire émergente. «Cette querelle de tickets éclipse les propositions de programme "sideline", les alternatives proposées par d'autres forces politiques. Cela contribue à une bipolarisation accentuée de la politique et fait que le peuple n’a à choisir qu'entre deux options : gouvernement et l'alliance de l’opposition. Ce phénomène n'annonce rien de bien pour l'épanouissement politique du pays, pour la construction d'une maturité politique. On retombe dans les mêmes équations et on fait perdurer un système qui entraine le pays dans une trajectoire descendante.»

 

L’alliance PTr-MMM-PMSD peut-elle encore convaincre les Mauriciens ? Pour l’observateur politique, la question qu’on devrait se poser c’est quel est leur but ultime. «Ce qu'on appellerait la contradiction principale. Lorsqu'il y a confusion sur le but ultime d'une alliance, on doit s'attendre à des surprises, à ce que chacun essaie de tirer la couverture sur lui, que chaque parti veuille avoir le maximum. Pour le MMM et le Parti Travailliste, c’est se débarrasser du gouvernement Jugnauth. Ramgoolam a été consistant dans ses messages, souhaitant que les parties prenantes à l'alliance puissent mettre de côté leurs intérêts partisans et arriver à un compromis, mais il aurait dû lui-même être le premier à faire une concession sur le nombre de tickets pour son parti.»

 

Abdallah Goolamallee : «Une alliance forcée… vouée à l’échec»

 

«Une alliance forcée et pas naturelle.» Aux yeux d’Abdallah Goolamallee, c’est l’image que projette l’alliance PTr-MMM-PMSD qui, dit-il, a démarré sur les mauvaises bases. «Pour moi, cette alliance est vouée à l’échec avant même les élections générales. Ils ont trois approches et  philosophies différentes. Au moment de concrétiser cette alliance, ils ne se sont basés sur aucun accord, programme, projet de société commun.»

 

C’est pour cette raison que les turbulences et les frictions internes ne le surprennent pas. «De plus, ces désaccords ont été étalés sur la place publique. Voir Paul Bérenger prendre position contre Xavier-Luc Duval ouvertement et vice-versa n’est pas anodin. C'est le resultat d'une accumulation au fil du temps et qui peut les mener à être à couteaux tirés. Tout cela en dit long.» Pour l’observateur politique, l’attribution des tickets n’est que la goutte d’eau. «Ce n’est pas la raison fondamentale qui fait qu’il y a eu une rupture. Le problème est plus profond et se trouve dans la conception même de l’alliance. Dans tout accord, il faut d'emblée mettre toutes les cartes sur table, tomber d’accord, faire des compromis et éliminer les divergences, avant d’officialiser la relation. C’est le contraire qui s’est passé. À la veille des élections générales, au moment de distribuer les rôles, ça crée des remous et des insatisfactions.»

 

Dans un tel contexte, cette situation, avance-t-il, symbolise le manque de crédibilité et l’instabilité politique. «Pour le gouvernement sortant, après deux mandats, il y a l’usure. De l’autre côté, l’alliance de l’opposition veut se poser comme une alternance crédible, mais fait-t-elle le poids ? Non. Car ils se bagarrent entre eux-mêmes pour leur propre intérêt ou celui de leur parti. Ils démontrent qu’à n’importe quel moment, il peut y avoir des embrouilles entre eux.» L’apaisement qu’ils prônent depuis quelques jours, estime Abdallah Goolamallee n’est qu’une façade. «C’est un exercice de communication alors qu’en interne, ils ont des divergences profondes et à la moindre friction ça peut emmener une cassure.» C’est sans compter sur l’émergence des partis extraparlementaires qui ont gagné en crédibilité et affaibli les partis traditionnels. «Ils auront un rôle important à jouer dans les élections à venir. Ils ont abattu un gros travail sur de gros dossiers ces dernières années alors que l’opposition parlementaire n’a fait qu’emmener leur rôle traditionnel au sein du Parlement.» Tout ceci sera mis à l’épreuve ce 1er mai qui sera, dit-il, annonciateur.