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Nazeerah Jhumka : «Je n’ai pas hésité une seconde avant d’accepter mon ablation…»

Elle a perdu sa mère et son père, tous deux décédés après s’être battus contre un cancer. En 2002, elle a également regardé la maladie droit dans les yeux et vit aujourd’hui sans son sein droit. Et voilà qu’elle vient d’apprendre que son fils a une tumeur maligne au cerveau. Malgré ces épreuves, elle reste debout et n’hésite pas à aller régulièrement à la rencontre des malades dans les hôpitaux, entre autres, pour partager son expérience. Dans le cadre du mois rose, rencontre avec une battante.

Que représente le mois rose pour vous ?

 

Ce mois d’octobre a une signification importante pour moi. Cela me ramène à 2002, l’année où j’ai appris que j’avais un cancer du sein. C’est cette même année que j’ai entendu parler, pour la première fois, du mois rose. C’était une année après ma participation à l’émission Questions pour un champion en France et quelques mois après celle en tant que membre du prix concours roman français de l’océan Indien. 

 

À l’époque, je me souviens bien que je ne ratais pas une occasion de dire à mes amies autour de moi d’aller faire des examens alors que moi, je ne trouvais jamais le temps d’y aller. J’étais prise dans le tourbillon de mon quotidien, entre mon travail d’enseignante au collège, mon train-train quotidien à la maison, ma mère qui était malade ; elle avait un cancer… 

 

On m’a invitée plusieurs fois à faire des tests. Je me rappelle d’ailleurs que quelques-uns de mes élèves m’avaient invitée à participer à une session de dépistage que j’avais déclinée par manque de temps. 

 

Était-ce par ce que vous estimiez que cela ne pouvait pas vous arriver ?

 

J’étais tellement prise que je ne me posais pas la question. J’étais dans ma routine et avant la terrible nouvelle, je n’avais jamais imaginé cette éventualité. 

 

Comment avez-vous appris pour votre cancer ?

 

Une fois, je me souviens avoir senti, en prenant mon bain, quelque chose de bizarre sur mon sein droit. Je n’avais pas senti de masse ou une quelconque boule. J’avais senti que ma peau s’était épaissie à un certain endroit. J’avais aussi remarqué que mon téton s’était rétracté et avait changé de couleur. Je ne m’étais pas inquiétée, bien que je maigrissais, et je me souviens m’être dit que cela devait être le stress, vu mon train de vie à l’époque. 

 

J’avais toutefois parlé de ce que j’avais observé à ma belle-soeur qui travaille dans une clinique. Elle s’était proposée de venir constater de visu mais elle n’a pu m’ausculter parce qu’à cette période, je devais voyager. C’est à mon retour qu’elle est venue me voir. À un certain moment, elle a commencé à m’énumérer les symptômes et je me souviens que je me suis mise à rire. Tout simplement parce que j’avais compris que j’avais les mêmes symptômes. Je me suis dit : ce n’est pas possible ! 

 

Ma belle-sœur m’a alors prise par les bras et m’a emmenée dans la chambre pour m’examiner. C’est là qu’elle m’a dit que je devais le plus vite possible me tourner vers un chirurgien. Mes parents, les deux décédés aujourd’hui, ont tous les deux eu un cancer et je n’ai jamais cru que j’étais à risque. Ma mère avait un cancer à la vésicule biliaire et mon père un à la prostate. J’ai alors été à l’hôpital pour des tests plus approfondis. Les premiers résultats, après une ponction mammaire, n’ont rien révélé mais un des médecins qui m’avaient auscultée, sachant très bien que mes parents avaient eux aussi un cancer, voulait faire des examens plus approfondis et m’a proposé de faire une intervention pour un prélèvement. 

 

Ce sont ma belle-sœur et son époux qui sont venus m’annoncer la nouvelle. Ils m’ont dit que des cellules cancérigènes avaient été détectées dans mes prélèvements. 

 

Qu’est-ce qui s’est passé dans votre tête à ce moment précis ? 

 

À l’époque, j’avais 55 ans et je me suis dit que je n’avais pas voulu cela mais que ce qui doit arriver arrivera. Mes proches étaient, eux, catastrophés. À l’époque, mon fils étudiait à l’étranger et mes deux autres enfants faisaient leur Form V et Form VI respectivement. Une tumeur d’une taille importante avait été décelée. Mes proches qui sont dans le domaine de la médecine m’ont alors proposé d’aller à La Réunion, où j’ai également de la famille, pour faire des tests complémentaires. 

 

Une fois là-bas, on m’a annoncé qu’on allait m’enlever mon sein. Je n’ai pas hésité une seconde pour accepter mon ablation car j’ai pensé à toutes ces femmes dont le cancer a été décelé trop tard. Je me suis dit :«Kan enn brans inn gagn karya, bizin koup li.» Je me souviens que le médecin m’avait dit que la plupart des patientes sont affolées lorsqu’on parle d’ablation et qu’il était étonné par ma réaction. Aucune garantie ne m’avait été donnée sur une éventuelle guérison. Il m’avait dit qu’une partie de mes nodules avait été affectée. Il m’a alors dit que j’avais trois à six mois à vivre. 

 

Comment avez-vous réagi face à cette nouvelle ?

 

J’ai pensé à mes proches à Maurice. Je les ai appelés et mon mari m’a dit qu’il prenait tout de suite l’avion pour me rejoindre. Je lui ai dit de rester avec les enfants. Il m’a dit de faire tout mon traitement à La Réunion. Je peux vous dire que ce n’était pas donné. On avait mis de l’argent de côté pour les études des enfants mais tout est allé dans mon traitement. Mon fils, qui étudiait aussi à l’étranger, voulait aussi rentrer. Mais en tout cas, ce qui est sûr, c’est que je n’avais pas peur de la mort. 

 

Quelle a été votre réaction en vous réveillant après votre opération ?

 

Je me suis réveillée, j’ai regardé ma poitrine sans sein. Je me suis sentie drôle mais à ce moment-là, ce qui s’était passé était loin derrière. Mon mari m’avait aussi dit que ma santé était prioritaire. J’ai choisi de ne pas avoir recours à une reconstruction mammaire. C’est mon choix et ne pas avoir un sein ne met nullement en cause ma féminité. Je me suis relevée et j’ai continué à mener ma vie. On m’avait donné trois mois, j‘avais 55 ans et aujourd’hui, j’en ai 71. 

 

À quel moment avez-vous pensé à vous engager ?

 

À peu près à la même époque que moi, le père Jocelyn Grégoire avait aussi eu un cancer du sein et il en parlait. Là, je me suis demandé pourquoi il n’y avait pas plus de femmes qui parlent de leur maladie et que cela pouvait être une bonne façon d’alerter et d’informer. Je n’ai ainsi pas hésité à m’engager, notamment auprès de l’ONG Link to Life qui sensibilise le public et accompagne les personnes atteintes de cancer. Je n’hésite pas non plus à aller à la rencontre des malades, à leur parler, les écouter, mais aussi à partager avec eux. C’est important pour un malade d’avoir du soutien.

 

Est-ce que le cancer fait maintenant partie du passé pour vous ?

 

Je ne vais pas dire que je suis guérie. Mais je continue mon combat. Je me fais un devoir de m’habiller en rose durant tout le mois d’octobre chaque année.  J’ai eu la chance de pouvoir compter sur mes proches et c’est avec le même état d’esprit que je compte épauler mon fils. Il a 38 ans et on vient d’apprendre qu’il a une tumeur maligne au cerveau. C’est terrible. Mais comme cela a été le cas pour mes parents, puis pour moi, on va faire face.