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Moqueries, discriminations et préjudices : Le cri du cœur des «fam rasta»

Annabelle Valère martèle que les rastas n’utilisent pas le gandia pour se droguer mais dans le cadre de leur pratique religieuse.

Des éléments féminins de l’Association socioculturelle Zanfan Zion – qui regroupe des jeunes rastafaris – dénoncent les moqueries, discriminations et autres préjudices auxquels il leur faut faire face au quotidien. Ces femmes s’expriment dans le sillage de la récente marche à Port-Louis pour réclamer la légalisation du cannabis. Qui est loin d’être le seul combat de leur communauté.

Être rasta ne se limite pas à arborer un look et une coiffure particulière ou à fumer du gandia. C’est avant tout un mode de vie. Mais un mode de vie qui n’est pas accepté par tous dans notre île. Les membres du mouvement rastafari en savent quelque chose. D’ailleurs, ils ont marché la semaine dernière dans les rues de Port-Louis pour réclamer, encore une fois, la légalisation du cannabis dans le cadre de leur pratique religieuse. Toutefois, leurs revendications vont beaucoup plus loin. Ils demandent aussi à être acceptés, respectés et traités comme les autres citoyens. Les femmes de l’Association socioculturelle Zanfan Zion se font leurs porte-parole.

 

Ce qu’elles veulent avant tout, c’est une valorisation de la communauté rasta, un changement de mentalité positif à leur égard. Car, disent-elles, les rastas, surtout ceux de la jeune génération, rêvent de ne plus avoir à se cacher pour pratiquer leur religion. «À l’état civil, nous nous déclarons en tant que rastas, la religion que nous pratiquons, lorsque nous nous marions. C’est aussi le cas sur l’acte de naissance de nos enfants. Alors, pourquoi n’avons-nous pas le droit de pratiquer notre religion librement ?» s’insurge Sandra Ambroise, une habitante de Rose-Belle.

 

Cette jeune femme de 27 ans, mère de deux garçons, incarne à elle seule l’histoire d’un combat pour le respect des personnes de sa communauté : «Je ne sais plus à quelle porte frapper pour trouver un emploi. Je suis rasta. J’ai des dreadlocks. Mais je peine à trouver du travail alors que je suis détentrice d’un Diploma in Tourism Management. La persécution a commencé à l’époque où j’étais au collège. J’ai toujours eu des problèmes à cause de mes dreadlocks. J’ai même eu des difficultés à trouver un stage d’études à cause de mes nattes.» Cette situation doit cesser, dit-elle.

 

Annabelle Valère, une Curepipienne de 30 ans, acquiesce. Cette femme au foyer, mère de trois enfants, dénonce elle aussi le «racisme» et le «mépris» de certains envers elle et ses semblables. «Je suis allée à une pharmacie récemment pour faire vérifier ma tension artérielle. La pharmacienne m’a dit que l’appareil ne fonctionnait pas alors que juste avant, elle l’avait utilisé pour vérifier la tension artérielle d’une autre dame. Je suis repartie sans rien lui dire, même si c’était très frustrant.»

 

Joanne Ferdinand ne souhaite plus vivre en marge de la société à cause de ses dreadlocks.

 

Le regard des autres, c’est justement ce qui blesse le plus, souligne Joanne Ferdinand. Cette habitante de Cassis, âgée de 29 ans, pratique le rastafarisme depuis son mariage avec Cédric, le président de l’Association socioculturelle Zanfan Zion, il y a quatre ans. «Au début, c’était difficile de sortir avec mes dreads. Les gens me dévisageaient avec un regard blessant et méprisant. Cela m’a toutefois rendue plus forte. Nous savons que ne sommes pas des gens inférieurs. Notre combat repose sur le droit de pratiquer notre religion librement.»

 

«Herbe sacrée»

 

Les dirigeants de l’Association socioculturelle Zanfan Zion ont, à maintes reprises, écrit au Premier ministre à cet effet, précise Sandra Ambroise. Ils s’appuient sur l’article 18 de la Déclaration des droits de l’homme qui stipule qu’empêcher quelqu’un de pratiquer sa religion librement constitue une entorse à la loi. Les jeunes rastas ont également sollicité plusieurs rencontres avec le chef du gouvernement, en vain, confie Sandra Ambroise. Sa question est simple : le rastafari est-il illégal à Maurice ?

 

«L’état civil nous reconnaît en tant que rastas, nous autorise à nous marier et à déclarer nos enfants comme tel mais nous n’avons pas le droit de pratiquer notre religion comme il se doit. Le gandia est une herbe sacrée pour nous. Sa consommation permet à notre âme de s’élever. C’est pour cela qu’on demande sa légalisation dans le cadre de notre religion, comme c’est le cas dans plusieurs pays, dont la Jamaïque où sa consommation est illégale mais où les rastas ont une dérogation pour l’utiliser dans leurs rituels religieux», martèle Sandra Ambroise.

 

Elle ne veut plus se cacher pour pratiquer sa religion : «Je veux savoir à qui cela fait du tort lorsque je consomme du gandia chez moi pour prier. Nous ne prenons pas du gandia pour nous droguer et nous ne voulons plus aller nous cacher dans les bois ou au bord des rivières pour prier. Nous ne voulons plus vivre dans la peur. Il y a toujours des descentes policières chez nous. Nous devons être sur nos gardes. Il faut que cela cesse. Il faut aussi arrêter avec les discriminations.»

 

Elle nous raconte un autre épisode pour illustrer ces «discriminations». Lors de son séjour à l’hôpital de Rose-Belle pour son deuxième accouchement, elle a eu, dit-elle, un vif échange avec un membre du personnel soignant qui exigeait qu’elle se coupe les cheveux après lui avoir demandé ce qu’elle avait sur la tête : «Pourquoi nous fait-on tant de misères ? Les rastas sont toujours persécutés. Mon époux et d’autres frères rastas ont été roués de coups à Port-Louis, le 6 mai 2016, lors d’une manifestation pacifique. Plusieurs personnes ont vivement condamné les brutalités policières dont ils avaient été victimes. Deux ans plus tard, nous sommes toujours méprisés.»

 

Annabelle, Joanne et Sandra demandent encore une fois à Pravind Jugnauth d’accepter de rencontrer l’Association socioculturelle Zanfan Zion qui souhaite lui faire part de ses doléances. «Nous sommes des citoyens de ce pays. Nous espérons qu’il va nous écouter car il avait dit qu’il est le Premier ministre de tous les Mauriciens. Autrement, il va falloir nous déporter vers l’Afrique», argue Sandra Ambroise. Mais les rastas mauriciens préfèreraient rester ici car malgré tout, disent-ils, ils aiment leur pays.