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Le père Jean-Maurice Labour : «Les milliards de l’Inde à Maurice ne sont pas des cadeaux»

Le père Jean-Maurice Labour

«C’est une population désespérée qui n’ose pas et qui ne peut pas dire vraiment ce qu’elle pense dans la mesure où elle est maintenue dans une situation de dépendance totale», souligne le père Jean-Maurice Labour, vicaire général. Dans l’interview qui suit, le responsable du dossier d’Agaléga au diocèse de Port-Louis, nous parle de cette île, de sa prise de position contre la VOH sur ce sujet et des craintes autour de la souveraineté de Maurice sur Agaléga.

Il y a, en ce moment, beaucoup de craintes autour de la souveraineté de Maurice sur Agaléga. Qu’en pensez-vous ?

 

Il peut y avoir plusieurs manières de perdre la souveraineté sans la perdre sur papier. Le gouvernement mauricien n’est pas si bête de s’exposer à cette critique tout en luttant pour retrouver sa souveraineté sur les Chagos. Il pourrait, par exemple, donner à l’Inde un bail de 99 ans et tellement de pouvoirs à travers un aéroport militaire déguisé en poste de National Coast Guard destiné à la surveillance de la mer. Ajoutez à cela une pression subtile exercée depuis quelques années sur les Agaléens pour qu’ils quittent leurs terres. C’est l’absence de projet de développement de cette île, ajoutée à l’impossibilité pour les femmes d’y accoucher, qui me poussent, depuis plusieurs années, à parler de véritable génocide. Pourquoi construire 100 maisons supposément destinées aux travailleurs indiens qui y viendront avec femmes et enfants ? 

 

Que voulez-vous dire ?

 

Une vraie aide de l’Inde à Maurice n’aurait-elle pas dû donner les contrats de construction et d’aménagement à des entreprises mauriciennes tout à fait compétentes pour ces infrastructures ? Je demande formellement que soit rendu public le Memorandum Of Understanding entre l’Inde et Maurice, afin de dissiper la crainte que la République de Maurice ne perde sa souveraineté sur l’archipel d’Agaléga. Jusque-là, nous ne pouvons que poser des questions et faire des déductions à partir de ce que disent les différents acteurs de la société civile et politique. Par exemple, une piste d’atterrissage tellement longue qu’elle semble destinée à accueillir des gros porteurs militaires. Aéroport civil ou militaire ? Contrôlé par qui ? Le public pourra-t-il accéder à l’île pour y faire du business et visiter de la famille ?

 

Les rumeurs qui attestent que l’Inde injecte de l’argent dans des projets à Agaléga afin d’utiliser l’île comme un point de ravitaillement pour son armée sont-elles fondées selon vous ?

 

L’Inde est la concurrente de la Chine comme nouvelle puissance de l’hémisphère sud. Agaléga est un atout considérable en face de la base de Diégo, détenue par la grande puissance occidentale que sont les États-Unis, avec la complicité de l’Angleterre. Ces données géopolitiques et militaires sont claires. Les milliards de l’Inde à Maurice ne sont pas des cadeaux mais semblent être des deals bien calculés. Que le gouvernement dissipe les rumeurs en publiant le contrat signé entre l’Inde et Maurice !

 

Comment accueillez-vous les engagements pris par la Grande Péninsule pour développer l’archipel d’Agaléga ? Notamment avec la construction d’une jetée moderne qui permettra aux bateaux de croisière d’accoster et celle d’une nouvelle piste d’atterrissage.

 

La construction des deux infrastructures de base est long overdue, dans la mesure où c’est l’enclavement d’Agaléga qui empêche ou freine tout vrai développement humain. Tous les gouvernements successifs sont coupables de n’avoir pas eu la volonté politique de faire ces infrastructures de base, malgré le fait que, depuis 20 ans, les Budgets ont été votés pour ces items. Toutefois, le développement n’est pas que le béton et l’asphalte ! Y a-t-il un plan de développement humain qui accompagne ces infrastructures ? Où sont les Agaléens alors qu’ils devraient être les premiers concernés et mis dans le coup ? Que fait-on pour que les enfants et les jeunes Agaléens se préparent à prendre leur place dans des projets de développement qui pourraient suivre la mise en place de ces infrastructures ? L’Island Council, récemment renouvelé, a-t-il son mot à dire dans les décisions si importantes qui se prennent en ce moment sur l’avenir d’Agaléga ? 

 

Mais encore…

 

L’accostage de bateaux de croisière est un eyewash qui aveugle sur les vrais bateaux militaires. Le plus petit bateau de croisière va déverser sur l’île un minimum de 500 touristes d’un seul coup. Que prévoit-on pour accueillir ces touristes ? De l’eau de coco seulement ? Un roll-on, roll-off beaucoup moins cher suffirait amplement pour mettre en place des projets qui préserveraient l’environnement de cette belle île qui ne peut accueillir que de petites quantités de touristes à la fois. Une piste d’atterrissage de la longueur de celle de Rodrigues suffirait.

 

Savez-vous comment les Agaléens vivent tout ce flou autour de l’avenir du pays ?

 

C’est une population désespérée qui n’ose pas et qui ne peut pas dire vraiment ce qu’elle pense dans la mesure où elle est maintenue dans une situation de dépendance totale. L’employeur est l’État qui contrôle tout le reste : la propriété foncière et immobilière, l’autorité judiciaire et administrative, l’éducation, la santé, l’énergie, les communications. Cet État n’a aucune volonté de penser un projet de développement humain. J’ai dit et je maintiens qu’il s’agit d’un génocide à mort lente d’un petit peuple. 

 

Pourquoi avoir réclamé cette semaine des éclaircissements à la VOH qui a dit dans une conférence de presse avoir «donn (nou) kontribision pou ed lasapel Agalega» ?

 

Moi qui suis responsable du dossier d’Agaléga au diocèse de Port-Louis, je n’ai jamais été mis en présence d’un don de la VOH. Même s’il s’avérait, le message que nous envoie la VOH est le suivant : taisez-vous ! Vous avez accepté de l’argent pour votre chapelle, ne rouspétez pas contre l’Inde qui veut investir à Agaléga. Un supposé «don», s’il était revêtu de noblesse et de grandeur d’âme, aurait été plus discret. Là, cela ressemble à un chantage disproportionné. Un hypothétique don pour se taire sur un deal qui se chiffre à des milliards. 

 

À votre avis, qu’est-ce qui serait le mieux pour Agaléga ?

 

Certainement un accostage de bateaux et une piste d’atterrissage pour avions commerciaux mais tout cela en proportion avec un projet de développement humain où les Agaléens auraient une place prioritaire dans la prise de décisions et leur mise en œuvre. Autrement dit, un projet porteur, au service duquel seraient mises les infrastructures. Le projet porteur pourrait être le suivant : Agaléga et les autres îles de notre archipel pourraient être développées en espaces verts de détente pour notre population stressée avec ses 600 habitants au km2. Cela respecterait et développerait l’environnement durable avec une population capable de partager et de développer sa culture, ses traditions, qui sont un enrichissement pour la République. Qu’il y ait un poste important de National Coast Guard aidé par l’Inde n’est pas à écarter... Mais que ce soit inséré dans un plan de développement humain au service de la République et non pas aliéné au diktat des rapports de forces militaires. 

 

Parlez-nous de ce que le diocèse fait pour l’île ?

 

Nous n’aimons pas faire «pour» mais faire «avec». Depuis les temps de la mission des pères jésuites et spiritains, l’Église accompagne ce peuple avec ses grandeurs et ses misères. Mais il revient à l’État de donner à ce peuple les moyens de son développement humain; nous sommes soumis au rythme du non développement de ce peuple. Cependant, la présence de deux chapelles, une sur chacune des deux îles, témoigne de notre présence plus que centenaire auprès de cette petite population. La première école se tenait dans l’église. On faisait du 100 % de pass.