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Kris Valaydon : «On oublie que l’accès à l’eau est plus qu’un besoin»

Kris Valaydon : «On oublie que l’accès à l’eau est plus qu’un besoin»

Le sort de la Central Water Authority et une éventuelle augmentation du prix de l’eau ont, ces derniers temps, occupé l’actualité et ont été diversement commentés, que ce soit par les politiques ou par les syndicalistes. Le Dr Kris Valaydon, ancien cadre des Nations unies en matière de population et de développement, et aujourd’hui juriste et analyste politique, nous donne son avis sur le sujet.

Que pensez-vous de la situation concernant la distribution d’eau dans le pays ?

 

L’on trouvera difficilement un ménage à Maurice qui ne s’en est jamais plaint. Les coupures font partie de notre mode de vie. Au fil des générations, on a fini par se résigner. Il y a même un séga, Dilo Pou Arrete 9er, qui raconte la misère quotidienne de bon nombre de personnes. On a tendance à s’en accommoder. Il y a un problème de fond : on oublie que l’accès à l’eau est plus qu’un besoin. C’est un droit. Certains nous rabâchent même que nous sommes des privilégiés, font référence à l’époque des fontaines publiques, comme si avoir accès à l’eau chez soi est aujourd’hui un privilège. Même la population pense de cette façon. L’approche droit est absente.

 

Lors du meeting de l’alliance gouvernementale à Vacoas, le 1er mai, le Premier ministre Pravind Jugnauth, et son adjoint Ivan Collendavelloo, ont insisté sur l’importance de la réforme de la Central Water Authority (CWA). Quel est votre avis ?

 

La réforme de la CWA relèverait d’une approche piece meal ou ad hoc à un  grand problème qui affecte le pays. Or, la réforme doit concerner l’ensemble du secteur de l’eau, dans le cadre d’une analyse systémique qui tient compte des root causes qui font persister les dysfonctionnements. Aussi, faut-il dire que tous les gouvernements depuis l’Indépendance ont évoqué la question de la réforme. Mais en ont-ils fait une question prioritaire ? On nous ressasse depuis 50 ans que la gestion du secteur est déficiente parce que les tuyaux datent de plus d’un siècle, de lepok angle. Mais depuis 1968, on a eu une dizaine de gouvernements, 50 discours budgétaires, voire plus, et la situation ne s’est guère améliorée à ce niveau-là.

 

Même si le leader du ML a répété que la CWA ne sera pas privatisée, ils sont nombreux à s’élever contre une telle éventualité. Faut-il craindre la «privatisation» de la CWA ?

 

Si j’ai bien compris la déclaration du ministre sur une radio, c’est la gestion qui sera entre les mains du secteur privé, donc une entreprise étrangère, afin de bénéficier de l’expertise. Il a utilisé le mot technique, que nous n’avons pas à  Maurice. Une société privée va prendre toutes les installations existantes et les gérer. D’où la question : si c’est vraiment la gestion des installations qui est défectueuse, est-ce que c’est sa privatisation ou l’affermage, comme ils disent aujourd’hui, qui va régler le problème de manière durable ? Est-ce que, pour une question de transfert de connaissances, il y a lieu de céder la gestion des investissements que le pays a mis dans le secteur, à une entreprise privée qui  va devoir faire des profits pour continuer à rester ici ? D’où viendront ces profits sinon de la poche des consommateurs ? Dans un système d’affermage,  c’est une société privée qui va fixer le tarif et elle va le faire en tenant compte des coûts réels. C’est pourquoi la question de l’augmentation des tarifs est liée à la privatisation, même s’il s’agit de la privatisation de la gestion.

 

Il semblerait qu’il existe des divergences de vue entre le parti soleil et son partenaire d’alliance concernant notamment l’augmentation du tarif de l’eau. Qu’en pensez-vous ?

 

Tout est politique. Il y a une part de démagogie dans ce qui se passe. Le gouvernement est dans une logique de libéralisme économique, la réalité des coûts, et d’abandon des principes keynésiens, l’effritement du welfare state, en conformité avec les diktats de la BM et du FMI. Ces institutions insistent sur ce l’on pourrait appeler la réalité des coûts, c’est-à-dire faire payer au consommateur le coût réel de production et de distribution de l’eau. Or, l’eau n’est pas un bien ou service, comme n’importe quelle autre marchandise. L’eau, c’est un droit et ce n’est pas la réalité des coûts qui doit primer mais la réalité des moyens. C’est-à- dire que le consommateur paye selon ses moyens. La privatisation va rendre inévitable l’augmentation du prix de l’eau pour toutes les couches de la population, qu’elles aient les moyens ou pas.

 

Quelle pourrait être la meilleure solution à tout le problème entourant la CWA ?

 

La CWA n’est pas le problème. Elle n’a pas plus de défis auxquels faire face que d’autres organismes parapublics. Elle n’est pas plus inefficace ni ne souffre de plus de problème de gestion que d’autres corps parapublics. Sa gestion n’est qu’un bouc émissaire pour justifier la privatisation afin que règne l’ultra-libéralisme économique, la réalité des coûts, et que disparaissent les principes keynésiens, le welfare state.