• Parité en politique : des voix pour inspirer le changement
  • Milys.créations : quand Emily transforme vos idées en souvenirs inoubliables
  • Il s’était introduit chez une dame âgée en pleine nuit : un voleur maîtrisé par des habitants à Camp-Levieux
  • Étoile d’Espérance : 26 ans d’engagement, de combat et d’espoir
  • Arrêté après l’agression d’un taximan : Iscoty Cledy Malbrook avoue cinq autres cas de vol
  • Golf : un tournoi caritatif au MGC
  • Le groupe PLL : il était une fois un tube nommé… «Maya L’Abeille»
  • Nilesh Mangrabala, 16 ans, septième victime de l’incendie du kanwar à Arsenal - Un rescapé : «Se enn insidan ki pou toultan grave dan nou leker»
  • Hippisme – Ouverture de la grande piste : les Sewdyal font bonne impression
  • Sept kendokas en formation à la Réunion

Hôpital «lizie» : À vue d’œil…

Salle d’attente remplie et petit monsieur  pas très tendre : bienvenue à Moka…

L’établissement Subramania Bharati est appelé à devenir un centre d’excellence, selon le ministre de la Santé. En attendant, comment cela se passe-t-il là-bas ? On constate de visu.

Coup d’œil à la montre. Il est 9h45. C’est la foule à l’hôpital Subramania Bharati, aussi connu comme l’hôpital de Moka ou lopital lizie. La salle d’attente est bondée mais ne le serait pas tant que ça, apprend-on du personnel hospitalier : «Aujourd’hui, il y a moins de monde.» Ah bon ? À l’œil, comme ça, on dirait quand même que la salle est comble. Presque toutes les assises bleues sont prises. Mais il n’y a personne debout : il est peut-être là le signe. «C’est un bon jour», nous explique-t-on aussi. La veille, les choses ne se seraient pas si bien passées. Mais nous n’étions pas là. Ce qui est sûr, c’est que cet établissement médical est appelé à devenir un centre d’excellence. En tout cas, c’est le plan du ministre de la Santé, Anwar Husnoo. En attendant de voir cet hôpital ne s’occuper que des cas graves et/ou difficiles, nous avons décidé de lui poser une colle, de le tester pour une simple consultation (en mode incognito). Pour avoir la prétention de s’imaginerhi-tech et à l’avant-garde de la médecine oculaire, il faut déjà avoir de bonnes bases, non ? 

 

Avant même de commencer, on brise le suspense, on répond à la question que vous vous posez tous, on tir lizie de ce reportage, quoi. On passe combien de temps à Moka si on souhaite voir le médecin ? Réponse : 3 heures (dont cinq minutes avec le doc’ ; on ne lui a visiblement pas tapé dans l’œil). En même temps, une pancarte affichée avait – presque – annoncé la couleur : «Normal waiting time is two hours.» Bon, reprenons depuis le début. Bon point : l’accueil est efficace. Le monsieur assis derrière son comptoir dirige : «Première consultation ? Allez vers le guichet 1, c’est pour les new cases Sept personnes dans cette file (il y en a cinq autres pour les rendez-vous). Et ça va vite. Un bon présage pour la suite ? On se met le doigt dans l’œil (mais ça, vous le saviez déjà !). 

 

Impensable va-et-vient

 

C’est notre tour. Mission 1 : brandir sa carte d’identité et hurler son adresse et son âge. À travers la paroi, la communication ne passe pas très bien. Et on se demande presque si ce n’est pas à l’hôpital ENT qu’on aurait dû aller. La sympathique remplisseuse de fiche bleue nous dirige du doigt vers un petit coin d’attente. Il est 9h55. En discutant avec ceux qui attendent, on comprend qu’à un moment, une infirmière va appeler notre nom. Ici, pas de système de ticket, ni d’écran pour le numéro ; la criée, c’est tendance. Le toit qui fuit aussi. En plein milieu de la salle d’attente, un seau fait de la récolte d’eau de pluie (on espère). 

 

Pour tuer le temps, on observe : la salle est propre à vue d’œil (même si carrément vieillotte et un peu kitsch, avec ses affiches presque vintage). Et il n’y a pas cette odeur d’hôpital qui fait tourner de l’œil. Partout, des personnes âgées, accompagnées ou pas, qui viennent parfois de loin et qui doivent se lancer dans un impensable va-et-vient que nous n’allons pas tarder à découvrir. Mais d’abord, il faut prêter l’oreille pour saisir son nom. Parce que les infirmières (elles s’y mettent à trois, à chaque bout de la salle), elles ont beau crier, il faut un sacré organe pour couvrir le brouhaha des conversations. 10h24 : libération, vous avez été sélectionné (votre nom a été appelé trois fois), passez à la case suivante. Mais où ça ? Personne ne vous l’indiquera, il faut simplement follow the flow. Direction : un couloir d’attente. 

 

Il y a foule. Des gens assis. Mais beaucoup de gens debout aussi qui bloquent le plus naturellement du monde l’entrée de l’Emergency Room. Ça doit être un désordre organisé. Surtout qu’un petit monsieur s’assure régulièrement que les gens s’asseyent quand c’est possible. «Asize», lance-t-il à tout va. Oui, à l’hôpital de Moka, c’est le paradis de l’injonction : «Diboute», «ouver lizie», «lir», «avanse», «sorti», «atann». Pour survivre à l’aventure, il faut pouvoir suivre les ordres à la seconde près et ne pas attendre de «s’il vous plaît» et de «merci» (ce sont des mots proscrits, il faut l’accepter). Néanmoins, ceux qui hurlent les noms le font à plusieurs reprises afin que la personne appelée ne manque pas son tour pour cause de tour au pipi room, par exemple. Et ça, franchement, c’est quand même sympa ! 

 

10h35, c’est l’heure de lire les lettres avec une main posée sur l’œil droit, puis sur l’œil gauche. C’est un passage obligé, apprend-on. À aucun moment, néanmoins, nous demande-t-on ce qui nous amène à l’hôpital. Trois minutes plus tard, nous sommes de retour à la première salle d’attente. Là où le vent frais de Moka s’engouffre avec une certaine violence. À 11h30, nous sommes – finalement ! – appelés pour rencontrer le médecin. En quatre minutes, c’est fait (en même temps, avec une salle remplie, vaut mieux mettre le paquet). Le temps pour lui de nous demander la raison de notre présence (un mal de tête récurrent), de nous ausculter avec une petite torche (oui, c’est de l’old school) et de nous prescrire une prise de tension des yeux. Là, c’est retour à la salle de «lecture». Devant nous, une nani peine à suivre les indications d’un jeune homme qui n’a pas un océan de patience en lui. 

 

Quelques secondes plus tard, on comprend toute la difficulté de la vieille dame. Il faut s’allonger à demi sur une chaise inclinée, ouvrir les yeux bien grand, alors qu’on y met des gouttes (sans des gants) qui brûlent et qu’on vous touche l’œil avec quelque chose en métal. Horrible. Dans la tête, des envies de meurtre, des malédictions à la chaîne. Œil pour œil, médisance pour médisance. Mais l’épreuve est vite passée. Et elle n’est pas habituelle, nous apprend-on ; l’appareil utilisée pour ce genre de test est en panne. Direction à nouveau, la première salle d’attente. Cette fois, il ne faut pas… attendre. Ouf ! Le médecin regarde les résultats, explique ce qu’est la tension des yeux (enfin une explication) et statue : «Votre mal de tête n’est pas dû à vos yeux. Vous devriez faire d’autres tests.» Point. Une minute chrono. Il est 11h44. Et la visite est terminée… 

 


 

Des services délocalisés 

 

C’est le plan du ministre de la Santé. Que les soins des yeux ne soient plus localisés à Moka mais qu’on puisse faire un check-up et un suivi dans la plupart des centres de santé de l’île. Ce qui permettra à l’hôpital lizie de se spécialiser dans le traitement de maladies oculaires compliquées. Un projet qui s’insère dans l’actuelle collaboration de Maurice avec l’Al-Shifa Trust du Pakistan. D’ailleurs, des ophtalmologues de cette institution sont à Maurice pour, entre autres choses, former les médecins mauriciens aux nouvelles techniques de chirurgies oculaires.