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“Les créoles ne se sentent pas défendus par ce gouvernement”

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Le père Filip Fanchette estime que les créoles ont la perception que ce gouvernement ne les défend pas et ont le sentiment que les hindous accaparent tout dans ce pays.

Q : Quelle est votre lecture de la sortie de Mgr Piat contre l’État, dimanche dernier à Bel Air Rivière Sèche ?
R : Mgr Maurice Piat a exprimé le ras-le-bol ressenti par les catholiques. Je ressens moi-même la même chose. Les gens que je rencontre dans la rue me disent : ‘Bane la pé prend tout’.


Q : Qui sont ces gens que vous avez rencontrés ?
R : Ce sont des créoles de la région de Port-Louis et d’ailleurs.


Q : Qui sont ces ‘bane la’ qui sont, selon ces créoles, en train de tout prendre?
R : Les hindous.


Q : C’est très communal ce que vous dites là.
R : C’est une réalité et on ne peut nier les problèmes qui existent si on veut trouver des solutions.


Q : Le PM a rétorqué que la plateforme était mal choisie par Mgr Piat. Êtes-vous de cet avis ?
R : À chaque fois que ce genre de sortie est fait, on nous dit que le moment était mal choisi. Les organisations socioculturelles ou la Hindu House rencontrent Bérenger après quoi les journaux font état de la teneur des discussions. Son bureau a été pour lui un lieu pour exprimer certaines choses à certaines personnes. Il en va de même pour Mgr Piat.


Q : Cette sortie de Mgr Piat était-elle préméditée, du fait de l’existence d’un discours écrit ?
R : Je ne peux pas entrer dans ce débat. Il y a eu cette sortie de la part de Mgr Piat; je crois qu’on lui a fait part de beaucoup de ressentiments et il les a exprimés.


Q : L’évêque a parlé de trahison de l’État dans l’affaire des 50 % des places réservées, devant le Privy Council. Y a-t -il eu trahison ?
R : C’est l’ex-chef juge, sir Maurice Rault, qui, en premier, a parlé, lors d’une interview, de coup de poignard dans le dos. Je crois que la force de l’évêque vient de cette déclaration, car sir Maurice Rault n’est pas n’importe qui, c’est un fin juriste qui regarde les choses d’en haut. Coup de poignard veut aussi dire trahison. La perception dans le public est que l’État a trahi l’Église. Les avocats de l’État ont dit que le contrat qui existait entre l’Église et l’État ne valait rien. C’était au gouvernement mauricien de le dire à l’Église avant d’aller au Privy Council. Le contrat liait deux parties, pas seulement l’Église.


Q : Vous dites que les créoles sont fâchés, mais ils n’avaient jusqu’à récemment manifesté aucun intérêt pour le cas devant le Privy Council. Comment expliquer cette prise de position en faveur de Mgr Piat, comme cela a été le cas mardi dernier au Foyer de l’Amitié ?
R : Beaucoup de créoles à la base ne se sentaient effectivement pas concernés par la quesiton des 50% des places réservées. Mais eu égard à la façon dont les choses se sont produites, il y a eu un mouvement de colère qui s’est dessiné et c’est devenu une affaire entre communautés. Quand le PM vient dire que certains se servent de ce jugement pour faire monter la mayonnaise, il n’a pas le feeling de ce qui est en train de se passer. La rue réagit. Mgr Piat doit une fière chandelle à M. Tengur, car la masse créole, même si elle ne se sent pas concernée par les 50% des places réservées ni par l’affaire des Rs 11 millions de la PSSA, se mobilise derrière leur évêque. Les créoles se sentent acculés et l’évêque devient alors un symbole et, dans la mesure où il prend position, il vient exprimer la colère des créoles. Les créoles ont peur de tout perdre. Il y a eu une accumulation d’événements qui a poussé les créoles à soutenir Mgr Piat. Par exemple, quand il y a eu le sigle de la Voice of Hindu peint sur les églises et quand le PM avait rencontré les membres de cette organisation sans leur demander des explications. Les créoles ne se sentent pas défendus par ce gouvernement. Même si la plupart des créoles n’étaient pas d’accord avec Mgr Piat, ils disent : ‘Pas touche nou l’évêque’ et, par ricochet, ‘pas touche nou oussi’.


Q : Vous dites que “les créoles ne se sentent pas défendus par ce gouvernement”. Pourtant, Paul Bérenger, un catholique, est Premier ministre.
R : Qu’importe! C’est l’accumulation et la rapidité des événements qui font que les créoles ont cette perception d’être laissés sur la touche.


Q : Pensez-vous que le gouvernement est prisonnier de certains lobbys ?
R : Il n’y a pas de lobbys créoles. Au MMM, il y a des créoles que le PM considère être la voix des créoles, mais ce n’est pas nécessairement vrai. Les créoles sont des laissés-pour-compte et le gouvernement laisse faire contre les créoles.


Q : Comment expliquer que l’Église a refusé de recruter sur une base sociale et non religieuse, comme le lui avait conseillé le gouvernement ?
R : Je crois qu’il y a un lobby des parents au sein de l’Église qui ne veut pas lâcher le morceau. On a laissé volontairement croire que les 50% des places étaient attaqués, alors que c’est faux. Ce n’est qu’après le jugement du Privy Council qu’on est venu dire que ces 50% ne concernaient que 70 des 750 places dans les écoles catholiques. On s’est foutu de moi en tant que prêtre catholique.


Q : Abordons l’aspect social dans le mode de recrutement dans les écoles catholiques dont vous êtes vous-même un ardent défenseur. Pensez-vous que l’Église pourrait trouver là une formule pour conserver jalousement ses 50% des places ?
R : Quand je disais qu’on pouvait recruter sur une base sociale, on ne me croyait pas. La Soeur Cyril Mooney est comme un cadeau de Dieu; elle vient me conforter dans ma position sur la question de recrutement. Elle vient dire qu’elle recrute selon une formule sociale à Calcutta. Cela se fait également aux Philippines. Ce mode de recrutement social vient révéler aux jeunes riches qu’ils peuvent être généreux en leur faisant prendre conscience qu’ils peuvent aider des gens pauvres. À Maurice, on continue à fermer le coeur des jeunes riches et à les mettre dans une citadelle.


Q : Le Premier ministre a dit reconnaître la liberté de l’Église de ne plus être partie prenante de notre système éducatif. Êtes-vous pour que l’Église se retire de l’éducation ?
R : L’Église doit être dans la réforme de l’éducation, car cela lui donne des moyens et, en développant le recrutement au niveau social, elle peut influencer le système éducatif à la longue et faire émuler ce mode de recrutement dans d’autres établissements.


Q : Des associations qui montent au créneau et même l’Église - et qui étaient jusqu’ici réfractaires à la langue créole proposent que le créole soit introduit au primaire et que cette langue soit ‘examinable’ au même titre que les langues orientales. N’est-ce pas de l’hypocrisie de leur part ?
R : J’ai déjà cité le cas de Curepipe où il y avait un groupe qui était contre l’utilisation du créole à l’église. Or, quand on écrase le créole dans sa propre église et qu’on lui fait comprendre que sa langue est bonne pour les églises de Roche Bois et de Barkly et pas pour Curepipe, on écrase sa fierté. C’est de l’hypocrisie de la part de l’Église. Le président de la Banque mondiale a dit que la fierté de l’identité culturelle d’une communauté est un élément essentiel pour qu’elle prenne en main son destin. Ce petit groupe de la bourgeoisie vient imposer, non pas ses réflexions, mais ses goûts aux autres. Pourquoi le tolère-t-on ? Parce que ce sont ses membres qui financent. Plus l’Église dépendra de ce genre de personnes, plus ses mains seront liées. Pour ce qui est de la langue créole à l’école, le message est déjà passé : elle a été introduite dans certaines écoles catholiques. Par contre, le diocèse n’est pas encore venu dire que le créole a toute sa place au sein de l’Église. Il faut une déclaration claire en ce sens; il faut dire que le créole a droit de cité à l’église. Dans les églises, on fait croire aux créoles que le français est une langue supérieure à la langue créole. C’est de l’humiliation et ces gens-là utilisent le français comme une discrimination raciale au coeur même de l’Église. C’est le viol d’un peuple dans sa culture.


Q : L’utilisation du créole à l’école ne constituerait-elle pas le rabaissement du niveau d’enseignement ?
R : Ce n’est pas vrai. Celui qui réfléchit en créole mais qui, une fois arrivé à l’école, se voit obligé de mettre son pouvoir de réflexion de côté, on en fait un perroquet en anglais, en français. L’éducation est aussi la capacité de résoudre un problème. Le créole est bon pour le démarrage pour la masse et je constate qu’il y a un consensus qui se dégage sur la question. À titre d’exemple : le gouvernement et son projet-pilote pour l’introduction du créole comme mode d’enseignement en Standard One.


Q : Quelle est votre opinion sur la comptabilisation des points en langues orientales pour les résultats des examens du CPE ?
R : C’est très grave. Je ne suis pas contre les langues orientales, mais j’estime que c’est une bêtise de venir dire que si un enfant a échoué en anglais mais a réussi en hindi ou en mandarin, il monte en secondaire. Le mode d’enseignement au secondaire est en anglais, que fera cet enfant-là ? Je n’aurais pas aimé être à la place de l’enseignant qui a dans sa classe une masse d’élèves qui n’ont pas réussi en anglais et qui sont montés grâce à une langue orientale. Il faut des matières principales dans lesquelles l’enfant doit absolument réussir; il faut aussi qu’il y ait des sujets subsidiaires, comme les langues orientales, tout en offrant une alternative à ceux qui ne font pas ces langues.


Q : La FAPEC compte entrer une affaire en Cour pour contester la comptabilisation des points en langues orientales. Seriez-vous de ce combat ?
R : Si les langues orientales étaient des sujets subsidiaires, les réactions ne seraient pas aussi fortes. Mais, comme elles ont la même valeur que l’anglais, je serai derrière la FAPEC à fond. Je dis aux créoles : “Concentrez-vous sur l’anglais, le français et les mathématiques, votre avenir en dépend. Après, ajoutez ce que vous voulez.” (Ndlr : À la question de savoir si la langue hindi peut remplacer l’anglais au cas où l’élève échoue dans cette dernière matière au CPE, l’attaché de presse du ministère de l’Éducation nous a déclaré, vendredi après-midi, que “la langue hindi ne peut remplacer l’anglais au CPE”)


Q : Un mot sur M. Tengur qui, selon le père Labour, “pé manze lé foi l’Église” ?
R : M. Tengur est en train d’être utilisé par des fondamentalistes hindous. Je le félicite pour son combat sur le mode de recrutement au sein des écoles catholiques, mais actuellement, son action paraît comme de la persécution, comme du harcèlement contre l’Église. Il y a une organisation derrière lui qui le finance. En tant que syndicaliste, M. Tengur devrait savoir ‘how far he can go too far’. Je vais vous donner un exemple de la perception de persécution : on est en train actuellement, de forcer des parents catholiques à pousser leurs enfants à faire le hindi. Les parents sont acculés et ne savent plus quoi faire


Q : Cette démarche est-elle calculée ? Si oui, par qui ?
R : Cette façon de faire est calculée par des lobbys hindous.

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