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Deorishi raconte son frère…

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Dernier adieu d’Arvin à son père

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Deux femmes unies dans un même chagrin : Myrta, l’´épouse, et Mira, la fille de SSB

Des complications de santé ont eu raison de lui. Le président d’honneur du PTr a été incinéré vendredi avec les honneurs. Quelqu’un se souvient du petit garçon qu’il était...

Il était une fois sir Satcam Boolell… «Plus qu’un frère, c’était pour moi un ami. On était inséparables.» C’est ainsi que Deorishi, 80 ans, troisième d’une famille de six enfants parle de l’autre homme qu’était le défunt…

Complices dans la vie, les deux frères sont restés ensemble jusqu’au bout. Mardi, la veille de l’admission de sir Satcam en clinique, il était avec lui : «On discutait et, selon moi, Satcam avait comme une prémonition. Lui qui de nature est fort, semblait très las.»

Cet autre moment restera gravé dans sa mémoire : «J’étais assis aux côtés de Satcam quand il s’est senti mal. Il m’a demandé de lui tapoter le dos. Ça l’a soulagé.»

Le lendemain, sa santé s’aggrave. Il est pris d’un nouveau malaise et son épouse Myrta le conduit à la clinique de Lorette à Curepipe. Les choses s’enchaînent vite, continue Deorishi. Sir Satcam développe une angine de poitrine et des complications. Il rend l’âme jeudi vers 15h00. Il avait 85 ans.

«C’est son dernier combat», raconte Deorishi. Un combattant, c’est le mot, qui lui sied le mieux : «Satcam a toujours résisté aux épreuves.» C’était un bon vivant - il mangeait de tout, adorait parler, rencontrer les gens, lire, écrire et partager ses connaissances. Quand Deorishi regarde dans le rétroviseur, il voit leur enfance.

Malgré la misère, Satcam, natif de New Grove, était très studieux : «Il avait beaucoup d’ambition.» Pourtant en 2003, sir Satcam Boolell citera Chateaubriand pour dire qu’il lui a manqué deux choses pour réussir en politique : l’ambition et l’hypocrisie.

Ensemble, les deux frères se rendaient à l’école primaire Notre-Dame du Refuge à New-Grove. Quelques années plus tard, ils marchaient jusqu’à Rose-Belle où Satcam était inscrit en classe boursière : «On habitait New-Grove et on marchait le long des rails pour aller à l’école. C’était difficile mais Satcam ne voulait pas qu’on pleurniche.»

Satcam ne se laissait jamais abattre. À la maison, bien qu’il ne fût pas l’aîné, il savait s’imposer : «Il était très proche de notre maman Cosilah - une femme au foyer - et il l’aidait beaucoup.» Il avait un profond respect pour leur père Sahadeo, un «simple» policier : «C’était deux bons camarades.»

Après la classe boursière, Satcam apprend qu’il ne pourra pas poursuivre ses études faute de moyens. «À aucun moment il ne s’est découragé.» Il n’a donc jamais fréquenté un collège. Il entend dire que Sookdeo Bissoondoyal donne des leçons particulières à un prix raisonnable. Sans hésiter, il s’inscrit en promettant à ses parents qu’il ne va pas les décevoir. Il prend part à des examens comme candidat privé.

Au même moment, la famille déménage pour la rue Bancilhon à Port-Louis. Pendant des années, Satcam étudie à son rythme : «Il est ce qu’on appelle un self-made man. Je l’ai vu travailler d’arrache-pied pour réussir.» Il étudie et obtient la London Matriculation qui lui permet d’enseigner de 1941 à 1948 dans les écoles primaires : Plaine-des-Papayes, Louis Nellan à Quatre-Bornes et Aryan Vedic à Vacoas. Mais Satcam voit toujours plus loin et pense toujours faire mieux.

Il met le cap sur Londres en 1948 pour étudier le droit à la London School of Economics avec des économies qu’il a amassées en travaillant : «En 1952, il revient à Maurice et se lance dans la politique. Il veut se faire connaître et estime que c’est le bon moyen.» Le défi est relevé et Satcam est élu l’année suivante sous la bannière de l’Independent Forward Block dans la circonscription de Moka-Flacq.

S’il trouve son bonheur en politique, sa famille - Premilla (sa première épouse) et ses trois enfants : Arvin, Satyajit et Mira - le comble aussi. Mais le malheur vient vite troubler cette paix. Son épouse décède d’une grave maladie : «Il est très abattu mais grâce à ses enfants, très vite il remonte la pente.»

Quelque temps après, il rencontre en Italie Myrta, une Chilienne, qu’il épouse en secondes noces. Bien qu’il se donne corps et âme à la politique, Satcam sait faire la part des choses : «Il disait toujours : il y a la politique mais il y a aussi la famille. Pour Arvin, Satyajit et Mira, il a toujours été présent et a voulu leur assurer le meilleur. Il a aussi été un grand-père (huit petits-enfants) très affectueux.»

Quand la maladie frappe, il y a quelques années, il se montre toujours fort : «Il a même dû se faire poser un pacemaker mais il se disait toujours très résistant.» C’est d’ailleurs pour cela qu’il emménage dans un appartement à Quatre-Bornes. «Dans la maison familiale portlouisienne il y a trop d’escaliers, il devait se ménager un peu.» 

C’était difficile pour sir Satcam de quitter Port-Louis où il avait vécu des décennies à l’ombre de son arbre Bilimbi protecteur. Même s’il allait chez Jumbo, à Phoenix, pour ses courses, l’ambiance du marché central lui manquait… Vendredi, il a quitté la maison familiale de la rue Bancilhon pour son dernier voyage…

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Chagrin, émotion et pluie

Arvin Boolell, vêtu d’un kurta blanc, accueille ceux venus dire un ultime adieu à son père au domicile de celui-ci, à la rue Bancilhon, Port-Louis. Les accolades sont fortes, les regards tristes. Assises près de la dépouille couvertes de roses rouges et blanches, Myrta, l’épouse, et Mira, la fille.

14 heures. La maison et la rue sont pleines à craquer. On voit arriver les ministres Valayden et David. Une proche murmure : «C’est comme cela depuis hier, les gens n’ont pas cessé de venir.» Un peu plus tard, les ministres Dulloo et Sinatambou sympathisent avec un Arvin qui tient le coup. Pas de larmes, mais un visage meurtri par le chagrin. Un homme se penche sur la dépouille. Il hurle : «Kifer to kit nou, kifer ?»

14h25. C’est l’heure des prières avant la levée du corps. On entend : «Bloke ! » «Pas les rentre !» Et pourtant, les gens continuent à entrer. Navin Ramgoolam, son épouse Veena, dans un sari de couleur sombre, sir Anerood et Lady Jugnauth, dans un sari rose et khaki, ainsi que Paul Bérenger arrivent. Ils consolent la veuve. Les prières commencent...

14h45. Levée du corps qu’on place dans un cercueil de bambou orné de fleurs. Le président de l’Arya Samaj dit quelques mots et les prières reprennent. Dehors sous la pluie, les bénévoles tentent de frayer un passage au milieu d’une masse humaine grandissante. Peu avant trois heures, les soldats de la SMF ouvrent le cortège funèbre. Sur leurs épaules, feu sir Satcam.

Arrivée à la rue Labourdonnais, la dépouille est placée sur une jeep fleurie pendant que la fanfare de la police joue une marche funèbre. Le cortège se dirige vers l’hôtel du gouvernement où une grosse foule est massée malgré la pluie.

15h30. Arrivée devant l’hôtel du gouvernement et direction rue Saint-François. Même ferveur, même émotion. Tout le long de la procession, malgré l’averse, les gens se recueillent. Jusqu’à Vallée-des-Prêtres où il y a un embouteillage monstre. Les prières avant la crémation commencent.

16h50 : Fin des prières. Nikhil, le fils de Satyajit, frère cadet d’Arvin, allume le feu ultime dans un silence lourd. Au même moment, la pluie se déchaîne. On couvre le bois de sacs pour protéger le feu.

La veille au soir, la même ferveur a prévalu à la demeure des Boolell à la rue Bancilhon à Port-Louis. Sur la dépouille, placée dans un cercueil réfrigéré recouvert d’un drap blanc, quelques roses rouges sont délicatement posées. Arvind et Satyajit accueillent les visiteurs alors que Deorishi Boolell et Chandranee Bhuckhory, le frère et la sœur de sir Satcam, veillent à côté du cercueil acceptant d’un signe de tête les marques de sympathie des visiteurs.

Toute la nuit, des personnes au regard triste ont défilé autour du cercueil au son des bhajans chantées en continu. Au fil des heures, anonymes et personnalités tant

politiques que sociales se sont succédé pour rendre un ultime hommage à celui qui fut un géant de la politique locale.

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Fidèle locataire du Parlement

Ministre pendant 23 ans ! Sir Satcam Boolell est un des rares à avoir accompli cet exploit entre 1959 et 1982. Il fut tour à tour ministre de l’Agriculture, des Ressources naturelles, de l’Environnement et de l’Éducation. Mais la carrière politique de ce natif de New Grove, né le 11 septembre 1920, commence bien plus tôt.

De retour à Maurice en 1952 après des études de loi à Londres, le jeune Satcam intègre l’Independent Forward Block sous la bannière de laquelle il fut élu en 1953. Deux ans plus tard, il adhère au PTr qu’il représente en 1959, 1963, 1967 et 1976 dans la circonscription nº 10. Déferle la vague mauve de 1982 qui engloutit le PTr. S’il s’en va de la maison rouge, c’est pour mieux y revenir en 1983 - quand il est intronisé leader et participe aux législatives sur la plate-forme bleu-blanc-rouge.

Nommé ministre du Plan, il est révoqué en 84 et son parti quitte le gouvernement. Mais les rouges réintègrent le gouvernement en 1986 et sir Satcam retrouve le maroquin des Affaires étrangères. Avec la victoire de l’alliance MSM-PTr-PMSD en 1987, sir Satcam retrouve son fauteuil. Mais, en 1990, quand il s’oppose au projet républicain, il est révoqué une deuxième fois par sir Anerood Jugnauth. Battu en1991, il cède le leadership du PTr à Navin Ramgoolam et ne se représente pas en 1995. Il devient haut commissaire à Londres en 1996 jusqu’en 2000. Lors de la récente fête nationale, sir Satcam reçoit la plus haute distinction en devenant Grand Officier de l’Ordre de l’Étoile et la Clé. Il s’en est allé un 23 mars, le jour même où on célébrait le 50ème anniversaire de la disparition de Guy Rozemont. Coïncidence ou clin d’ oeil...

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Témoignages

Navin Ramgoolam : «La dernière fois que je l’ai vu, c’était juste avant la fête de l’indépendance. Quand il n’est pas venu pour la remise de l’insigne de Grand Commander of the Star and Key, je l’ai appelé car j’avais peur qu’il n’ait pas reçu l’invitation. Mais son état de santé ne lui avait pas permis de se déplacer.»

Raouf Bundhun : «Le pays a perdu un grand patriote. Comme je l’ai dit auparavant, c’était le dernier des Mohicans. Il a tellement contribué au développement du pays. Je pense qu’il n’allait pas être seulement un bon président, mais un très bon président !»

Paul Bérenger : «La coïncidence veut que le MMM allait démarrer ses activités vendredi dans la circonscription de sir Satcam, à Bel-Air-Rivière-Sèche, soit le jour même de ses funérailles. Il y a quelques années, j’étais très proche de lui, surtout quand il était acting prime minister.»

Pravind Jugnauth : «Ce décès m’attriste. sir Satcam est quelqu’un qui a marqué la vie politique, sociale et économique de notre pays. Je retiens surtout son esprit d’analyse et sa franchise lorsqu’il exprimait son opinion.»

Rashid Beebeejaun : «L’un de mes meilleurs souvenirs est que, quand j’étais jeune, j’ai assisté à une des causeries sur la coopération régionale. Il regardait en dehors de nos rivages.»

Xavier Duval : «C’était un grand ami de mon père mais surtout de la famille. Je me rappelle que sir Satcam avait fait mon père sortir de la prison».

Maurice Allet : «C’est une grande perte pour notre pays. Il a largement contribué au développement de Maurice tant au niveau social que politique. Mon plus grand souvenir de lui, c’est quand, en 1989, il avait tout fait pour faire libérer Gaëtan Duval. Je lui en serai éternellement reconnaissant.»

Christian Rivalland : «Je l’ai vu il y a trois semaines, je lui ai suggéré d’écrire ses mémoires en lui promettant mon aide. Il était d’accord.»

Rajesh Jeetah : «C’est une grande perte pour la nation. Pour la petite histoire, il fut un grand ami de mon père qui a commencé à ses côtés en politique en étant agent. »

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S’il avait été président...

Il s’était opposé au projet républicain en 1990 ! Et poutant, sir Satcam ambitionnait de se retrouver au Réduit. Il ne le cachait plus. Et aujourd’hui tout le monde semble d’accord avec lui. «Je regrette qu’il n’ait pu devenir président de la République», lâche Navin Ramgoolam à une question de 5-Plus, à la veillée mortuaire.

Depuis que le «géant politique» s’en est allé, tous s’accordent sur ce point. «Il est évident qu’il aurait fait un excellent président», confie Jayen Cuttaree alors que Xavier Duval estime que «fort de son parcours, cette fonction lui revenait». Pour le

vice-premier ministre, Rashid Babeejaun, il n’y a aucun doute : «Si le poste était vacant, il aurait été le candidat idéal.» Satish Boolell, le neveu, estime que «faute d’avoir été Premier ministre, sir Satcam aurait dû occuper des fonctions présidentielles».

Quel type de président aurait-il été ? «Il n’y a pas de bon ou de mauvais président. C’est une question de symbole. sir Satcam était un symbole fort», ajoute Satish Boolell. «Je pense qu’il aurait fait un bon président de par son expérience et sa personnalité», confie, pour sa part, Pravind Jugnauth, le leader du MSM. Interrogé, le leader de l’opposition, qui ne cache pas son amitié pour le grand homme, estime «qu’il aurait bien fait». Pourquoi donc n’a-t-il jamais été nommé ? «Dans la vie, tout dépend des circonstances», répond Paul Bérenger. Et Madan Dulloo conclut que c’est le destin…

Par Christophe Karghoo, Michaëlla seblin,

Stéphane Chinnapen et yasmeen Bhugaloo

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