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«Ce qui perturbe l’harmonie de notre île,ce sont des incidents isolés»

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«Je suis avant tout un Mauricien qui rêve d’un réel vivre ensemble»

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«Prendre en compte l’action de certains groupes organisés qui se réclament de la religion»

Des incidents qui ont eu lieu la semaine dernière à Vallée des Prêtres et à Plaine-Verte ont poussé plusieurs personnalités à se regrouper en une plate-forme afin de se mobiliser pour l’unité, l’harmonie et la paix. Le père Filip Fanchette n’est pas un des fondateurs, mais son combat pour une meilleure île Maurice l’a conduit à se joindre au mouvement. L’homme d’Église se confie sur ses souhaits pour la plate-forme et parle de son rêve d’un pays qui offrirait les mêmes chances à tous ses habitants…

Q : Quelle est l’idée derrière cette Plate-forme des Citoyens pour l’Unité, l’Harmonie et la Paix (PCUHP)?

R : Lorsqu’il y a des conflits, il y a toujours des personnes qui s’impliquent pour calmer les choses. Ce sont des tisserands. Je m’explique, quand il y a un désaccord quelque part, c’est le tissu social qui se troue. Eux sont toujours là pour le réparer. La plate-forme est là pour soutenir ces personnes, les rendre visibles et leur faire savoir qu’elles ne sont pas seules.

Q : Que pensez-vous des incidents qui ont eu lieu la semaine dernière à Vallée des Prêtres et à Plaine-Verte?

R : Ce n’était pas un problème qui opposait les créoles aux musulmans. C’est important de le préciser car beaucoup de personnes l’ont interprété ainsi. La plate-forme existe aussi pour remettre l’incident dans sa réelle dimension et pour éviter que les choses ne dérapent.

Q : Vivons-nous en harmonie à Maurice?

R : Oui, les Mauriciens vivent en paix. Je peux le dire car j’ai travaillé dans beaucoup de pays où les conflits sont choses courantes. Ce qui perturbe l’harmonie de notre île, ce sont des incidents isolés. C’est là que la presse doit jouer son rôle. Il ne faut pas gonfler certains événements.

Q : Le rôle de la presse n’est-il pas de rapporter ce qui se passe dans le pays ?

R : Oui, mais au lieu de faire de ces incidents – comme celui qui est arrivé à Plaine-Verte – les gros

titres, il serait plus prudent de les minimiser pour conserver notre harmonie. Il faudrait aussi parler davantage de ces histoires qui renforcent le tissu social.

Q : Même si le problème a une réelle ampleur…

R : Je n’ai pas de solution. Il faut que toutes les parties concernées réfléchissent ensemble afin de voir comment faire la part des choses.

Q : Selon vous, qu’est-ce qui provoque ces incidents qui trouent notre tissu social?

R : La politique du gouvernement qui est axée sur l’économie a atteint le tissu social. L’écart entre les riches et les pauvres s’est creusé. Les gens qui arrivent à peine à joindre les deux bouts voient s’étaler devant eux une certaine richesse alors qu’eux vivent au rythme des augmentations de prix des denrées de base. Le sentiment de frustration est terrible. C’est normal que le pays se retrouve sous tension. Ce n’est pas la seule raison. Mais c’est une des causes principales des conflits.

Autre aspect qu’il ne faut pas négliger : le business de la drogue. Ceux qui y sont impliqués font du profit en détruisant la vie de nombreuses personnes. Cette entreprise de la mort engendre des vols, des violences entre différents groupes, etc. C’est bien de sortir les drogués de leur enfer. Mais ce n’est pas suffisant. Il est temps de s’attaquer à ce commerce.

Q : Vous disiez à 5-Plus Dimanche, la semaine dernière : «La population mauricienne est extraordinaire dans la façon dont nous avons développé un vivre ensemble que, malheureusement, les politiques polluent.» Que leur reprochez-vous?

R : Elles dressent les ethnies les unes contre les autres afin d’obtenir le pouvoir.

Q : Mais est-ce possible de faire de la politique autrement à Maurice ?

R : On se rappelle le rêve du MMM : ene sel lepep, ene sel nation. À l’époque, les syndicalistes de toutes les communautés travaillaient ensemble. Cette volonté de changement était là. Je ne sais pas si elle subsiste aujourd’hui.

Q : Pourquoi remettre sur le tapis la bagarre raciale de 1968 et les émeutes de 1999 pour justifier la création de la PCUHP ?

R : Ma position sur ce point est différente de celle d’autres membres de la PCUHP. Pour moi, revenir sur les événements de 1968 risque de nourrir la colère des personnes qui ne sont pas encore arrivées à les digérer. De plus, c’était quelque chose qui avait été orchestré par des politiciens, ça ne venait pas vraiment du peuple. Il faut simplement rappeler que malgré ce traumatisme, Maurice a pu se reconstruire.

Q : Et 99…

R : Quelques erreurs ont été commises à l’époque. C’est pour cela qu’il est nécessaire d’en parler pour qu’elles ne se répètent pas. Il y a eu, tout d’abord, le manque d’un réel engagement des autorités. Personne n’a dit : «Cet homme est mort, je m’engage à faire toute la vérité sur cette affaire.» D’autre part, il faut prendre en compte l’action de certains groupes organisés qui se réclament de la religion. C’est à cause de ces groupuscules que la situation a dégénéré. Le Mauricien s’est muni de pierres et de bâtons, pour laisser exploser sa colère. Eux sont arrivés armés. C’est inacceptable ! Il ne faut plus tolérer ces milices.

Q : N’est-ce pas se tourner vers le passé au lieu d’avancer ?

R : Apprenons de notre Histoire. L’impensable peut arriver.

Q : De nombreux religieux, dont vous, ont rejoint cette plate-forme. Pensez-vous que la religion, qui est souvent symbole de division, y a sa place ?

R : C’est vrai. Les religions s’opposent souvent. Et même si les théologiens disent qu’on parle tous du même Dieu, les gens n’y croient pas vraiment. Néanmoins, à Maurice, il existe de nombreuses passerelles entre les religions. Ceci dit, je suis avant tout un Mauricien qui rêve d’un réel vivre ensemble. J’imagines que tous les religieux qui sont sur cette plate-forme pensent comme moi.

Q : Vous êtes le vice-président de la Fédération Créole Mauricien (FCM) qui demande un quota de 35% de créoles dans la fonction publique. Pourtant, beaucoup disent que les créoles n’y sont pas représentés car ils n’ont pas de qualifications. Que répondez-vous à cela ?

R : La fonction publique est en forme de pyramide et le plus grand nombre d’emplois se trouve à la base. Et c’est dans cette sphère que l’on voit le moins de créoles. On ne demande pas de qualifications pour un travail de cleaner, par exemple. L’argument ne tient donc pas.

Q : Si la discrimination positive est introduite pour les créoles… Pourquoi d’autres minorités n’en bénéficieraient pas?

R : La démocratie doit être synonyme d’équité, du même droit d’accès aux ressources pour tous. Ce n’est pas parce que je suis créole que je me bats. Si une autre communauté se retrouvait dans la même situation d’inégalité, j’en ferais autant.

Q : Quel est votre rêve pour l’île Maurice ?

R : Je rêve d’un pays où tous seront égaux, où l’équité sera une notion réelle pour les Mauriciens. Une ile où la démocratie semi-directe, comme en Suisse, sera une réalité. J’ai vécu huit ans dans cette confédération qui comporte 26 cantons et quatre langues différentes.

Les différences de cultures, de langues pourraient être la cause de nombreux conflits. Pourtant, il n’y a pas vraiment de problème là-bas grâce au système de démocratie dans ce pays. Je m’explique : il y a le Parlement, oui, mais il y a aussi un système de référendum. Par exemple, si dans la fonction publique, sur 850 policiers on ne prend que 50 créoles, n’importe qui, s’il a le nombre de signatures requis, peut demander un référendum sur la question et corriger les dérapages.

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