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Perdre un proche dans des circonstances tragiques : le difficile deuil «traumatique» 

Un téléphone qui sonne tard, trop tard dans la nuit. Un cri à l’autre bout du fil. Une nouvelle terrible apprise là, sans fard. Et le monde s’écroule. Un instant et en pleine journée, l’horreur, vous apprenez le départ de quelqu’un de proche à la radio, sur les réseaux. Un accident, un assassinat. Un décès accidentel ou criminel. Une mort brutale, difficile, inattendue. Une mort dans des circonstances douloureuses, problématiques, complexes. Et vous vous retrouvez avec votre chagrin, votre colère. Ce sentiment de perte, cette douleur en pensant aux derniers instants de la personne aimée. Tout un monde de souffrance et de questionnements s’ouvre alors à vous. Comment faire face ? Comment vivre avec ces sentiments douloureux ? Comment faire son deuil quand les circonstances de la mort du proche sont traumatiques ?
Dans les prochaines lignes, c’est ce deuil que nous allons évoquer grâce aux lumières de Safia Adamjee, psychologue clinicienne spécialisée en psychogérontologie, membre de la Société des Professionnels en Psychologie, qui œuvre auprès de la Maison des Étoiles.

Un deuil différent. «Le deuil en lui-même est une expérience douloureuse mais normale, qui, le plus souvent, ne nécessite pas de prise en charge spécifique. Suite à une mort traumatique, l’annonce est foudroyante. Les circonstances de la mort du proche sont vécues comme brutales et inattendues. Un décès est toujours difficile à vivre mais le caractère prévisible de la mort dans certains cas amortit ce choc et nous aide à nous préparer. La mort brutale, quant à elle, n’offre aucune possibilité de préparation. Cependant, il convient de différencier le deuil traditionnel du deuil "traumatique" qui est donc défini par la présence de deux catégories de symptômes distincts : d’une part, les symptômes reflétant la difficulté de la séparation, d’autre part, les symptômes indiquant l’impact traumatique du décès.»

La difficulté pour ceux/celles qui restent. «La personne qui subit ce drame peut être en colère, ressentir un profond sentiment d’injustice et porter en elle quelque chose d’inachevé. Les personnes endeuillées se posent de nombreuses questions comme : "Pourquoi maintenant ?", "Pourquoi lui ?". On ne connaît souvent pas les dernières volontés du défunt, organiser des obsèques dans ce cas devient très difficile. Il n’est pas facile de réaliser qu’on n’a pas eu le temps de dire adieu à la personne ou que certains conflits n’étaient pas réglés. Certaines personnes regrettent de ne pas avoir pu dire à quel point elles aimaient la personne perdue et elles sont encore plus désemparées devant ce départ soudain et violent qui habite constamment leurs pensées bien malgré elles.»

 

Culpabilité et colère. «Il est vrai que l’image du défunt est très présente, parfois même envahissante et peut apparaître à tout moment sans que la personne ne puisse contrôler ce phénomène. La personne peut aussi revivre la scène traumatique, vue ou imaginée. Certaines personnes endeuillées cherchent une cible sur laquelle elles pourraient se décharger de leur colère, cela peut être Dieu, le destin ou encore la personne elle-même. Le sentiment de culpabilité est également très présent, il arrive même que la personne culpabilise beaucoup et en vienne à se considérer indigne de vivre, ou regrette de n’être pas mort à la place du défunt. Culpabilité et colère, qui sont des émotions normales, peuvent devenir des éléments perturbateurs et entraîner la personne dans un deuil complexe. Il est bon dans ce cas de figure de consulter un professionnel pour se faire aider lorsque ceux/celles qui restent sont fortement traumatisés/es par les circonstances du départ du proche décédé.»

 

Vivre avec le moment de la mort. «Dans le cas d’un deuil traumatique, la réalité peut ressembler à un cauchemar, mais nier la réalité de façon prolongée n’est pas une bonne solution. Voir le corps de la victime peut être important dans certains cas. Il est bien sûr bouleversant de se retrouver face au corps d’une personne proche défigurée et sans vie mais cela rend la perte réelle et évite le déni. Il n’y a pas de règles strictes sur ce point, à chacun, en fonction de sa sensibilité, de choisir s’il veut voir la dépouille ou non. La violence du décès rend le deuil très difficile et long à traverser. Il est important que l’entourage et les proches puissent apporter un réel soutien à la personne endeuillée.»

 

Garder en mémoire. «Les circonstances du décès ne définissent pas la personne qui est décédée et il est important de pouvoir se rappeler la personne qu’elle était, son tempérament, ses qualités, les bons moments passés ensemble pour trouver un peu de sérénité même si le chagrin est intense. Bien souvent, faire appel à une aide extérieure est une très bonne solution, les professionnels sont formés et pourront apporter l’aide nécessaire, le soutien requis et une écoute attentive.»

 

Comment faire face ? «Passer de la pensée à la parole auprès de personnes formées et qui peuvent entendre ces sentiments est un premier grand pas qu’il est bon d’encourager, même si on peut ne pas être à l’aise avec cette idée de prime abord. En parler soulage et réduit la charge émotionnelle. La Maison des Étoiles (MDE) offre plusieurs services dans le but de déposer, se reposer et se ressourcer à travers des groupes de rencontres "A nou zwenn" ou encore grâce à l’écoute individuelle. Cet espace permet de mieux comprendre le processus du deuil tout en donnant un espace libre de parole. Il est important de souligner que la MDE collabore avec une communauté diverse de collaborateurs afin d’offrir une variété d’accompagnement personnalisé à tous types de deuils et d’endeuillés/es.»

 


 

La Maison des Étoiles ; pour ne pas être seul/e

 

Des mains tendues dans le chagrin. Amélie V. Audibert, Mindset Coach et Certified Grief Educator, a fondé, avec Brigitte Koenig, la Maison des Étoiles en avril 2022. Cette association s’est donné pour mission «de rendre visible et compréhensible le processus de deuil au sein de la communauté mauricienne et rodriguaise, afin de briser les tabous, de mieux consoler, de permettre un espace de parole et de soutien.» Les deux femmes travaillent en collaboration avec une communauté d’accompagnateurs. Des rencontres sont organisées régulièrement et il est possible de rejoindre des groupes de soutien. Pour en savoir plus, connectez-vous à la page Facebook suivante : https://bit.ly/maisondesetoiles. Ou envoyez un message à ce numéro : 5835-6880.