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Vidéos montrant des tortures policières : lueur d’espoir pour Krishna Seetul et David Jolicoeur

Ils veulent que justice leur soit rendue. Cette semaine a, encore une fois, été riche en rebondissements dans le cadre de l’enquête sur les nombreux cas de brutalités policières dénoncés ces derniers temps. Dans celui de Krishna Seetul, dont la plainte pour torture remonte à février 2020, l’Independent Police Complaints Commission a finalement établi qu’il y avait eu agression et a transféré le dossier au Directeur des poursuites publiques. En ce qui concerne David Jolicoeur, en détention pour meurtre depuis bientôt quatre ans, ses hommes de loi se battent bec et ongles afin d’obtenir la radiation de son accusation provisoire, convaincus qu’il a fait des aveux sous la torture. Témoignages...

Les enquêteurs concèdent qu’il y a eu agression deux ans plus tard

 

Krishna Seetul : «Les choses sont finalement en train de bouger»

 

Il a gagné une première bataille. Suite à la plainte de Krishna Seetul pour brutalités policières auprès de l’Independent Police Complaints Commission (IPCC) en février 2020, l’enquête a établi qu’il y a bien eu «assault with aggravating circumstances in breach of Section 228 of the Criminal Code Act» – stipulant qu’il y a eu «assault with corrosive substance» –, «coupled with Section 86 of the Criminal Code Act», soit «violence by Public Officer». Le dossier a ainsi été transféré au bureau du Directeur des poursuites publiques (DPP), comme le veut la loi, et c’est ce dernier qui devra décider de la marche à suivre. Les officiers de police visés sont l’inspecteur Derochoonee, le sergent Reedoye et les constables Purgas, Baptiste, Begue, Shibchurn et Gokhool, tous affectés à l’époque à la brigade criminelle de Terre-Rouge. «Les choses sont finalement en train de bouger», confie Krishna Seetul. «La zistis pe fer so travay.»

 

En février 2020, ce dernier, alors âgé de 26 ans, avait été appréhendé par les limiers de la Criminal Investigation Division (CID) de Terre-Rouge pour une affaire de vol. S’il avait nié toute implication dans cette affaire, il avait raconté avoir été torturé par les policiers pour passer aux aveux, avant d’être hospitalisé. «Ils m’avaient emmené dans les bois pour me tabasser, avant de me conduire dans leurs locaux, où ils m’ont agressé à nouveau.» À l’époque, des photos et vidéos de ses blessures avaient fait le buzz sur les réseaux sociaux. Criant depuis à la brutalité policière, Krishna Seetul avait retenu les services des Mes Anoup Goodary et Sanjeev Teeluckdharry, et porté plainte à l’IPCC. Une enquête a été initiée et les policiers en question interrogés. Ils ont tous nié les faits, avançant que la victime s’était blessée en tombant pendant qu’il prenait la fuite et qu’il aurait été lynché par des badauds. Cependant, leurs versions n’ont pas convaincu les enquêteurs.

 

Krishna Seetul avait perdu tout espoir que justice lui soit rendue. Découragé devant le temps que prenait cette enquête, il a aussi enduré le poids du martyr physique et psychologique qu’il a vécu. «C’était dur de reprendre le cours de ma vie. J’en souffre encore aujourd’hui. Sa kalite bate mo ti gagne-la, mo ti krwar mo pou mor. Mo ti gagn kout tors elektrik, zot finn met disel pima lor mo dimal, zot finn kas mo lipie. Telman zot ti bat mwa, ariv enn ler mo ti aret santi douler. Si mo pa ti solid, mo pa ti pou la zordi», confie-t-il.

 

S’il est aujourd’hui sur ses deux pieds, c’est grâce à sa famille, dit-il, «qui a été d’un grand soutien» : «Mo lekor antie ankor fer mal, mo nepli kapav travay kouma avan ou fer bel zefor fizik me mo lantouraz kompran mwa.» Krishna Seetul confie être tellement traumatisé qu’il a même dû demander à son père de rester à ses côtés lorsqu’il s’est rendu aux Casernes centrales pour la parade d’identification. «D’ailleurs, les membres de ma famille ne me laissent même plus sortir seul, de peur qu’il m’arrive quelque chose.»

 

C’est après la diffusion de plusieurs vidéos démontrant des actes de torture perpétrés par la CID de Terre-Rouge, il y a quelques semaines, que cette enquête a pu progresser. «Se enn bon zafer ki dimounn finn trouve. Cela a pu faire bouger les choses», lâche Krishna Seetul. Ces vidéos ont conduit à l’arrestation de l’inspecteur Derochoonee, du sergent Reedoye, du constable Gokhool et du constable Purgas sous une accusation provisoire de «torture by public official». Cependant, ils ont tous fini par recouvrer la liberté conditionnelle cette semaine, suscitant l’inquiétude chez le jeune homme. D'autant que leur prochaine comparution en cour n'est prévue que pour le 24 janvier 2023. «Azordi, mo viv avek enn freyer ki zot rod fer kitsoz ki pa bizin. Mo per ki zot rod eliminn bann dimounn ki finn port plint kont zot. Zot pena santiman pou personn, zot pa pou per pou touy dimounn.»

 

Ces quatre policiers se sont acquittés d’une caution de Rs 20 000 et ont signé une reconnaissance de dette de Rs 100 000. La magistrate leur a imposé certaines conditions : ils ne pourront pas quitter le pays, ils devront rester à la disposition des enquêteurs, ils ne doivent pas interférer avec les témoins de l’enquête et ils ne doivent, en aucun cas, interférer avec les preuves. À noter que le constable Purgas, libéré ce jeudi 16 juin, a été victime d'un grave accident de la route samedi matin. Il circulait à moto à Riche-Terre, lorsqu'il a percuté la remorque d'un camion. Grièvement blessé, il a été conduit à l'hôpital par le Samu et a été admis. Son état de santé inspire de vives inquiétudes.

 


 

La pétition des victimes présumées de brutalités policières envoyée aux Nations Unies

 

Elles veulent une enquête par le Comité contre la torture des Nations Unies. Nous parlons là des victimes présumées de brutalités policières. Avec le soutien de Linion Pep Morisien, elles ont envoyé leur pétition audit comité, le samedi 18 juin. Cette annonce a été faite lors d’une conférence de presse de Linion Pep Morisien, lors de laquelle José Moirt et Neena Ramdenee ont pris la parole. Suite à l’envoi de la pétition signée par plus d’une trentaine de présumées victimes, ils réclament une country visit où le comité viendra faire une enquête indépendante, écouter les victimes et voir comment les institutions concernées fonctionnent et peuvent répondre à leurs questions. José Moirt a également souligné que la dernière enquête de ce type remonte à 2007 ; une équipe était venue enquêter sur la high security prison de Phoenix. Selon lui, le rapport n’avait pas été rendu public par les autorités «pour des raisons de sécurité».

 


 

Les avocats de David Jolicoeur réclament la radiation de l’accusation de meurtre

 

Antoinette, sa mère : «Li pa parfe me zame li ti pou touy enn dimounn»

 

Le jeune homme, aujourd’hui âgé de 27 ans, avait été appréhendé en décembre 2018 dans le cadre de la mort du vigile Issah Ramjan, 86 ans, à Riche-Terre, et n’avait jamais cessé de clamer son innocence auprès de ses proches. Après qu’il a été identifié dans l’une des vidéos démontrant des actes de torture imputés par les éléments de la Criminal Investigation Division (CID) de Terre-Rouge, ses hommes de loi – Mes Sanjeev Teeluckdharry, Akil Bissessur, Rouben Mooroongapillay et Bala Mukan – ont adressé une correspondance au Directeur des poursuites publiques (DPP) pour réclamer la radiation des accusations provisoires qui pèsent sur lui. Ils estiment qu’il aurait avoué un crime qu’il n’a pas commis sous la torture.

 

Le corps sans vie du vigile Issah Ramjan, rappelons-le, avait été retrouvé sur son lieu de travail, à proximité du Riche Terre Mall, le 25 décembre 2018. Il portait de graves blessures à la tête, confirmant la thèse de meurtre. Une autopsie a conclu qu’il a succombé à un oedème cérébral. Deux jours plus tard, l’équipe de l’inspecteur Derochoonee a arrêté David Jolicoeur. Cet habitant de Baie-du-Tombeau était déjà connu des services de police pour des affaires de vol. D’après l’enquête policière, il aurait avoué avoir agressé la victime parce que celle-ci aurait résisté quand il aurait tenté de le voler.

 

Cependant, une vidéo ayant circulé sur les réseaux sociaux récemment a tout remis en question. On y voit David Jolicoeur nu, à proximité d’une rivière, les menottes aux poignets, entouré d’officiers de la CID de Terre-Rouge. Cette équipe, actuellement sous le feu des projecteurs parce qu’elle a torturé de nombreux suspects, aurait-elle forcé le jeune homme à avouer ce crime ? «Depuis son arrestation, il n’a cessé de me répéter qu’il n’avait pas commis ce meurtre. Il m’a affirmé qu’il ne connaissait pas la personne qu’on l’accusait d’avoir tuée. Bann CID-la ki finn fors li avwe sa krim-la. Pena okenn lazistis pou ti dimounn», lâche Antoinette.

 

Depuis qu’elle a pris connaissance de l’existence de cette vidéo, dit-elle, «(mo) fer boukou lapriyer pou ki li sorti. (J’ai) entièrement confiance en ses hommes de loi». Dans leur correspondance adressée au DPP, ces derniers expliquent avoir réclamé la radiation de l’accusation provisoire de meurtre parce que «les officiers de la CID de Terre-Rouge ayant procédé à son arrestation et ayant conduit l’enquête n’avaient aucune raison valable justifiant son arrestation ; ils n’avaient aucun motif, ni aucune preuve justifiant cette mise en accusation provisoire ; ils l’ont violenté, torturé et menacé de mort afin de le contraindre à signer des aveux ; cette mise en accusation provisoire est injuste, oppressive, illégale et démontre une dérision de notre système judiciaire». Ils ont, par la même occasion, réclamé une enquête judiciaire dans le cadre du meurtre d’Issah Ramjan car, disent-ils, «we owe to the living – RESPECT and to the dead – the TRUTH». Pour eux, si le suspect David Jolicoeur est innocent, comme il l’affirme, cela voudrait dire que le meurtrier de l’octogénaire est toujours en liberté. Pour l’heure, le procureur n’a pas accédé à la demande des hommes de loi de David Jolicoeur. Ce dernier est toujours détenu à la prison de Melrose.

 

C’est après six longs mois qu’Antoinette a pu rencontrer son fils, ce jeudi 16 juin, lors de sa comparution devant le tribunal. «Je n’ai pas pu le faire avant parce que je n’étais pas complètement vaccinée. Kan mo finn trouv mo garson, mo finn santi mwa soulaze. Mo leker inn kontan. Me kan mo finn trouv lapolis repran li ale, mo finn santi sa pwa-la revini.» Ce qui l’a d’autant plus attristée, c’est que «so zanfan 3 an pa konn li ditou ek get li kouma enn etranze. Mo garson ti fini ferme kan so madam finn akouse». Désormais, elle s’accroche à l’espoir : «Celui que mon fils sera parmi nous avant la fin de cette année. Li finn dir mwa ki tan ki mo dibout avek li, li pou ena kouraz pou res dibout. Je ne souhaite pas qu’il soit libéré seulement pour moi mais surtout pour sa compagne et ses enfants.»