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Steven Obeegadoo : «Ce qui a convenu à nos parents ne convient pas forcément à nos enfants»

Selon l’ex-ministre de l’Éducation, le système du Higher School Certificate est dépassé. «Notre problème à Maurice, c’est que le système éducatif que j’ai connu quand j’étais élève et que mon père a connu quand il était élève, n’a pas changé», explique Steven Obeegadoo…

Les résultats du Higher School Certificate (HSC) ont été proclamés le vendredi 8 février, avec les collèges d’État qui se sont distingués. Quelle est votre analyse ?

 

Je préfère ne pas me prêter au jeu du comparaison le nombre de lauréats obtenu par les différents collèges. On se réfère à cela comme une course entre les différents collèges et pour moi qui ai été ministre de l’Éducation, directeur à l’Unesco, consultant auprès de la Banque mondiale, c’est bien plus qu’une compétition, bien plus qu’une course. L’éducation, c’est la préparation à la vie, au monde du travail et c’est le développement personnel de tout être humain. D’abord, il faut savoir que les résultats du HSC concernent moins d’un tiers des jeunes qui rentrent à l’école primaire. À peine 30 % des élèves qui rentrent à l’école primaire arrivent au niveau du HSC.

 

Comment faut-il interpréter ces chiffres ?

 

C’est alarmant ! Le système du HSC est complètement dépassé. Il a été introduit après la Seconde Guerre mondiale et a été abandonné par la Grande-Bretagne dont nous nous sommes inspirés dans les années 50. Toutes les anciennes colonies britanniques, comme l’Australie et la Nouvelle-Zélande, ou encore les pays d’Asie comme l’Inde, la Malaisie, le Singapour ou le Pakistan mais aussi les pays africains comme le Ghana et le Kenya, ont réformé et modernisé leur système.

 

Pourquoi dites-vous que ce système est dépassé ?

 

Nous avons choisi de rester avec un système désuet, qui n’est pas approprié à nos besoins. Avec pour résultats – pour ceux qui prennent part aux examens –, un taux de réussite de moins de 75 %. Ce taux de réussite n’arrête pas de décliner. Si on observe la tendance sur le long terme, de 2005 à 2012, le taux de réussite était de 79 % en moyenne. Aujourd’hui, nous tournons autour de 74 % et ce n’est pas uniquement cette année, c’est la tendance depuis 2013. Il y a donc, sur le moyen terme, un déclin du taux de réussite.

 

Donc, faut-il s’inquiéter ?

 

79 % de réussite sur 30 % des enfants. L’éducation n’est pas faite pour faire échouer mais pour faire réussir tout le monde. Il faut regarder la valeur ajoutée. Si l’on prend tous les meilleurs éléments à la sortie du primaire et qu’on les met dans la même institution, c’est logique que cette institution, au bout de six/sept ans, va donner les meilleurs résultats puisqu’elle a les éléments qui ont les meilleures performances. Il n’y a rien de surprenant dans le fait que les collèges Royal et le QEC produisent des lauréats. C’est le contraire qui serait étonnant. Par contre, si on veut mesurer l’apport des différents collèges, il faut raisonner en termes de valeur ajoutée.

 

C’est-à-dire…

 

Un collège, quel qu’il soit, qui accueille un enfant qui a tout juste passé, ou qui a obtenu le minimum pour passer le CPE, il y a sept ans, et qui arrive à obtenir son HSC avec deux sujets principaux et deux autres subsidiaires, ça, c’est une réalisation, sans aucunement diminuer le mérite et le travail des lauréats. Je dis que cette histoire de faire la comparaison entre les collèges d’État, les collèges confessionnels, les collèges privés payants, et les collèges privés non payants n’a aucun sens. Il n’y a pas de course là à proprement parler.

 

Et que pensez-vous du système de lauréats ?

 

Ne confondons pas les choses. Les lauréats sont les meilleurs au HSC. Quand on parle de l’élite au sein d’une société, nous parlons de tous les gens qui ont des compétences pour contribuer, au plus haut niveau, à la société. Dans ce sens, une élite très large, dans différents domaines, est importante, elle est même essentielle. Là, nous parlons du système de lauréats qui vise à récompenser les meilleurs aux examens du HSC pour leur offrir leurs études, leur premier cycle d’études supérieures ou tout au moins une partie de ces études, gratuitement à travers une bourse. C’est un excellent système dans le sens où cela motive tous ceux qui peuvent bien travailler dans le système, à donner le meilleur d’eux-mêmes. C’est pour cela que j’ai beaucoup d’admiration pour ceux qui sont lauréats. Ils ont beaucoup travaillé et ils méritent toutes nos félicitations, tout comme leurs enseignants, leurs parents et les chefs d’établissements qui les ont accompagnés dans cette aventure.

 

J’ai une pensée spéciale pour ceux qui se placent après les lauréats en sachant que, souvent, être lauréat ou pas se détermine par un demi-point. J’ai beaucoup de sympathie pour ces jeunes à qui on fait sentir qu’ils ont déçu, qu’ils ont démérité, alors que ce n’est pas le cas. Il y a des centaines d’étudiants qui font très bien avec des A et des A+ mais qui ne sont pas lauréats. Tout le monde ne peut pas être lauréat parce que le nombre est limité. Ces jeunes n’ont pas démérité et en fin de compte, ce qui importe, c’est de s’assurer que tout jeune qui en a l’envie, la motivation et la capacité d’aller plus loin, de poursuivre des études supérieures, n’en est pas privé par manque de moyens financiers.

 

Vous saluez donc l’initiative du Premier ministre de rendre gratuite l’éducation tertiaire ?

 

Au-delà de récompenser ceux qui ont les meilleures performances, je pense qu’il est important que le droit d’accès à l’éducation ne dépende pas des moyens financiers ou plutôt du manque de moyens financiers. C’est pour cela que j’ai accueilli favorablement la décision du gouvernement d’offrir la gratuité des frais de cours dans les universités publiques. J’estime que cette mesure devrait être étendue à tous les jeunes qui sont dans le besoin, qu’il s’agisse d’études supérieures ou de formations professionnelles, jusqu’à l’âge de 21 ans. Il faut s’assurer que le manque de moyens financiers ne soit pas un obstacle pour tout jeune méritant de poursuivre ses études.

 

Que proposez-vous pour remplacer le HSC ?

 

Ce n’est pas très compliqué. Dès les années 50, le HSC a été remplacé en Angleterre par le GCE. La grande différence, c’est que le HSC est un group certificate. Il faut qu’un étudiant prenne cinq matières, trois au niveau principal et deux au niveau subsidiaire. Il faut que l’étudiant réussisse dans deux matières au niveau principal et deux autres matières au niveau subsidiaire pour avoir le certificat. Ça ne convient pas à tous les étudiants et à tous les apprenants. La beauté du système du GCE, c’est un single subject system. Ça permet à l’élève, selon ses intérêts et ses capacités, de prendre 1, 2, 3, 4 ou 5 A Levels. Par exemple, à Singapour, la norme, c’est 4 A Levels. Quelqu’un qui a 4 A Levels a plus de chance d’accéder à une grande université à l’étranger que quelqu’un ayant un HSC.

 

Par contre, en Angleterre, ils ont aussi introduit ce qu’on appelle l’AS Level qui est l’équivalent d’une matière prise au niveau subsidiaire. À partir de là, un étudiant peut combiner 3 A Levels, 2 AS Levels, entre autres, selon les besoins. C’est un peu une éducation à la carte. L’étudiant choisit ce qui lui convient. L’idée serait plus de flexibilité dans le système pour convenir à tout élève selon ses aptitudes, ses besoins, tout en garantissant le maintien d’un certain niveau de qualité, par exemple, en termes de maîtrise de l’anglais.

 

Notre problème à Maurice, c’est que le système éducatif que j’ai connu quand j’étais élève et que mon père a connu quand il était élève, n’a pas changé. Quand on vient dire que tel collège a fait le choix d’un système de mixed ability ; de prendre des jeunes avec différents profils, de les former en termes de caractère, de personnalité et de valeurs morales, et qu’après on vient dire que ce collège est un mauvais collège parce qu’il n’a pas de lauréats, là, je ne suis pas d’accord. Je m’insurge contre cette comparaison. Il faut regarder au-delà du système. Le monde a changé. Ce qui a convenu à nos parents ne convient pas forcément à nos enfants…