• Parité en politique : des voix pour inspirer le changement
  • Milys.créations : quand Emily transforme vos idées en souvenirs inoubliables
  • Il s’était introduit chez une dame âgée en pleine nuit : un voleur maîtrisé par des habitants à Camp-Levieux
  • Étoile d’Espérance : 26 ans d’engagement, de combat et d’espoir
  • Arrêté après l’agression d’un taximan : Iscoty Cledy Malbrook avoue cinq autres cas de vol
  • Golf : un tournoi caritatif au MGC
  • Le groupe PLL : il était une fois un tube nommé… «Maya L’Abeille»
  • Nilesh Mangrabala, 16 ans, septième victime de l’incendie du kanwar à Arsenal - Un rescapé : «Se enn insidan ki pou toultan grave dan nou leker»
  • Hippisme – Ouverture de la grande piste : les Sewdyal font bonne impression
  • Sept kendokas en formation à la Réunion

Quinze mois de prison pour un chauffard ivre qui a tué deux personnes : les proches de Yan Vallet et Leelawtee Sookaye, entre tristesse et révolte

Le temps n'a pas estompé la douleur des proches de Yan Vallet et Leelawtee Sookaye (photo ci-contre).

15 juillet 2012. Une date à jamais gravée dans leurs mémoires. Ce jour-là, un drame a bouleversé la vie des familles Vallet et Sookaye. Suite à un accident de la route, elles ont chacune perdu un proche à quelques jours d’intervalle. Huit ans plus tard, le conducteur impliqué dans ce drame routier, qui était ivre au moment des faits, a été condamné à 15 mois d’emprisonnement. Une sentence jugée trop minime pour les proches des victimes. Partagés entre tristesse et révolte, ils se confient.

Des années se sont écoulées. Mais la douleur, elle, est toujours là. Intense, profonde. Pourtant, huit ans plus tard, les proches de Yan Vallet et Leelawtee Sookaye, décédés dans un accident de la route en 2012, à Calebasses – un drame qui avait fait couler beaucoup d’encre à l’époque –, pensaient qu’il leur était possible de trouver la paix, la sérénité. Toutefois, la sentence attribuée au conducteur ivre impliqué dans cet accident n’a fait que remuer le couteau dans leurs plaies encore béantes.

 

Le vendredi 24 juillet, le magistrat Raj Seebaluck, de la cour intermédiaire, a condamné Mitchell Fei Shing Li Fak Shong à 15 mois d’emprisonnement et à une suspension de son permis de conduire pour une durée de trois ans pour homicide involontaire par imprudence (voir hors-texte). Une peine pas assez sévère d’après les proches des deux victimes, qui sont d’autant plus révoltés qu’il ait fait appel de sa sentence. Ils reviennent sur l’accident qui a coûté la vie à deux des leurs et sur les années qui ont suivi ce drame.

 

15 juillet 2012, aux alentours de 5h45. Ce matin-là, aux abords de la New Trunk Road, près du rond-point de Calebasses, à Pamplemousses, une fourgonnette, avec deux personnes à son bord, se renverse après avoir fait une sortie de route. Des habitants de la localité et des automobilistes accourent alors pour porter secours au conducteur et au passager qui s’en sortent avec de légères blessures.

 

Ces derniers informent un de leurs amis, Yan Vallet, un habitant de la localité, qui se rend sur place. Mais alors qu’il venait d’arriver, une Porsche qui roulait à vive allure, du Nord en direction de la capitale, percute violemment les volontaires. Bilan de l’accident : deux morts – Yan Vallet, qui venait de célébrer ses 30 ans, meurt sur le coup, et Leelawtee Sookaye, une habitante de la localité âgée de 67 ans, rend l’âme à l’hôpital SSR une semaine après – et plusieurs blessés graves. L’enquête policière conclut à l’époque que le conducteur de la Porsche – Mitchell Fei Shing Li Fak Shong, un Port-Louisien âgé d’une vingtaine d’années –, rentrait d’une virée en boîte de nuit et avait consommé de l’alcool (voir hors-texte).

 

«Difficile d’avancer...»

 

Depuis cette tragédie, la douleur des Vallet et des Sookaye n’a jamais vraiment disparu. Au fil des années, ils ont simplement appris à vivre avec. «Nous avons assisté à toutes les séances en cour. Nous étions là à chaque fois que le conducteur devait comparaître pour pouvoir suivre l’affaire de près. Cela a été terriblement difficile pour nous d’avancer et aujourd’hui, nous pataugeons encore. Cet homme avait pourtant déjà eu plusieurs contraventions pour des infractions routières auparavant. Comment a-t-il pu obtenir une sentence pareille ? Le minimum serait que le Directeur des poursuites publiques rejette l’appel. Les délits doivent être punis pour décourager d’autres jeunes à boire et conduire», soutient Aude, la mère de Yan Vallet.

 

Rongée par la colère et le chagrin, elle lâche avec amertume : «Ce jeune inconscient a brisé bien plus que deux vies en conduisant sous l’influence de l’alcool. À l’époque, mon fils venait tout juste d’apprendre que ma belle-fille attendait leur premier enfant. Il était vraiment heureux.» En effet, Yan Vallet est décédé alors que son épouse était enceinte de deux mois. «Ma belle-fille est devenue veuve alors qu’elle n’avait que 29 ans. Cela a été dur de l’épauler pendant sa grossesse, alors que nous étions nous-mêmes dans un désarroi total. Aujourd’hui, j’ai un petit-fils de 7 ans qui n’a jamais connu son père et qui ne cesse de poser des questions. Yan aurait été si fier de lui», se désole-t-elle. Depuis que son fils a quitté ce monde, pas une journée ne passe sans qu’elle ne pense à lui, à cet homme «digne de confiance, droit, qui aimait la vie et détestait les injustices».

 

Les séquelles que cet accident a laissées chez les Sookaye sont tout aussi conséquentes. Eux non plus n’arrivent pas à faire le deuil de la disparition de Leelawtee Sookaye, qui jouissait pourtant d’une excellente santé et qui était un pilier pour la famille depuis le décès de son époux. Mais les séquelles ne sont pas que psychologiques ou émotionnelles. Le fils de la victime, Jeetun Roopchand, et son petit-fils Pravesh Ghoorah font partie des volontaires rescapés de l’accident. Ce jour-là, ils ont été grièvement blessés après avoir été percutés de plein fouet par la Porsche que conduisait Mitchell Fei Shing Li Fak Shong et aujourd’hui encore, ils en gardent des cicatrices. 

 

«Dépendre des autres»

 

Hospitalisé pendant près de trois mois à l’époque, avant d’entamer pendant un an des allers et retours à l’hôpital pour des séances de physiothérapie, Pravesh Ghoorah boite encore lorsqu’il fait trop d’efforts physiques. Et après cet accident, cette jeune recrue de la force policière, âgée de 23 ans à l’époque, a bien failli voir sa carrière partir en fumée. «J’étais quelqu’un de très actif mais je me suis retrouvé, du jour au lendemain, à devoir dépendre des autres. J’ai longtemps dû me déplacer en fauteuil roulant ou avec des béquilles. Vu que j’étais encore en formation pour être policier, je ne pouvais pas bénéficier d’un grand nombre de sick leaves. À un certain moment, je me suis retrouvé en difficulté financière vu que je ne pouvais pas travailler», se remémore-t-il.

 

À cause de cet accident, dont il ne garde aucun souvenir – «c’est le trou noir, je n’ai aucune idée de ce qui s’est produit ce jour-là» –, tous ses projets avaient été chamboulés. «Cela m’avait beaucoup frustré de voir tous mes collègues de la force policière gravir les échelons pendant que je stagnais à cause des séquelles de l’accident. Alors qu’ils avaient tous été confirmés en tant que policiers en 2014, mon tour n’est arrivé que deux années plus tard», regrette-t-il.

 

Des regrets, du chagrin, de la colère, les Vallet et Sookaye en ont. Notamment suite à la sentence accordée à Mitchell Fei Shing Li Fak Shong. «Le magistrat en a décidé ainsi, nous ne pouvons pas nous battre contre le judiciaire. Mais je reste tout de même d’avis qu’il aurait dû écoper d’une peine d’emprisonnement plus lourde et d’une amende plus forte. Cela aurait servi d’exemple à la société et aurait découragé les usagers de la route à prendre le volant après avoir consommé de l’alcool», pensent Aude Vallet et Pravesh Ghoorah dont les familles ont gardé de bonnes relations depuis cette tragédie.

 

Malgré tout, ils espèrent que leur témoignage aidera à faire que «d’autres familles n’aient pas à subir la même injustice».

 

Mitchell Fei Shing Li Fak Shong avait 131 microgrammes d’alcool dans le sang

 

Dans sa déposition, le conducteur avait déclaré avoir fait la tournée des boîtes de nuit jusqu’aux petites heures du matin, le dimanche 15 juillet 2012. D’après un médecin l’ayant examiné à son arrivée à l’hôpital après l’accident, il était sous l’influence de l’alcool. Cependant, ce n’est que bien plus tard qu’un échantillon de sang avait pu être prélevé. Car Mitchell Fei Shing Li Fak Shong et son passager avaient quitté l’hôpital pour se rendre dans une clinique privée contre avis médical. Et lorsque la police avait voulu effectuer un alcootest, elle avait été informée que l’accusé effectuait des examens médicaux. Ce n’est donc que bien plus tard, le dimanche 15 juillet, que Mitchell Fei Shing Li Fak Shong avait pu effectuer un alcootest qui a révélé qu’il avait 11 microgrammes d’alcool dans 100 ml de sang. Mais vu que huit heures s’étaient déjà écoulées depuis le drame, les calculs des experts du Forensic Science Laboratory ont conclu qu’il avait environ 131 microgrammes d’alcool dans le sang au moment où l’accident est survenu.

 

Des antécédents de délits routiers

 

Mitchell Fei Shing Li Fak Shong a toujours plaidé non-coupable dans cette affaire. Mais en se basant sur les éléments de l’enquête, le magistrat Raj Seebaluck a rendu son verdict le vendredi 24 juillet : «Should he have been prudent, he would have spared the lives of two innocent people who lost their lives needlessly.» Il a ainsi déclaré que le conducteur Mitchell Fei Shing Li Fak Shong, qui était défendu par Me Gilbert Ithier, Senior Counsel, était le seul responsable de cet accident mortel. Ce dernier a donc été jugé coupable d’homicide involontaire et a été condamné à 15 mois de prison et à une suspension de son permis de conduire pour une durée de trois ans.

 

Le soir de l’accident, en 2012, Mitchell Fei Shing Li Fak Shong avait passé une nuit blanche en boîte de nuit, était sous l’influence de l’alcool et des témoins oculaires ont indiqué qu’il roulait à grande vitesse. Après avoir pris tous ces facteurs en considération, le magistrat Raj Seebaluck a estimé que le conducteur n’avait pas pris les précautions nécessaires afin d’éviter le deuxième accident, d’autant plus qu’il avait trois antécédents de délits routiers dans le passé.