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Plusieurs de ses biens saisis par l’ICAC cette semaine : Ricardo Agathe, le caïd-marchand de fruits qui valait Rs 40 millions

L’argent et les voitures saisies à Ste-Croix et à Baie-du-Tombeau sont soupçonnés de provenir du trafic de drogue.

Il n’est pas né avec une cuillère en argent dans la bouche mais il aurait trouvé le bon filon pour en avoir une. Lui, c’est Ricardo Agathe, un marchand de fruits qui serait à la tête d’un important réseau de trafic de drogue. Son empire est évalué à plusieurs millions. L’Independent Commission Against Corruption (ICAC) a mis une très grosse somme d’argent, deux coffres-forts remplis de bijoux, des voitures de luxe et une moto de sport sous scellés après une descente à son domicile, à Ste-Croix, et à la pension de famille que gère son épouse. Retour sur un parcours parsemé de drogue et de millions.

Il est connu comme Ricardo Pomme. Tout simplement parce qu’il est officiellement marchand de fruits à la rue Farquhar, Port-Louis. Mais ce ne serait qu’une façade pour cacher d’autres activités plus illicites. Car Ricardo Agathe, 39 ans, sous les verrous depuis trois mois pour une affaire de drogue, serait un trafiquant notoire. Son nom est revenu dans l’actualité durant la semaine écoulée après la descente de l’Independent Commission Against Corruption (ICAC), le mardi 16 juin, à son domicile à Ste-Croix et à l’auberge Kapy, à Baie-du-Tombeau, gérée par sa femme Christina. Les officiers ont mis la main sur un butin impressionnant.

 

À Ste-Croix, ils ont saisi la somme de Rs 152 000 en monnaie locale et étrangère ainsi qu’une Mitsubishi Pajero, une Mitsubishi Sportero, une Nissan Skyline GT Sport, une Mercedes Benz SLK, une Mazda RX8, une BMW X6 immatriculée AR 710 et une moto Honda CBR 800 Ninja. À Baie-du-Tombeau, ils ont réalisé un encore plus gros coup de filet : une somme totale de Rs 9 614 175, toujours en monnaie locale et étrangère, deux coffres-forts contenant Rs 1,8 million de bijoux, une Audi A3 Sport immatriculée AC 1212  la voiture personnelle de Christina Agathe et un camion de la marque Renault contenant 10 roues. Tous les biens saisis au domicile et à l’auberge des Agathe sont évalués à pas moins de Rs 40 millions.

 

Arrêtée après la descente à l’auberge Kapy, Christina Agathe a été relâchée le lendemain contre une caution de Rs 900 000. Elle fait l’objet d’une accusation provisoire de blanchiment d’argent. Ricardo Agathe sera lui aussi interrogé en temps et lieu sur toute la provenance de cet argent et tous ces biens retrouvés à son domicile et à l’auberge gérée par sa femme qui continuait, selon nos informations, ainsi que l’entourage du couple, à mener la belle vie après l’arrestation de son époux. Ce qui a d’ailleurs poussé l’ICAC à faire une descente qui s’est avérée très fructueuse à leur domicile et leur auberge.

 

Avec tout cela en main, l’ICAC continue de plus belle son enquête sur l’homme dont le nom revient souvent dans des affaires liées au trafic de drogue ainsi que sur plusieurs de ses proches. Le Rodriguais est soupçonné de continuer ses activités illicites, via téléphone portable, de la prison où il est enfermé depuis trois mois. Il avait été arrêté à Flic-en-Flac, en avril, lors d’un controlled delivery exercise où il était venu récupérer 81 boulettes d’héroïne d’un Sud-africain.

 

Activités illicites

 

Mais auparavant, Ricardo Agathe avait déjà été inquiété pour des affaires en liens avec la drogue. En 2009, cet habitant d’une cité ouvrière avait été condamné à six mois de prison après avoir été trouvé en possession de 329 comprimés de Subutex. De 2011 à 2017, il a été appréhendé plusieurs fois pour blanchiment d’argent et remis en liberté conditionnelle à chaque fois. Les affaires sont toujours en cours. Après son arrestation en 2017, la commission anticorruption avait d’ailleurs obtenu le gel de ses avoirs : son compte bancaire et des terrains se trouvant à Ste-Croix, Mare-d’Australia et Flacq. Les biens de 15 de ses proches avaient également été mis sous scellés. Sa première démêlée avec la justice, qui n’a rien à voir avec la drogue, remonte à 2001. Il avait été condamné à payer une amende de Rs 500 pour avoir agressé un officier de l’État.

 

Pourtant, malgré toutes ses histoires avec la police et l’ICAC, Ricardo Agathe est décrit par ceux qui le connaissent comme quelqu’un de tranquille. Mais difficile d’avoir plus de détails car dans son quartier, les langues peinent à se délier. Pour cause : le caïd a au moins une douzaine de fidèles lieutenants et de gros bras à son service. Mais on apprend tout de même que son séjour en prison en 2009 l’aurait propulsé dans la cour des «grands» trafiquants.

 

Là-bas, il aurait tissé des liens étroits avec d’autres caïds et des passeurs africains et malgaches. Et à sa sortie, il aurait développé un important réseau avec le soutien d’autres trafiquants dont, semble-t-il, le parrain Peroomal Veeren. Celui qui avait connu la misère aurait alors commencé à amasser un joli paquet d’argent. Parallèlement, il aurait continué à vendre des fruits. «Sa mem so vitrinn sa», nous dit une source policière.

 

L’habitant de Ste-Croix aurait aussi commencé à investir dans le commerce de produits en plastique et les cosmétiques. Avec son épouse, il a également repris une pension de famille, à Baie-du-Tombeau, qui servirait à ses transactions louches. La brigade antidrogue le soupçonne aussi de faire partie d’un consortium qui a importé de grosses quantités d’héroïne. Et c’est nul autre que celui connu comme le Pablo Escobar local, soit Peroomal Veeren, qui tirerait aussi les ficelles de sa cellule via smartphone. Ricardo Agathe est également soupçonné d’être très proche d’un autre trafiquant notoire qui porte le sobriquet de Toto et qui roule pour un autre caïd connu pour être engagé dans le trafic de Subutex uniquement.

 

Un grand train de vie

 

C’est le train de vie de Ricardo Agathe qui aurait mis la puce à l’oreille des policiers et des enquêteurs de l’ICAC. L’homme, selon des sources bien informées, circulait toujours en bolide et se trimballait avec une chaîne en or pesant au moins 500 grammes. C’est en 2011, que la brigade antidrogue s’est davantage intéressé à Ricardo Agathe. En juin de cette année, deux Mozambicains avaient failli être agressés par des gros bras armés de sabres dans l’enceinte de l’aéroport, à Plaisance, alors qu’ils s’apprêtaient à quitter le sol mauricien. La police est intervenue à temps, ce jour-là, pour éviter le pire aux deux ressortissants africains. Lors d’une fouille corporelle, les enquêteurs de la Criminal Investigation Division ont recueilli une grosse somme d’argent sur eux : plus de Rs 9 millions en devises étrangères.

 

Pressés de questions, ils ont avoué qu’ils étaient à Maurice pour une grosse transaction. L’argent devait servir, selon eux, à financer l’importation des fleurs artificielles mais après enquête, la brigade antidrogue a appris que l’argent en question devait, en réalité, servir à acheter 3,5 kg d’héroïne. Le nom de Ricardo Agathe a alors été cité avec insistance comme le présumé commanditaire. Mais il n’a pas été inquiété dans cette affaire et aurait continué à mener un grand train de vie.

 

L’ADSU continuait toutefois à surveiller les faits et gestes de Ricardo Agathe. C’est ainsi qu’en décembre 2014, les enquêteurs ont enfin trouvé l’occasion de l’arrêter, une première fois, pour blanchiment d’argent. Une somme de Rs 700 000 avait été recueillie sur lui lors d’une fouille à son domicile. En mai 2015, alors qu’il est en liberté conditionnelle, il fait l’objet d’une autre fouille fructueuse. Rs 3,4 millions sont retrouvées dans sa BMW, dissimulées sous des magazines. Il est à nouveau arrêté puis libéré sous caution. En octobre 2017, une somme de Rs 2,7 millions est, cette fois, découverte par les enquêteurs dans sa salle de bains.

 

Une nouvelle accusation provisoire de blanchiment d’argent est logée contre Ricardo Agathe. Il obtient une fois de plus la liberté conditionnelle. Toutefois, depuis sa dernière arrestation en avril pour complicité dans une affaire d’importation d’héroïne, il semble bien parti pour faire un long séjour derrière les barreaux. Cela ne l’empêcherait pas, selon nos informations, de continuer à alimenter son réseau de la prison, à en croire le gros magot saisi à son domicile et à la pension de famille que gère son épouse.

 


 

L’ICAC à la traque

 

La commission anticorruption a fait plusieurs opérations parallèles à celles menées chez les Agathe dans les faubourgs de Port-Louis. Une mission qui s’est avérée très fructueuse car il y a eu d’autres interpellations et saisies. À titre d’exemple : il y avait plus de 150 paires de chaussures de marque chez un des suspects qui travaille comme maçon. Les limiers de la commission anticorruption ont également mis la main sur des bijoux, de l’argent et d’autres voitures. Les autres personnes arrêtées sont : Brian Labonne, Gaël Piron, Niven Thondee, Ashley Rose, Michaela Piron et Hansley Mootoosamy. L’ICAC a mené une troisième opération, le jeudi 20 juin. Trois suspects ont été arrêtés. Il s’agit de Franco Bégué, de Kervin Langue et de l’épouse de ce dernier. Deux berlines allemandes ont également été mises sous scellés. Les trois suspects sont soupçonnés de faire partie du réseau de Ricardo Agathe. L’ICAC prévoit d’autres opérations similaires dans les jours à venir.

 


 

 

Questions à Ally Lazer…

 

 

«Les trafiquants de drogue ne doivent plus bénéficier de la grâce présidentielle»

 

Vous êtes le président de l’Association des travailleurs sociaux de Maurice. Que pensez-vous des récentes descentes de l’ICAC chez des personnes soupçonnées de blanchir l’argent du trafic de drogue ?

 

Je salue le bon travail effectué par la commission anticorruption. Le point faible des trafiquants a toujours été leur richesse. Je demande à l’ICAC de ne pas s’arrêter en si bon chemin. Il faut également traquer ceux qui font office de prête-noms pour les trafiquants ainsi que les immobiliers que possèdent ces derniers. Il faut également traquer ceux qui blanchissent l’argent de la drogue dans des commerces. L’un d’eux possède un magasin de spare parts à Plaine-Verte. J’invite également les limiers de la commission anticorruption à enquêter sur un proche du trafiquant notoire Tirania qui vend lui aussi des fruits à Port-Louis. Pour gagner le combat contre le trafic de drogue, il faut continuer à taper fort sur la richesse des caïds. Sa pou fer zot bien reflesi avan fer biznes lamor ankor.

 

Est-il vrai que vous avez déjà dénoncé Ricardo Agathe dans le passé ?

 

Effectivement. Cela fait plus de trois ans que j’ai dénoncé Ricardo Agathe comme enn marsan lamor. Son nom figure d’ailleurs dans une liste des trafiquants de drogue notoires que j’ai soumise à Paul Lam Shang Leen, qui a présidé la commission d’enquête sur la drogue. J’avais également soumis ladite liste au patron de la brigade antidrogue.

 

Ce mercredi 26 juin, c’est la Journée mondiale contre l’abus de drogue et le trafic illicite des stupéfiants. Avez-vous un message particulier ?

 

J’ai une pensée spéciale pour toutes ces mères qui ont perdu un enfant dans l’enfer de la drogue. Je propose de les dédommager avec les millions qui ont été saisis des trafiquants de drogue. Ces derniers sont des criminels en série qui agissent avec préméditation. Ils ne doivent plus bénéficier de la grâce présidentielle comme cela a été le cas, le 12 mars 2017, pour plusieurs caïds. L’un d’eux est un trafiquant notoire de Plaine-Verte qui avait été condamné à 30 ans de prison mais qui est sorti après seulement 14 ans. Selon mes informations, il aurait déjà recommencé à se plonger dans le milieu de la drogue. La grâce présidentielle est une échappatoire que certains avocats utilisent pour faire relâcher leurs clients. Le Dangerous Drug Act est clair : il n’y a pas de rémission de peine pour les condamnés dans des affaires de drogue. C’est pour cela que je persiste à dire que les trafiquants ne doivent plus bénéficier de la grâce présidentielle.