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Le «kreol» au Parlement : «bann zenn depite dir wi»

Ismael Rawoo, Fabrice David, Kushal Lobine et Karen Foo Kune donnent leur opinion. Arnaud Carpooran a pris la parole dans un webinar.

Alors que la question revient au-devant de la scène, journée mondiale oblige, des membres de la nouvelle génération d’élus disent… siloy sa ! 

Une route longue et semée d’embûches. Le kreol morisien a le destin des grands héros. Ignorée, ridiculisée, rabaissée, pendant très longtemps, la langue maternelle de la majorité des Mauriciens connaîtra-t-elle une avancée historique ? Un jour de grande victoire ? Elle s’avance dousma dousma vers cela. Après l’adoption d’une graphie standardisée, la publication de dictionnaires et de textes, et son introduction à l’école, le next big step serait son entrée au Parlement de manière officielle. Mais est-ce que les jeunes parlementaires sont prêts/es ? Nous leur avons posé la question à l’occasion de la Journée internationale de la langue et de la culture créoles, observée le 28 octobre.

 

Cette semaine, dans le cadre de cette journée, la Faculté des Sciences sociales de l’université de Maurice, en collaboration avec la Creole Speaking Union (CSU), a organisé un webinar pour discuter des avancées du projet : Preparasion Terin pou Introdiksion Kreol Repiblik Moris dan Parlman (voir hors-texte). Des échanges intéressants ont eu lieu et ont permis de faire le point sur tout ce qui est nécessaire afin que cela ne devienne une réalité, loin des questionnements «communaux» qui ont, longtemps, truqué les cartes du débat du kreol au Parlement.

 

Suite à une question parlementaire, le mardi 7 juillet 2020, le Premier ministre, Pravind Jugnauth, estimait que c’est un «processus qui prendrait du temps» : «La maîtrise de la langue à tous les niveaux est un prérequis majeur de son introduction à l’Assemblée nationale (…) Pour que le kreol soit utilisé au Parlement, nous devons nous assurer que les parlementaires et le personnel de l’Assemblée aient reçu une formation appropriée», avait confié le chef du gouvernement suite à une question du député du MMM, Reza Uteem.

 

C’est ce à quoi travaillent plusieurs équipes, depuis un moment. C’est ce qu’a expliqué, lors du webinar, Arnaud Carpooran, président de la CSU et doyen de la faculté des sciences sociales et humaines. Le terrain serait, donc, bientôt propice. Et Ismael Rawoo, député de la majorité, se dit prêt pour ce changement de taille : «C’est la langue maternelle des Mauriciens, alors, pourquoi pas !» Il rejoint le Premier ministre sur la question de temps : «Ça va, néanmoins, prendre un peu de temps. Nous sommes dans un système westministérien, donc, ça demandera des ajustements. Tout comme le kreol à l’école qui est, aujourd’hui, un succès.»

 

Fabrice David, élu du Labour Party, comprend lui aussi que des ajustements doivent être faits : «Cela demande des adaptations, des ajustements, certains upgradings concernant la façon dont le Parlement opère. Ne serait-ce que pour les procès-verbaux, les hansards. Il faudra que les logiciels soient adaptés pour la transcription. Il faudra aussi modifier les Standing Orders du Parlement pour inscrire le créole comme l’une des langues autorisées.» Au-delà de ça, linn pare : «Dans la mesure où la population semble être prête, nous qui la représentons au sein de l’hémicycle, nous nous devons d’être en phase avec la nation mauricienne.»

 

Pour lui, «l'introduction du créole au Parlement, c’est l'occasion de sublimer la langue de notre histoire commune». Pour rester dans le sublime, il fait un appel aux autres parlementaires «actuels et à venir» : «Pour que le kreol soit un outil de partage, il faut que cette étape vienne mettre à l’honneur la langue de nos ancêtres, de nos enfants et de notre nation. Il ne faudrait pas qu’elle soit ternie à travers des dérapages que l’on voit déjà dans d’autres langues.» Parlementaire depuis bientôt deux ans, il regrette que le kreol ne soit utilisé au Parlement que «pour dire des choses désagréables et insultantes» : «Il faudra utiliser notre langue avec justesse pour la mettre à l’honneur dans le décorum qui est demandé au sein du temple de la démocratie.»

 

Karen Foo Kune, députée du MMM, est d’avis que ce serait dans l’intérêt de tous/toutes que le kreol trouve sa place au Parlement : «C’est notre langue nationale, tout le monde la comprend. Pour une meilleure démocratie, je suis pour.» Au Parlement, rappelle-t-elle, des informations importantes sont circulées, des décisions cruciales sont prises : «Avec le kreol, la population aura une meilleure opinion et vision de ce qui s’y passe.» Kushal Lobine, élu du PMSD,  a aussi son mot à dire sur la question. Même si c’est sa présence à la Mauritius Sanatan Dharma Temples Fédération, le vendredi 29 octobre, (où se trouvait aussi le Premier ministre)  qui fait beaucoup plus jaser. Ceci dit, et comme il a démenti les rumeurs parlant d’un rapprochement du MSM, parlons kreol. Il rejoint Karen Foo Kune dans sa réflexion : «Je suis pour que la démocratie soit bien vivante, que les gens s’expriment dans la langue où ils sont le plus à l’aise et pour que le public arrive à mieux saisir ce qui se passe au Parlement.» Pour lui, le fait de s’exprimer en plusieurs langues ne doit pas être un obstacle : «Il y a des technologies qui permettent cela. Et c’est le cas dans plusieurs pays. En Inde notamment, où au sein du Parlement indien, on ne s’exprime pas qu’en hindi ; il y a plusieurs langues et des logiciels qui permettent que le message passe.»

 

Pour les jeunes parlementaires, il n’y a, donc, pas de doute, le kreol au Parlement s’inscrit dans l’ordre des choses…

 


 

Un souhait, des travaux

 

Il s’agit d’un projet de recherche interinstitutionnelle. Et qui permettra, si les politiques l’acceptent, que le kreol fasse son entrée officielle au Parlement. Plusieurs commissions s’attellent aux différentes problématiques. C’est ce qu’a déclaré Arnaud Carpooran lors du webinar que vous pouvez retrouver dans son intégralité ici : https://bit.ly/webinarkreol. Déjà, ce projet a eu la bénédiction et la promesse de soutien de plusieurs institutions mais aussi du président de la République, Pradeep Roopun, et du vice-président, Eddy Boissézon, a annoncé le président de la CSU. Dans son speech d’introduction, il est revenu sur les différents aspects qui doivent être pris en considération pour que le kreol fasse partie des langues autorisées au Parlement : l’aménagement de la langue pour cadrer avec la fonction parlementaire, la formation des personnes du Parlement et des élus, la dissémination de l’information, le travail sur les variations de la langue afin de ne retenir qu’un registre qui soit propre à une utilisation parlementaire mais aussi un travail sur le lexique parlementaire ; un jargon riche. Il a aussi été question de l’élaboration d’un logiciel speech to text pour la retranscription en kreol.