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Eric Mangar : «Chacun de nous peut contribuer à l’autosuffisance alimentaire à Maurice»

«Chaque famille peut avoir un petit jardin dans sa cour, sur son toit, sur sa terrasse (...) Elle peut aussi élever des petits animaux si elle a de la place.»

Parlez-lui d’agriculture, d’élevage et d’autosuffisance alimentaire, et il ne s’arrêtera plus ! Il faut dire qu’Eric Mangar connaît ces sujets sur le bout des doigts ! Détenteur d’un Masters en agronomie de l’Université de Wales, ex-employé de l’usine sucrière Belle-Vue Mauricia, il est depuis de longues années à la tête du Mouvement pour l’autosuffisance alimentaire qui multiplie les initiatives afin que la sécurité alimentaire devienne une réalité à Maurice. Une préoccupation qui est devenue plus que jamais légitime depuis que la pandémie de Covid-19 s’est invitée dans nos vies. Il est convaincu qu’on peut tous y contribuer…

Comment je vis ces temps challenging depuis 2020…

 

ARRÊT. L’arrivée de la Covid a bouleversé ma vie, comme celle de tout le monde. On ne pouvait plus sortir de la maison, les activités de notre association étaient suspendues, d’autant qu’on n’avait pas de Work Access Permit pour circuler, pour aller livrer de la nourriture pour les poules à des familles qui en font l’élevage, par exemple. Les initiatives que nous avons mises en place en partenariat avec des coopératives, comme le Weavers Centre de Vieux-Grand-Port, où on fabrique de sacs en vacoas, l’Agro-Processing Unit de Petit-Sable, où on produit des chips de manioc et de banane, ou encore la pêche hauturière, étaient bien évidemment à l’arrêt.

 

GUIDER. Nous faisions la coordination de chez nous pour guider ceux qui en avaient besoin, notamment les éleveurs, et les employés qui pouvaient travailler à la maison l’ont fait. Tout cela a bien sûr eu des conséquences sur la production, les chiffres d’affaires, etc., mais heureusement que toutes ces activités ont repris petit à petit.

 

JARDIN. Moi, durant les confinements, je me suis beaucoup occupé du jardin qui se trouve sur le toit de ma maison et qui produit des combavas, des goyaves, des papayes ainsi que divers légumes. D’ailleurs, j’encourage chaque famille mauricienne à avoir son petit jardin, que ce soit dans la cour, sur le toit, la terrasse. Et si vous avez de la place, faites aussi un élevage des petits animaux. C’est très important par les temps qui courent.

 

Ces précieuses leçons apprises…

 

DÉPENDANTS. La Covid-19 et tout ce qu’elle a entraîné nous ont fait prendre conscience de beaucoup de choses ou encore ont confirmé des choses que nous connaissions déjà. Prenons la sécurité alimentaire, par exemple. Qu’en est-il à Maurice ? On en est bien loin. Nous sommes dépendants de l’importation pour 75 % de notre nourriture et des grosses multinationales qui font la pluie et le beau temps concernant ce que nous devons manger et combien nous devons les payer. Et tout est de plus en plus cher, des matières premières aux produits finis, en passant par le freight et le service de distribution. Maurice est entrée pleinement dans ce système et nous en payons le prix fort aujourd’hui. Il est temps de réformer ce système, d’aller vers l’autosuffisance alimentaire et chacun d’entre nous peut y contribuer.

 

PRODUIRE. Nous devons absolument produire nous-mêmes notre nourriture. Nous avons des bons produits locaux adaptés à notre réalité et à notre organisme, ça nous coûtera moins cher de les produire et de les acheter, et cela garantira que nous aurons à manger même si pour une raison ou une autre, nous ne pouvons plus importer. Et il faudrait le faire d’une façon respectueuse de la terre, que ce soit l’agriculture bio ou raisonnée. Pas comme ces multinationales qui font de l’agriculture et de l’élevage intensifs – produisant aussi les fertilisants chimiques, pesticides et herbicides – qui, à terme, fragilisent le sol, affectent l’environnement et contribuent au changement climatique. Sans parler de la pêche intensive avec les bateaux à gros moteurs et les armes de pointe qui détruisent la faune et la flore marines !

 

CONSCIENCE. Heureusement, la pandémie de Covid-19 est venue remettre en question ce système alimentaire mauvais pour la planète et ses habitants, et nous fait prendre conscience que nous devons tous contribuer, à notre niveau, à un système d’alimentation respectueux de notre environnement, de notre santé, de nos besoins.

 

Pour aller vers un meilleur lendemain…

 

RAISONNABLE. Il y a un long chemin à parcourir avant de revenir à un système alimentaire plus juste et raisonnable. Les multinationales sont très fortes et exercent un lobby extraordinaire sur les gouvernements. Mais ce n’est pas impossible avec la volonté du plus grand nombre. Et avec la Covid et maintenant la guerre, il y a eu une réelle prise de conscience de ce qui est bon ou pas.

 

TERRE. Déjà, ces deux dernières années, de plus en plus de gens sont revenus à la terre, à l’élevage. C’est ce que nous encourageons. Chacun de nous peut avoir un petit jardin dans sa cour, sur son toit, sur sa terrasse. On peut utiliser des drom, bacs ou autres contenants en plastique. On peut aussi faire du vertical planting sur les murs et autres structures. On peut aussi élever des petits animaux comme les poules, canards, cailles, cabris, moutons, si on a de la place.

 

POULES. Au Mouvement pour l’autosuffisance alimentaire, nous distribuons des poules pondeuses (cinq par familles) à ceux qui sont intéressés, surtout les familles vulnérables. Nous distribuons aussi la nourriture pour les poules. Avec cinq pondeuses, on peut arriver à 30 oeufs par semaine. Nous distribuons aussi des graines et des bacs dans certains endroits.

 

SEMENCES. D’ailleurs, Maurice doit aussi être capable de produire ses propres semences en quantité suffisante et arrêter avec les OGM qui ne produisent pas de graines qu’on peut réutiliser. Produisons des plantes-feuilles, des bred, des plantes racines comme la patate et le manioc, du fruit à pain, du manioc, des grains secs, mangeons davantage de riz ration qui est plus nourrissant. Développons l’industrie du cerf, rendons cette viande plus accessible, ainsi que le poisson, faisons de la culture d’algues qui ont une valeur nutritive très riche.

 

INCENTIVES. Nous devons aussi apprendre à conserver, transformer les produits comme la pomme d’amour, le piment et autres, pour letan dir, à fabriquer notre propre compost. Le Food and Agriculture Research and Extension Institute (FAREI) doit avoir des techniques qu'il peut enseigner aux gens. Et le gouvernement doit tout faire pour encourager l’agriculture et l’élevage à Maurice, en donnant des incentives à ceux qui sont intéressés, en mettant en place des projets, des initiatives…

 

RÉGIONALE. Nous devons aussi développer davantage la coopération régionale avec les pays comme l’Afrique du Sud, Madagascar, les Seychelles, entre autres, pour ne pas avoir à aller trop loin pour exporter les aliments que nous ne pouvons pas produire chez nous. Cela nous coûtera moins cher.

 

Les lueurs d’espoir qui brillent…

 

DÉBROUILLARDS. Les Mauriciens ont pris conscience qu’il y avait un problème de sécurité alimentaire et ont pris des initiatives pour y pallier, ils ont fait preuve d’un sens de la débrouillardise extraordinaire pour produire leur propre nourriture dans une certaine mesure et ça, c’est une belle lueur d’espoir. Il faut continuer dans ce sens.

 

ANTISTRESS. En plus de procurer de la nourriture, un jardin est un lieu antistress. Le contact avec la terre permet de gérer l’anxiété, l’angoisse, les problèmes mentaux qui ont augmenté avec la pandémie de Covid-19 et toutes les épreuves qu’elle a amenées. C’est aussi une alternative pour ceux qui se sont retrouvés au chômage pou gagn enn bouse manze ! Donc, moi je dis, que vous ayez une cour ou pas chez vous, faites votre jardin. Élevez des petits animaux si possible. Ça vous donnera de quoi manger et ça vous fera du bien.

 


 

Mon actu du moment

 

Le Mouvement pour l’autosuffisance alimentaire continue plus que jamais sa mission de développer l’agriculture et l’élevage raisonnés dans l’île ainsi que la pêche hauturière (sur les bancs), afin que nous allions de plus en plus vers l’autosuffisance alimentaire et aussi afin d'aider les plus vulnérables à s'en sortir. Depuis environ 40 ans que nous existons, nous avons mené à bien beaucoup de projets – la mise sur pied de coopératives, de petites entreprises, l’achat de bateaux, l’élevage et la distribution de poules pondeuses, la distribution de graines et de bacs, etc. –, en partenariat avec les secteurs public et privé, d'autres associations, des individuels… Nous avons aussi contribué au raccordement du village du Morne à l'eau potable et au relogement des habitants de La Pipe à Anoska. J’ai d'ailleurs écrit un livre sur le sujet : The Ressettlement and Integration of La Pipe in Mauritius.

 

J’ai toujours aimé l’agriculture. J’ai étudié l’agronomie (NdlR : science de l’agriculture) au Collège de l’Agriculture à l’Université de Maurice, avant d’aller faire mon Masters à l’Université de Wales. J’ai ensuite travaillé sur la propriété de Belle-Vue Mauricia pour faire la diversification de l’élevage, avant de rejoindre un mouvement qui visait à aider les chômeurs du Nord à se reconvertir dans l’élevage et l’agriculture. Ce groupe est ensuite devenu le Mouvement pour l’autosuffisance alimentaire. Côté vie privée, je suis marié à Grace et je suis le papa de deux grandes filles, Preety et Roshni.