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Brigitte Michel : «Le gouvernement devrait reconnaître les ONG comme un service essentiel»

«Comme des étoiles dans la nuit, il y a quelques personnes au ministère de la Santé qui brillent, qui sont très humaines, toujours disponibles, prêtes à aider...»

Elle est passionnée, généreuse et infatigable ! Avec son équipe dévouée, la directrice de l’ONG AILES (Aides Infos Liberté Espoir et Solidarité) mène le combat principalement auprès des usagers de drogue et des personnes vivant avec le VIH. Ces deux dernières années, entre Covid, confinements et autres contraintes, n’ont pas été faciles mais le travail a continué de plus belle. Brigitte Michel nous raconte ce parcours jalonné de difficultés mais aussi de lueurs d’espoir…

Comment je vis ces temps challenging depuis deux ans

 

PANIQUE. À l’annonce du premier lockdown en 2020, ç’a été la panique ici, chez AILES ! Comment allions-nous continuer à mener nos activités de terrain tellement essentielles pour nos bénéficiaires ? Ceux-ci sont des usagers de drogue en réhabilitation, dont certains sont aussi atteints du VIH/Sida ou de l’hépatite C, et ont besoin de leur dose de méthadone quotidienne et de soins. On s’est donc assis pour réfléchir et avons décidé, à l’unanimité, de continuer notre travail sur le terrain, notamment la livraison de la home dose methadone pour nos bénéficiaires qui sont alités, de seringues, d’antirétroviraux et autres médicaments ainsi que le programme d’échange de seringues, etc. Bien sûr, en prenant toutes les précautions. Nous utilisions nos permis délivrés par le ministère de la Santé pour la livraison de la home dose methadone pour circuler. Ensuite, nous avons eu quatre WAP. Pour le second confinement, c’était plus simple car nous avions tous eu le WAP.

 

FOODPACKS. En sus d’avoir fait notre travail habituel en collaboration avec la AIDS Unit et la Harm Reduction Unit du ministère de la Santé, nous avons aussi, à un moment donné, dû livrer pas mal de foodpacks. Beaucoup de nos bénéficiaires, ki travay gramatin pou manz tanto, n’avaient plus de travail ni de quoi se nourrir. Or, pour l’adhérence aux traitements antirétroviraux, les personnes vivant avec le VIH doivent manger correctement. Heureusement, on a pu bénéficier de l’aide de la National Social Inclusion Foundation (NSIF), des expats et du Solidarity Fund, entre autres, pour avoir des foodpacks.

 

COLÈRE. En plus de ça, durant les confinements, nos bénéficiaires sous méthadone devaient absolument se rendre au poste de police le plus proche, qui était parfois loin de leur domicile, pour se procurer leur dose quotidienne avec toutes les contraintes que cela impliquait. Cette situation nous a mis très en colère, d’autant qu’il n’y avait aucune communication du ministère de la Santé autour de cela. Finalement, on a pu débloquer la situation en faisant appel à la Harm Reduction Unit et des caravanes se sont rendus dans certains endroits, notamment dans les zones rouges.

 

Ce qui a changé en bien... et en moins bien

 

CHARITÉ. Commençons par le moins bien. Ce qui est terrible depuis que la Covid est arrivée dans nos vies, c’est que tout a augmenté drastiquement. Et ça continue. Alors que les salaires restent pareils et que beaucoup de personnes sont au chômage. C’est déjà difficile pour les gens qui travaillent, alors pour ceux qui ne travaillent pas ou qui ont juste une petite allocation mensuelle, c’est impossible de joindre les deux bouts. Ils se rabattent sur les ONG qui sont, à leur tour, obligées d’aller un peu demander la charité.

 

RISQUES. Et puis, c’est difficile de tenir des rencontres de groupe qui sont essentielles pour s’épauler mutuellement, partager des choses avec ceux qui sont dans la même situation, avoir des informations primordiales, faire des thérapies de groupe ou familiales. Et puis, c’est risqué pour nous qui sommes sur le terrain. Cette année, nous avons tous eu, à tour de rôle, la Covid  !

 

SOLIDARITÉ. D’un autre côté, il y a aussi eu beaucoup de positif qui est sorti de toute cette situation. D’abord, on voit bien qu’il y a plus de solidarité, au niveau de la société en général, des ONG, des organismes gouvernementaux et autres. Les ministères concernés se sont rendu compte qu’ils avaient besoin des ONG pour faire avancer le travail car nous sommes les experts de terrain. Nous avons aussi besoin d’eux pour des choses que nous ne pouvons/savons pas faire de nous-mêmes. Nous sommes complémentaires.

 

RÉSILIANTS. Puis, comme nous, à AILES, nous travaillons depuis longtemps avec les personnes vivant avec le VIH, nous sommes habitués à prendre des précautions d’usage et à lutter contre la stigmatisation et la discrimination dont celles-ci sont victimes. Ça nous a beaucoup aidés à faire face à la Covid, à trouver des solutions, à être résiliants. Bien sûr, nous étions stressés, fatigués, parfois proches du burn out… Je ne crois d’ailleurs pas que nous avons récupéré jusqu’ici mais nous continuons notre mission. Je crois que les gens ont beaucoup apprécié que nous soyons restés sur le terrain malgré la Covid.

 

Pour aller plus loin et plus haut

 

INFORMATIONS. Je crois que ce serait bien que le gouvernement reconnaisse aussi les ONG comme un service essentiel. Cela éviterait un tas de complications si jamais nous devions faire face à un autre confinement ou une catastrophe naturelle. Ce serait bien aussi que nous ayons des informations régulières sur les services gouvernementaux disponibles pour les personnes vulnérables ainsi qu’une focal person qui puisse relayer les informations et être accessible au cas où nous aurions besoin de renseignements ou d’aide.

 

EXTRÊMES. Et puis, on ne peut plus continuer à demander aux usagers de drogue en réhabilitation d’aller par leurs propres moyens au poste de police durant les confinements ou à l’hôpital durant les cyclones pour avoir leur dose quotidienne de méthadone. Dans ces cas extrêmes, on aurait pu leur proposer la home dose ou leur donner quelques doses d’avance ou même ouvrir exceptionnellement les dispensaires ou autres centres plus proches des lieux de résidence.

 

CHANCE. Il faut arrêter de traiter ces personnes-là comme des enfants ou des criminels. D’ailleurs, il y a, parmi, des gens extraordinaires qui sont malheureusement tombés dans l’enfer de la drogue et qui veulent s’en sortir. Mon staff est composé de 15 personnes, dont cinq sous méthadone, qui sont tous très responsables et productives. Je crois d’ailleurs que nous sommes la première ONG à avoir employé des personnes sous méthadone. Il suffit juste de leur donner leur chance…

 

Ces lueurs d’espoir qui brillent…

 

ÉTOILES. Comme des étoiles dans la nuit, nous avons la chance d’avoir quelques rares personnes au ministère de la Santé qui brillent, qui sont exceptionnelles, très humaines, toujours disponibles, accessibles, prêtes à aider, à trouver des solutions. Par exemple, le Dr Catherine Gaud qui est maintenant au Prime Minister’s Office, le Dr Devi Soyjaudah du National AIDS Secretariat, le Dr Mandarrun ou encore Guyanno Shadrac de l’AIDS Unit, entre autres. Cela nous donne de la motivation et du courage pour continuer notre difficile travail.

 

PLAIDOYER. Il y a pas mal de lueurs d’espoir dans le domaine où nous travaillons. Par exemple, le Drug Offenders Administrative Panel (DOAP) a décidé que ceux arrêtés avec des petites quantités de drogue ne seront pas condamnés ou amenés à faire de la prison, et cela ne figurera pas sur leur certificate of character. Elles seront plutôt orientées vers des ONG. Le programme de méthadone qui n’était plus disponible pour ceux qui souhaitaient commencer leur désintoxication en prison est aussi redevenu disponible. Et grâce aux plaidoyers, il y a maintenant de nouvelles molécules pour les antirétroviraux. Les personnes qui ont le VIH n’ont plus besoin de prendre 18 ARVs comme dans les années 2000. De nouvelles molécules permettent aux patients d’en prendre un ou deux par jour, ce qui facilite l’adhérence aux antirétroviraux.

 


 

Mon actu du moment

 

En ce dimanche 15 mai, nous organisons un Candlelight à Mangalkhan en hommage aux personnes décédées qui vivaient avec le VIH ainsi qu’aux soldats de la lutte qui sont morts. C’est le moment d’encourager ceux qui vivent avec le VIH, de sensibiliser la population et de faire un plaidoyer pour une meilleure prise en charge du VIH. Il y aura une marche et une distribution de bougies à travers la cité, une projection de vidéos à notre siège aux Loges de Mangalkhan, des témoignages… Nous serons aussi dans l’émission de Baro pa aret lavi sur la MBC Radio.

 

AILES a été créée à l’initiative d’un groupe d’amis de Mangalkhan en 2009. Puis, petit à petit, nous avons grandi et aujourd’hui, nous sommes fiers de compter 15 staffs et trois resources persons. Nous sommes très reconnaissants à la National Social Inclusion Foundation (NSIF) et à l’Union européenne, entre autres, pour toute l’aide qu’elles nous apportent. Outre notre programme d’accompagnement des usagers de drogue, de personnes vivant avec le VIH et l’hépatite C, et leurs familles, nous avons un programme de prévention pour les jeunes qui font du street dance à Mangalkhan. Nous sommes aussi partie prenante de projets pour aider des détenus et ex-détenus à s’en sortir.

 

Je suis dans le social depuis de nombreuses années et j’ai beaucoup appris aux côtés de grands travailleurs sociaux. J’apprends toujours. J’aime ce que je fais et je suis bien soutenue par mon équipe, mes trois enfants et plein de personnes qui croient en moi, en nous, y compris nos bénéficiaires…