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Accord PTr-MMM-PMSD : des observateurs entre espoir et scepticisme

Se fera, se fera pas ? Attendons voir… En tout cas, l’alliance que les partis de l’opposition – pour l'heure le PTr, le MMM et le PMSD – se proposent de faire depuis cette semaine, notamment en vue des élections municipales, ne laisse pas indifférents nos cinq interlocuteurs. Ces observateurs attentifs de notre société – dont le politologue Dr Avinaash Munohur –, qui n’hésitent pas à analyser l’actualité, que ce soit dans les médias ou sur les réseaux sociaux, nous disent ce qu’ils pensent de cette éventualité et ce que cela pourrait apporter – ou pas – à notre pays et aux Mauriciens si jamais elle se concrétisait. 

Dr Avinaash Munohur : «L’heure n’est pas à la querelle des ego, mais au travail en commun...»

 

«Il me semble essentiel, dans la conjoncture actuelle, que les partis de l’opposition puissent s’allier et s’unir autour d’un projet de redressement pour notre pays. Nous sortons de deux années très compliquées et nous voyons à quel point nous sommes face à des problèmes et enjeux graves. La spirale infernale de l’augmentation du coût de la vie risque de perdurer encore un moment, ce qui mettra beaucoup de Mauriciens face à une situation de recul économique extrêmement grave.

 

Ainsi, nous devons absolument repenser certaines politiques économiques et réformer certaines institutions publiques afin que les plus vulnérables de notre société soient les plus épargnés par la crise. Il nous faut également anticiper les changements profonds qui sont en train de s’opérer au niveau du monde, avec les problèmes liés à la cherté et à l’approvisionnement des marchandises et des matières premières. Notre pays est extrêmement dépendant des importations, ce qui fait que nous sommes en première ligne des victimes de cette conjoncture mondiale.

 

Il me semble, objectivement, que le gouvernement actuel a fait de son mieux pour gérer la pandémie, mais ce même gouvernement ne me semble pas armé pour relever les défis qui arrivent. Il n’a pas pris la mesure des enjeux et de l’impératif de l’austérité économique qui sera la nôtre ; il suffit de voir la succession des scandales qui coûtent des centaines de millions de roupies aux contribuables. De ce fait, il est important que l’opposition mette ses différences de côté et s’allie autour d’un projet pour le pays. Les impératifs sont multiples et les défis sont grands : assainissement de la corruption, austérité économique, réinvention de certains secteurs d’activité, insuffler un souffle nouveau au Welfare State, s’occuper du problème de l’exclusion, de l’insécurité et du trafic de drogue, etc. Nous devons trouver des solutions immédiates pour soulager ceux qui sont le plus touchés par la crise économique actuelle, tout en proposant un projet de réformes pour le moyen et le long terme. Et tout ceci doit se faire dans un esprit patriotique, l’heure n’est pas à la querelle des ego, mais au travail en commun pour redresser notre pays.

 

La force de ces trois parties réunies est qu’elle rassemble des parlementaires, des anciens ministres et des chevronnés de la politique mauricienne, tout en ayant des jeunes capables et qui apportent une plus-value réelle dans le débat politique actuel. Il faudra trouver une juste balance entre la nécessité de l’expérience et la volonté d’avoir de la jeunesse et du changement. Comme je vous le disais, les prochaines années seront très compliquées et les réformes qui nous attendent requièrent cette alliance de l’expérience et de la jeunesse. En d’autres termes, il ne suffit pas de dire que nous allons réformer nos institutions et nos pratiques économiques et sociales, il faut également avoir une équipe qui incarne cette réforme, cette transition, cette passation intergénérationnelle et cette évolution vers une autre manière de gouverner notre pays.

 

La  faiblesse actuelle de cette alliance, mais de toute l’opposition en réalité, c’est qu’elle ne peut pas encore prétendre s’asseoir sur un projet national clairement défini. Les enjeux sont, selon moi, clairement identifiés et sont tout autant économiques, industriels, institutionnels, sociaux, environnementaux et culturels, mais nous devons maintenant pouvoir donner corps à ces enjeux à travers l’identification de l’ensemble des problèmes actuels et en venant pousser des propositions capables de les gérer. Ce travail prendra un peu de temps, et de ce point de vue, il est heureux que cette alliance soit négociée actuellement, nous donnant le temps du travail en commun qui nous attend d’ici la prochaine échéance électorale – si cette dernière n’est pas avancée bien sûr.»

 

Bhawna Antaram : «À la guerre comme à la guerre»

 

«Il était grand temps que les différents partis coagulent leurs effectifs pour proposer une alternative : mais encore faut-il qu’elle soit crédible et effective. Mais à trop vouloir réfléchir et calculer, si rien n’est fait, on risque de passer à côté de la plaque, et l’opposition continuera à se fractionner et à se désagréger.

 

Il est impératif que les partis présentent un programme de société bien ficelé, alliance ou pas. Sinon, ce sera du business as usual, et on se retrouvera avec les même pour les prochaines élections générales de 2024. On se pose la question aussi : quel sera finalement l’enjeu de ces prochaines élections générales avec tout ce qui se trame actuellement ? Est-ce que ce sera le programme économique ou plutôt la personnalité du leader de chaque bloc respectif, comme c’est souvent le cas ?

 

Il est aussi important de trouver un juste équilibre entre les jeunes et les moins jeunes au sein des partis politiques, car on ne peut pas se débarrasser du jour au lendemain des valeureux vétérans. Qu’on appelle parfois à tort “dinosaures”. On a aussi trop souvent vu que les gens votent, non pas sur la base de bilans, mais sur d’autres critères tels que la communauté, le caste ou le parti, indépendamment d’autres indices objectivement vérifiables. Ou que certains peuvent être influencés, comme les votants du troisième âge, qui l’ont déjà été par une augmentation de la pension de vieillesse.

 

Mais ceci étant dit, on est encore à mi-mandat et tout reste à jouer. La vigilance demeure donc de mise, et tous les partis, alliance ou pas, devront continuer à labourer le terrain et à essayer de convaincre les Mauriciens, on l’espère, par des arguments solides et des candidats crédibles et sans tâche.

 

Je conclurai donc que cette probable alliance, en tant que contre-pouvoir, était nécessaire pour l’assainissement de notre démocratie. Et que à la guerre comme à la guerre, tous les moyens sont bons… ou presque.»

 

Suttyhudeo Tengur : «C’est trop tôt pour savoir si les citoyens vont se laisser convaincre...»

 

«Je dirais qu’il est encore trop tôt pour juger le partenariat que ces trois partis politiques de l’opposition envisagent de faire. Enn zour tro long dan lavi politik. Si on regarde un peu ce qui se passe sur la scène politique au niveau international, on constate que dans plusieurs pays la force démocratique se mobilise pour combattre les fléaux qui gangrènent les sociétés. Il y a par exemple l’inflation ou encore les difficultés que subissent les consommateurs. C’est un peu, je pense, dans cette optique que la nouvelle plateforme de l’opposition a été créée. C’est trop tôt pour savoir si les citoyens vont se laisser convaincre par ce que proposera cette nouvelle alliance. On ne sait d’ailleurs pas grand-chose du programme que les membres de la plateforme proposent. Ce facteur joue un grand rôle dans le processus de convaincre les électeurs.

 

Et concernant ceux et celles qui veulent du renouveau, je dirais que dans un parti politique, nou pa capav gagn 100% renouvo. Il faut au moins 30% d’anciens et 70% de jeunes. Si cela est appliqué, ce serait l’idéal mais on ne connaît pas la réalité politique et ce qu’il peut se passer dans les jours et les mois à venir. La force de ces trois partis réunis, c’est qu’ils ont déjà un pourcentage de partisans acquis. Leur faiblesse pour moi, c’est qu’ils parlent de réunification sans programme. Concernant le move de Roshi Badhain, je vais redire ce que j’ai déjà dit, il est un poids lourd. Il peut être assimilé à une force tapageuse. Pour moi, il agit plus comme un facteur qui désunit la population. Maintenant que ces trois forces se sont réunies, ça va créer un dynamisme sur l’échiquier politique.»

 

Saffiyah Edoo : «Qui croire ?»

 

«Nous sommes maintenant très familiers avec les partis politiques et leurs jeux d’alliance. Des fois, il est même choquant de voir les ennemis d’hier trouver une entente, voire un amour, entre eux par la suite. Ces alliances peuvent même parvenir à faire le gouvernement du jour doubler ses stratégies si elles présentent des menaces crédibles, comme nous commençons à le voir en ce moment… Mais en vérité, les citoyens se retrouvent toujours à choisir entre ce qu’il y a, qu’importe la capacité (ou pas) de ces candidats à nous gouverner de la meilleure façon possible.  

 

Je salue le fait que l’opposition avait pu s’unir et former un seul bloc lorsque Sherry Singh est venu de l’avant avec ses allégations en juillet. Cela a montré que quand elle le veut, l’opposition peut se rassembler. Alors, pourquoi cela ne continue pas ? Lors de la semaine écoulée, on a vu les débuts d’une nouvelle alliance se former, alors qu’on a aussi vu Bruneau Laurette quitter Linion Pep Morisien ! Cependant, je pense que pour un citoyen, le plus important n’est pas le tug of war pour le leadership mais plus le programme à long-terme que proposerait une éventuelle alliance.  Notre principale préoccupation devrait surtout être de voir comment chaque gouvernement va améliorer nos vies et le futur de nos enfants, de sorte à ce que ces derniers ne se retrouvent pas coincés dans un système qui ne sert pas le plus grand nombre mais uniquement une petite poignée de personnes, et aussi comment ceux qui nous ont gouvernés pendant des décennies vont modifier leur façon de faire et proposer des nouveautés pour s’adapter aux changements et aux défis du futur.

 

Le temps nous dira comment cette éventuelle alliance de l’opposition, et peut-être d’autres à venir, va réussir ou pas, et surtout comment les citoyens vont sortir – ou pas – de leur zone de confort, et peut-être aussi donner la chance à d’autres partis qui émergent. Mais pour le moment, qui croire lorsqu’ils viendront à notre porte, probablement pour les prochaines élections municipales, nous promettant la lune ? Something has got to give at some point, as it’s up to political parties now, for we have borne the brunt of an exhausted politicial system for long enough.»

 

Jason Soobrayen : «Tous autour d’un vrai programme de rupture...»

 

«La concrétisation apparente de cette nouvelle alliance est une bonne chose pour le pays, dans un contexte local et mondial qui requiert de l’expérience afin d’extirper Maurice de la spirale de l’endettement dans laquelle le présent gouvernement l’a propulsée. Face à cette guerre mondiale de l’inflation qui affecte le pouvoir d’achat de tout un chacun, le pays a besoin de dirigeants qui ont une force de réalisation prouvée et non de dirigeants qui n’ont qu’une force de dénonciation ou de manifestation. Stabilité, bonne gouvernance et diplomatie doivent retrouver leur place à l’hôtel du gouvernement.

 

L’opposition actuelle est principalement composée de trois catégories de partis : la vraie opposition parlementaire (PTr, PMSD, MMM), les dénonciateurs et manifestants (LPM, NFP, REA) et les anciens cuisiniers du MSM (Reform Party, Rassemblement Mauricien et S. Singh).

 

Malgré les semblants d’appels populaires permanents de renouveau ou de besoin d’une troisième force depuis ces 25 dernières années, les résultats de toutes les élections, qu’elles soient municipales ou générales, démontrent que les Mauriciens ont voté, votent et voteront encore majoritairement pour les partis parlementaires traditionnels (PTr/MSM/PMSD/MMM).

 

Dès lors, le réalisme politique doit primer sur l’utopie. Statistiquement, les résultats des élections de 2019 sont sans appel et devrait être le “case study” de la nouvelle alliance PTr/PMSD/MMM afin d’affûter ses armes pour sauver le pays :

 

1. Ensemble, le PTr/MMM/PMSD représente le plus grand pourcentage de votants.

 

2. Les gens votent en faveur ou en défaveur de celui qui est présenté comme Premier ministre et Ramgoolam a perdu par deux fois face aux Jugnauth. Jamais deux sans trois ?

 

3. Le MSM a présenté une équipe de néophytes politiques mais populaires dans leurs secteurs d’activités respectifs et cette stratégie a fonctionné massivement face à des vétérans politiques en 2019.

 

4. La communication et le bon ou mauvais choix des mots lors de la campagne électorale font ou défont une élection. L’épisode “Katori” en atteste.

 

La nouvelle alliance doit prendre tous ces éléments en considération si elle veut gagner. Il ne faut en aucun cas sous-estimer le MSM et sa mainmise sur tous les leviers du pouvoir et des organisations socio-culturelles. Il est primordial pour cette nouvelle alliance de quadriller le terrain. La politique ne se fait pas à coups de conférences de presse inutiles. Il n’y a plus de pandémie mais notre pays est malade, il faut se bouger pour le sauver. Les vétérans se doivent de devenir des sages qui guident et conseillent tout en laissant la place aux actuels seconds couteaux compétents et populaires, tous autour d’un vrai programme de rupture qui se voit et qui fait rêver à une vraie meilleure île Maurice. La rupture est voulue, mais pour l’instant, ce mot sonne toujours creux.»

 

Textes : Christophe Karghoo, Valérie Dorasawmy et Stephane Chinnapen