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1er Mai : ki la poz travayer ?

Jane Ragoo, Alain Kistnen et Jean-Yves Chavrimootoo donnent leur point de vue.

Univers impitoyable ? Le monde du travail le serait-il à l’ère du coronavirus ? Le point avec des syndicalistes. 

La Covid-19 est venue tout chambouler. Des individus, des familles, des pays mais aussi le monde du travail. Le virus a fragilisé le statut des employés de l’île. Entre les licenciements et le chômage technique qui ont mis des salariés dans le rouge, les salaires qui ont connu des coupes, le télétravail qui apporte, souvent, un stress supplémentaire et l’arrêt des activités des travailleurs manuels et des artistes (pour ne citer que ces catégories-là) pendant le lockdown, il est difficile de ne pas ressentir de l’angoisse face au quotidien et à l’avenir. Alors que la fête du Travail a été commémorée le samedi 1er mai, des syndicalistes parlent de ce nouveau paradigme.

 

Jean-Yves Chavrimootoo, négociateur syndical, le dit : «Il y a pas mal de recul.» Mais, ajoute-t-il, cela ne vient pas forcément de la loi. Depuis 2019, il y a un nouveau cadre légal, The Workers’ Rights Act, qui est «un vrai progrès» et qui a permis de limiter les dégâts concernant les pertes d’emplois : «Cette loi assure une severance allowance en cas de licenciement. Avant janvier 2020, il n'y aurait eu aucune compensation. Elle permet également d’avoir accès au Workfare Programme.» Le syndicaliste précise, néanmoins, que «ça ne veut pas dire que c’est assez».

 

Jane Ragoo, de la Confédération des Travailleurs du Secteur Privé, retient, elle aussi, cette progression au niveau de la loi qui a permis de sauvegarder de nombreux emplois. Elle évoque le passage obligé par le Redundancy Board en cas de licenciement pour les entreprises ayant plus de 15 employés. Elle ajoute à ça le minimum wage : «S’il n’y avait pas tout ça, la situation aurait été pire. Ti pou ena boukou katastrof.» Et elle rappelle les combats menés pour y arriver : «Nous avons fait la grève de la faim. Nous nous sommes battus pendant plus de 10 ans. Nous n’avons rien eu sur un plateau.»

 

Les amendements apportés à la loi 2019 – concernant, entre autres, les local leaves et les allowances – l’année dernière ont, néanmoins, fragilisé les employés qui ne sont pas syndiqués : «Mais Pravind Jugnauth a assuré qu’il rétablira tout avant la fin de son mandat. Nous veillons au grain.» Les aides gouvernementales au salaire – le Self-Employed Assistance Scheme et le Wage Assistance Scheme – ont également permis de contenir l’hémorragie : «Rezman welfare state ankor pe marse. Si le gouvernement n’avait pas pris ces mesures, il y aurait eu beaucoup de suicides, de familles dévastées. Ce qu’il donne n’est pas beaucoup, c’est sûr. Mais le minimum wage a servi comme bench mark.»

 

Mais tout n’est pas juste une question de loi. Jean-Yves Chavrimootoo avance que ce sont les employeurs qui ont rendu et rendent le monde du travail anxiogène. Le lockdown et les règlements stricts auraient permis aux patrons de «fer dominer avek bann travayer» : «Les employeurs utilisent un langage dénigrant : si ou pa aksepte fer seki ou bizin fer ou kav ale, ena dis kouma ou pe atann. Nous entendons constamment des salariés se plaindre des insultes auxquelles ils font face sur le lieu de travail.» Avec la précarisation de l’emploi, dit-il, les boss utilisent des «méthodes de terreur» : «Ils affirment connaître mieux la loi et colportent ainsi des mensonges. Ils gardent leurs employés dans un état de peur pour mieux les exploiter.»

 

Alain Kistnen, de l’Union of Bus Industry Workers Union, évoque le triste sort de certains employés : «On peut même parler d’apartheid ! Certains salariés ne peuvent faire face à une calamité comme les pluies torrentielles alors que d’autres, oui.» Il parle aussi des maçons, des peintres, des contractuels (tous ceux qui sont payés uniquement quand ils travaillent) qui n’ont certainement pas pu toucher le minimum wage ces derniers mois : «Ils ont des courses à faire, des factures à payer, pourtant…» Le syndicaliste raconte l’histoire de ceux forcés à reprendre le travail alors qu’ils n’en ont pas le droit : «Avec les patrons qui menacent de ne pas payer de salaire s’ils ne viennent pas.»

 

Malgré tout, Alan Kistnen essaie de voir plus loin pour le bien-être des travailleurs mauriciens : «La Covid-19 est venue et personne n’était préparé à ça. Il y a des loopholes dans la loi, ce qui permet à certains employeurs d’exploiter leurs salariés. Mais il faut penser à l’avenir : le gouvernement, les patrons, les syndicalistes doivent se rencontrer et trouver des solutions pour améliorer le sort des plus vulnérables.» Et ce 1er Mai aurait dû être le temps d’une réflexion menant à l’action…