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Yasdevi Teewary : «Ces inondations qui m’ont enlevé mes deux fils…»

Aujourd’hui, elle se réfugie dans les prières et dans les souvenirs heureux laissés par ses fils Karmish et Trishul.

30 mars 2013-30 mars 2016… Trois ans depuis que 11 personnes ont trouvé la mort suite à des intempéries qui avaient inondé et paralysé la capitale et plusieurs régions du pays. Celle qui avait perdu deux de ses enfants dans cette tragédie nous raconte sa douloureuse reconstruction.

Pendant quelques secondes, elle reste muette d’émotion. Ça lui fait cet effet à chaque fois qu’elle regarde des photos de ses deux fils. Dans ses yeux, une multitude de pourquoi. Des interrogations qui hantent Yasdevi Teewary, 55 ans, à chaque fois qu’elle pense à «cet horrible 30 mars»,ce samedi noir où les inondations lui ont «enlevé»ses deux fils, Karmish, 25 ans, et Trishul, 19 ans. Tous deux ont péri noyés à Port-Louis (dans un des tunnels du Caudan Waterfront), ainsi que neuf autres personnes, dans les inondations causées par les fortes averses qui s’étaient abattues sur le pays. «Je pense tous les jours à ce qui est arrivé. On ne peut pas oublier ce genre de chose»,lâche cette habitante de Mahébourg, la voix cassée, en faisant référence aux tristes inondations du 30 mars 2013. 

 

Si son monde s’est effondré à la mort tragique de ses fils, la veuve (elle a perdu son époux en 2011) s’est par la suite efforcée de remonter tant bien que mal la pente, accrochée à l’idée de «retrouver un jour»ses enfants. Au fond de son cœur, un immense chagrin subsiste. Car, depuis, un rien lui arrache des flots de larmes. Dans la maison familiale, à Mahébourg, cette maman avance et tient le coup pour l’unique enfant qu’il lui reste, Shakti, 32 ans : «Heureusement qu’il n’a pas suivi ses deux frères, sinon j’aurais perdu mes trois enfants.»Elle panse aussi son cœur en miettes grâce à la prière 

 

Depuis le drame, Yasdevi n’a plus jamais été la même : «J’ai l’impression d’avoir perdu une part de moi-même. J’évite d’aller à Port-Louis ; j’y vais uniquement pour les cérémonies rendant hommage aux victimes des inondations. À chaque fois qu’il pleut, j’ai peur. Je ne voudrais pas que d’autres familles, d’autres mamans, vivent ce que je vis.»

 

Les fêtes, comme la célébration de Holijeudi dernier, «la fête préférée de (ses) deux fils», les dates de naissance de ces derniers – le 13 mai pour Karmish et le 21 juillet pour Trishul –, ou encore les tristes anniversaires de leur mort chaque 30 mars depuis 2013, comme ce sera le cas mercredi, la replongent toujours en plein cauchemar. Il lui en faut très peu pour que le film de ce jour maudit lui revienne en tête.«Ils étaient bien, affichaient de grands sourires. Et comme Karmish jouait au foot, il s’était rendu au Caudan pour aller s’acheter des chaussures de sport, accompagné de son petit frère Trishul. Le destin a voulu que ce soit leur dernière sortie ensemble.»

 

Yasdevi tente tant bien que mal de contenir les émotions qui la submergent mais, après quelques minutes, ses larmes coulent malgré elle : «C’est toujours difficile pour des parents de perdre un enfant, mais en perdre deux d’un seul coup, c’est inimaginable.» Si Karmish, qui selon sa mère avait un grand sens de l’humour, avait pris son indépendance – il était marié et père de deux enfants –, Trishul, lui, était encore célibataire. «Il était mon baba gate, lâche Yasdevi dans un sanglot. On partageait la même chambre. C’est vous dire à quel point on était proches.»

 

Aujourd’hui, trois ans après le drame, cette mère meurtrie n’a rien déplacé dans la chambre : «J’ai gardé toutes ses affaires.»Chaque objet ou vêtement lui rappelle un événement, une petite phrase lâchée par son «petit»et aussi les moments heureux. Il y a aussi les dernières conversations qui lui reviennent souvent en tête : «Karmish voulait contracter un emprunt. Il voulait aménager une maison à l’étage chez nous, qu’il allait par la suite louer aux touristes. Il voulait aussi s’acheter une voiture.»

 

Perdue dans ses pensées par moments, Yasdevi confie aussi tenir le coup pour ses petits-enfants, les enfants de Karmish : «Kushal, 7 ans, est en Std III et Deeya, 11 ans, est en Form I. Ilssont les rayons de soleil de ma vie. Ils ne méritaient pas de perdre leur père, mais on essaie de compenser ce manque dans leur vie en leur offrant beaucoup d’amour. Quand je regarde Kushal, j’entends la voix de Karmish qui l’appelle Torres, car il était un grand fan de foot. Il ressemble beaucoup à son oncle Trishul. Avec Deeya, c’est une autre histoire. Elle est le portrait craché de son père et c’est pour moi un réconfort.»

 

Cette maman qui pleure ses fils ne cache pas qu’elle suit de très près toutes les actualités concernant les inondations du 30 mars 2013 : «Je me dis que je suis à jamais liée à toutes les familles des autres victimes. Allan Wright se bat pour nous tous et j’ai confiance en la justice. Toutes ces familles ont, comme moi, perdu des êtres chers. Je ne peux pas ne pas penser à ma sœur qui a aussi perdu son fils Keshav Ramdhary, mon neveu.»

 

Soutenant aveuglément, dit-elle, Allan Wright dans sa démarche judiciaire pour que les responsabilités du drame soient situées, Yasdevi Teewary espère de tout cœur savoir un jour ce qui s’est exactement passé. En attendant, c’est dans les souvenirs heureux laissés par ses fils qu’elle trouve refuge. Des moments qui la laissent souvent muette d’émotion.

 


 

Allan Wright : «Le temps nous donne plus de force»

 

«On avance, on n’oublie pas et on ne lâche pas prise», confie Allan Wright qui a perdu son épouse Sylvia et son fils Jeffrey, dans les intempéries du 30 mars 2013.«Le temps qui passe nous donne plus de force. Avec mon fils Jason, on a initié une affaire en Cour suprême. Nous poursuivons six institutions du gouvernement, c’est-à-dire l’État mauricien, pour situer les responsabilités dans cette affaire. Nous gardons espoir dans la justice»,dit-il. Un dépôt de gerbes est prévu la semaine prochaine à Port-Louis, en hommage à ceux qui ont perdu la vie suite à la montée des eaux.

 


 

Un long samedi d’horreur

 

 

Impossible d’oublier. Les images de ce jour fatidique sont encore présentes dans les mémoires. Ce 30 mars 2013, Maurice vivait l’une des pires journées de son histoire. En début d’après-midi, le pays est la proie de fortes averses causant d’importantes accumulations d’eau, des flash floods, dans la capitale et les régions avoisinantes. Dans l’après-midi, des nouvelles tragiques commencent à tomber, annonçant le décès de plusieurs personnes. Au final, 11 personnes ont perdu la vie dans les inondations de ce samedi noir. Sylvia Wright et son fils Jeffrey, les frères Karmish et Trishul Teewary, Keshav Ramdhary et Vikesh Khoosye ont péri noyé dans un des tunnels du Caudan. Plus tard, ce sont les corps de Vincent Lai et de Rabindranath Bhobany qui sont retrouvés dans le parking souterrain du Harbour Front. Deux autres corps sont retrouvés à Port-Louis dans la soirée, ceux de Stevenson Henriette et de Retnon Sithanen. À Canal Dayot, les inondations avaient provoqué de véritables dégâts et devant la montée des eaux dans sa maison, Christabelle Moorghen, 65 ans, avait fait un malaise et perdu la vie.