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Sybile Munbodowah : son combat pour la survie des Agaléens

Le peuple agaléen est-il appelé à disparaître ? C’est en tout cas ce que craint la vice-présidente de l’association Génération Agaléga face à l’obligation pour les Agaléennes de mettre au monde leur bébé à Maurice et le refus du gouvernement d’inscrire l’identité agaléenne sur l’acte de naissance des nouveau-nés.

Son obsession, c’est le sort des Agaléens, et quand elle en parle, elle s’enflamme. «Aucun gouvernement ne s’est réellement intéressé à la condition des Agaléens. Année après année, le problème perdure. Il est peut-être temps que les Agaléens arrêtent de voter !» s’insurge Sybile Munbodowah, vice-présidente de l’association Génération Agaléga. 

 

Si elle est si en colère, c’est que, comme tous les Agaléens, elle estime que les habitants de cette petite île rattachée à la République de Maurice sont considérés comme des citoyens de seconde catégorie. Mais ce qui la révolte par-dessus tout, c’est qu’elle a l’impression que ce peuple est appelé à disparaître.

 

Cette habitante de Cité Débarcadère, à Pointe-aux-Sables, fille d’un Agaléen, mène donc un véritable combat aux côtés des siens pour empêcher cela. «On a l’impression de se diriger vers un génocide. Dans quelques années, il n’y aura plus d’Agaléens dans l’île. Les aînés mourront et les jeunes ne seront pas reconnus en tant qu’Agaléens car il n’y aura aucune mention d’Agaléga sur leur acte de naissance», précise Sybile Munbodowah. 

 

Pour cause : aucun bébé ne naît plus dans l’île. Les Agaléennes qui se retrouvent enceintes doivent faire le déplacement à Maurice dès leur troisième mois de grossesse pour y accoucher. De plus, le gouvernement refuse de faire mention d’Agaléga sur l’acte de naissance des nouveau-nés. Le lieu de naissance est Maurice. 

 

De ce fait, souligne Sybile Munbodowah, il n’y aura officiellement plus aucun Agaléen d’ici 10 à 15 ans. «Notre peuple est-il appelé à disparaître ? Pourquoi refuse-t-on de reconnaître l’identité agaléenne ? Le gouvernement a-t-il un agenda caché par rapport à Agaléga ?» Des interrogations tout à fait légitimes. Encore plus depuis qu’un Memorandum of Understanding concernant des projets d’envergure à Agaléga a été signé entre l’Inde et Maurice en 2015. Le contenu des accords établis entre les deux pays n’a toutefois jamais été rendu public dans sa globalité.

 

Respect des droits

 

Quoi qu’il en soit, Sybile Munbodowah et les siens ne comptent pas lâcher prise. Ils insistent pour que le gouvernement prenne les mesures nécessaires afin de faire respecter les droits humains des Agaléens. Des droits qui selon la vice-présidente de l’association Génération Agaléga, sont bafoués au quotidien. Surtout dans le cas de ces femmes qui doivent quitter leur île pour venir accoucher à Maurice.

 

«Il y a un hôpital dans l’île. Mais il faut l’équiper correctement afin que les femmes enceintes puissent avoir les soins nécessaires et accoucher sur place. La grossesse n’est pas une maladie. C’est une période durant laquelle la future maman a besoin d’être entourée des gens qu’elle aime. De son mari, de ses enfants.» Hélas, déplore Sybile Munbodowah, ce n’est pas le cas : «Le gouvernement mauricien enlève la femme enceinte à sa famille durant cette période, ce qui la fragilise. Beaucoup d’entre elles n’ont d’autre choix que de laisser leurs enfants en bas âge sur place afin de terminer leur grossesse et d’accoucher loin des leurs. Cette situation est inhumaine.»

 

Il est grand temps, poursuit-elle, que le gouvernement permette à nouveau aux Agaléennes d’accoucher dans leur île. «Auparavant, les femmes pouvaient y accoucher. Et les temps étaient durs, très durs. Il y avait des sages-femmes qui faisaient les accouchements, munies d’une lampe à pétrole. Aujourd’hui, on est en 2017 et on recule. Ce n’est pas possible !» Quand elle pense à la situation, la moutarde lui monte au nez.«Dan Agaléga ena problem par pake. Dan plas met metro leze, kifer zot pa amelior lopital ek lekol dan Agalega ?» s’exclame-t-elle. 

 

Petite victoire

 

Selon Sybile Munbodowah, le prix «exorbitant» fixé pour un billet à destination d’Agaléga est aussi une stratégie du gouvernement pour décourager les Mauriciens à se rendre sur place. «Le billet est de Rs 20 000 pour un Mauricien et de Rs 8 000 pour un Agaléen ou un descendant d’Agaléen. Pourquoi le Mauricien doit-il payer le prix fort ? Est-ce pour le décourager à se rendre dans l’île afin qu’il ne découvre pas la réalité de vie sur place ?» Plus que jamais déterminée à mener son combat jusqu’au bout, Sybile Munbodowah savoure tout de même une petite victoire. 

 

«Avant, les femmes enceintes étaient obligées de travailler quelques heures par jour à l’Outer Island Departmentune fois arrivées à Maurice pour financer leurs traitements médicaux. Ce, même si leur état de santé ne le permettait pas. Au cas contraire, elles n’étaient pas payées. Mais après plusieurs discussions, la situation a changé cette année, heureusement. Celles qui ont des complications ne sont pas obligées de se rendre au travail. Et elles obtiennent quand même leur salaire.»

 

Désormais, les femmes enceintes touchent aussi une allocation de Rs 4 000 mensuellement pour le logement. Mais humainement parlant, ces mesures sont loin de suffire, estime Sybile Munbodowah. La seule solution pour elle : «Qu’on accorde aux Agaléennes la possibilité d’accoucher dans leur île.»Telle est sa revendication ainsi que celle des nombreux Agaléens qui se battent pour la survie de leur peuple.