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Josianne Cassombo : Amour, gloire et séga typique

Elle aime beaucoup s’occuper de son jardin.

Tangale, Mo mari mo ale sinema ou encore Ena dis pie… Qui ne connaît pas ces tubes d’antan qui continuent à faire danser ? C’est dans son jardin à Petite-Rivière que nous avons rencontré l’auteure de ces tubes, qui évolue aujourd’hui loin de la scène. Entre anecdotes, souvenirs et ses «kot zot mama», elle se raconte.

Elle est d’abord hésitante. «Je ne suis pas très en forme», lâche-t-elle, tout en arguant que sa voix n’est pas au beau fixe. Puis, après quelques demandes insistantes, elle décide de se prêter au jeu. Un court moment de silence. Elle ferme les yeux, relève la tête, dresse le buste. Elle est comme transformée. 

 

Aux oubliettes la gêne du début. La non-motivation cède vite la place à une petite séquence mélomane. Son visage s’éclaire, sa voix prend tout de suite la bonne tonalité. Et les premiers mots s’envolent. Résonne alors son fameux Tangale. «Zip la li de kouler, zip la li trwa kouler. Mo tangale ki ti donn mwa sa. Donn zot mama, donn zot !» Des paroles que tout le monde connaît ou presque. Un air que certains reprennent dans des fêtes ou encore dans des pique-niques. Un tube sur lequel beaucoup ont dansé. Qui ne connaît pas ce séga typique et sa célèbre chanteuse Josianne Cassombo ?

 

Quelque 34 ans (voire plus) plus tard, la chanson n’a pas pris une ride. L’entrain est le même et la faculté de la chanson à faire naître des fourmis dans les jambes également. La chanteuse aussi est restée la même. La voix n’a pas changé. L’attitude non plus. Ni les gestes. Juste quelques années de plus au compteur : «J’ai 77 ans.» Les souvenirs sont omniprésents et la nourissent toujours. Mais la mémoire lui fait défaut : «Je ne me souviens pas trop de quelle année date Tangale…»

 

En s’appuyant sur quelques documents d’archives, dont un vinyle sur lequel figurent ses premiers titres, elle remonte à l’année 1983 : «Tangaleest un mot que j’ai inventé. C’est un petit nom que je donnais à mon époux Pierre. Il était parti quelque temps à La Réunion et j’ai composé cette chanson pour raconter cette étape de notre vie.» Ses textes, elle les sortait de sa tête :«Je ne sais pas écrire, ni lire. Tous mes ségas sortent de ma tête. Ils sont dans ma tête.»

 

La misère

 

Sa dernière scène remonte à l’année dernière. Puis, elle a choisi de prendre un peu de recul : «C’est difficile depuis le décès de mon époux Pierre, mon complice de toujours.» Loin de la scène, c’est dans son jardin, dans sa cour à Petite-Rivière, qu’elle passe aujourd’hui la plupart de son temps. Elle marche péniblement, grimace et se plaint de douleurs mais oublie tout quand il s’agit de parler de séga. Dans ces instants, quand elle remonte le temps, elle se revoit en France, à Dijon ou encore à Bordeaux où, au sein d’une troupe, elle faisait danser des foules grâce à sa voix particulière, reconnaissable entre mille. 

 

Elle n'a eu de cesse de faire connaître le séga typique sous d’autres cieux. Elle qui, avant le séga, a connu «la misère» et a travaillé dans «karo kann», puis dans le tabac ou encore en soignant des animaux, entre autres petits boulots.

 

Pour Josianne Cassombo, qui a eu six enfants (trois sont décédés), chanter, c’est d’abord une histoire d’amour, se mettre à nu, «une échappatoire pour se délivrer», un moyen pour dire ses convictions, un chagrin, une peine ou «partager une expérience vécue». Comme son fameux Mo ale sinema mo mari mo voyaz dan loto : «Je me souviens très bien du jour où les paroles me sont venues. J’étais invitée à me produire dans une salle de cinéma à Flacq et c’est là que le texte m’est venu : Mo mari mo ale sinema si mo pa mor mo a retourne. Notre langue et le séga typique sont pour moi des éléments qui nous rattachent à notre histoire, à nos racines.» 

 

C’est cela Josianne Cassombo. Un petit bout de femme (elle a six petits-enfants et deux arrières-petits-enfants) qui a côtoyé Ti Frer et d’autres grands du séga, et qui a fait de sa passion un moyen de partager et propager la culture de son île. D’ailleurs, dans une vitrine qui trône dans son salon, plusieurs distinctions rendent hommage à la grande voix qu’elle est : certificat de mérite pour son apport artistique au patrimoine culturel mauricien, qui date du 20 août 2011, ou un autre datant du 27 novembre 2015 et qui lui a été décerné par le National Heritage Fund. «C’est encourageant. Je suis une fervente militante du séga typique. C’est une très bonne chose qu’il soit inscrit au Patrimoine mondial de l’UNESCO

 

Le séga, cette musique très particulière et lourde de symbole dans l’histoire du pays, a toujours fait partie de sa vie. «Autant que je me souvienne, j’ai toujours aimé danser et chanter. Je me souviens des très grandes fêtes qu’on organisait dans notre cour, ici même à Petite-Rivière où j’ai toujours vécu. On faisait ce qu’on appellait le séga sept semaines. Ce sont des expériences qui m’ont définitivement forgée.»

 

En remontant ses souvenirs, celle qui a connu son heure de gloire forte de ses nombreux succès – dont les reprises l’enchantent – ne peut s’empêcher de repenser à son père qui ne voulait pas qu’on «tap sega devan so laport», à son oncle Lois, musicien qui l’a grandement influencée, ou encore à toutes ces personnes qui ne voyaient pas d’un bon œil le fait qu’elle chante le séga. 

 

Heureuse et fière de ce qu’elle a apporté à la musique locale avec Tangale, Mo mari mo ale sinema, Ena dis pie ou encore Labourdonnais, Josianne Cassombo dit aimer ce que fait la jeune génération, avec Désiré François, Alain Ramanisum, Laura Beg, Linzy Bacbotte ou encore Nasty Black. Mais elle ne cache pas avoir une préférence pour ce séga typique qui l’a portée et qui vit toujours au fond d’elle.