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Ces Mauriciens miraculés

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De gauche à droite : Shameema qui tient dans ses bras son fils Abdulaah, son époux, Yousouf Farjan, Samir Bundhoo, Nooruddeen Allybocus et Amirah Oodiam. Ils sont tous étudiants à Islamabad.

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Javed et JIhan Meetoo avec (ci-contre) leur deux filles, Junayna et Juwayriya.

L’université où étudient quelques-uns de nos compatriotes a été le théâtre de deux attentats suicide. Certains d’entre eux se trouvaient à proximité des lieux des explosions. Ils racontent…

La mort, il l’a frôlée de près, de trop près. C’était il y a quelques jours. Depuis, Samir Khan Bundhoo, 31 ans, est «terriblement choqué». Le jeune homme et six autres étudiants mauriciens fréquentent l’université islamique située à Islamabad, au Pakistan. Là où deux kamikazes ont fait exploser des bombes, le mardi 20 octobre. Bilan de cet acte horrible, revendiqué par les talibans alliés à Al-Qaïda : sept morts – dont deux porteurs d’explosifs – et 29 blessés.

Samir qui prépare son doctorat en jurisprudence islamique, ne connaît pas personnellement les victimes. Mais il n’arrête pas de penser, qu’à quelques minutes près, il serait venu grossir la liste de ceux qui ont perdu la vie dans ces attentats suicides : «J’ai quitté ma faculté 15 minutes avant la première explosion. Mon cours avait été annulé. Le bâtiment visé était celui où sont dispensés les cours de Shariah.» C’est là qu’il devait se trouver normalement : «Je remercie Dieu. Si j’étais resté là-bas, je serais mort.»

Par la suite, le jeune homme – qui habite dans une maison située à quelques minutes de l’université – est revenu sur les lieux. Les images de l’horreur se bousculent encore dans sa tête : «Je n’ai pas dormi de la nuit. Maintenant, je vais un peu mieux. Il faut continuer à vivre. Je condamne ces actes de violence. C’est quelque chose qui va à l’encontre des enseignements du Coran», confie celui qui est au Pakistan depuis 2001.

Malgré cette douloureuse expérience, il a décidé de rester dans ce pays qui est tiraillé par des conflits depuis de nombreuses années : «Je ne veux pas perdre mon doctorat. Après toutes ces années d’effort, ce serait vraiment bête.» Nos compatriotes qui étudient dans cette terre étrangère sont nombreux à émettre la même opinion (voir hors-texte : «Rentrer au pays : une solution ? ) Mais il y a des exceptions…

«De la fumée»

Amirah Kawthur Oodiam, 22 ans, en fait partie. La jeune femme, qui prépare son BA in English à l’université islamique d’Islamabad, ne souhaite plus mettre sa vie en danger : «Si j’ai une chance de poursuivre mes études à l’université de Maurice, je le ferai.» Ce mardi noir, elle se trouvait dans sa chambre dans son hostel, qui se trouve dans l’enceinte de l’institut islamique. C’est de là qu’elle a entendu une première détonation vers 15 heures : «Cela faisait cinq minutes que j’étais rentrée.»

Puis, une deuxième a retenti quelques secondes plus tard : «C’était beaucoup plus fort.» Le second kamikaze s’est fait exploser non loin de la cantine, dans l’espace réservé aux filles : «Il y avait de la fumée. Je suis sortie sur la terrasse avec les autres étudiantes. C’est là qu’on a compris que quelque chose de grave était arrivé.»

Depuis, elle est «traumatisée», «paniquée». Pourtant, cela fait trois ans qu’elle vit à Islamabad. Et les bruits des coups de feu, des tirs de rocket… elle connaît : «Mais jamais le danger ne nous a frôlés de si près.» Qui plus est, le tremblement de terre d’une magnitude de 6,1 sur l’échelle de Richter – qui comporte neuf paliers – qui a secoué le pays le jeudi 22 octobre vient la conforter dans son souhait de quitter le Pakistan : «Je veux rentrer.»

Yousouf Farjan, autre étudiant mauricien, se trouvait, lui, à «dix minutes de marche» de la première explosion  : «J’étais à la cafétéria des garçons et je prenais un thé.» Mais, malgré le bruit assourdissant et les cris, il n’a pas cédé à la panique. L’étudiant qui prépare son Masters of Philosophy s’explique : «Je suis habitué à tout cela. Ça fait neuf ans que je vis ici.» La première pensée de ce père de famille a été pour ses camarades. «Leur est-il arrivé quelque chose ?» s’est-il demandé. Plus tard, quand les choses se sont un peu calmées, il a pris son courageà deux mains et est parti constater les dégâts : «Il y avait un cratère et toutes les vitres avaient volé en éclats… Ce sont des personnes que nous côtoyons tous les jours qui sont mortes. C’est vraiment triste.»

Son épouse, Shameema – inscrite elle aussi à l’université – se trouvait dans une école privée, où elle enseigne, au moment du drame : «Mon mari m’a appelée. J’ai eu un choc. Mais quand il m’a dit qu’il était à l’abri, j’ai pu respirer un peu.» Celle qui vient de compléter son Masters in Education est maman d’un petit Abdulaah, 4 ans, qu’elle et Youssouf élèvent au Pakistan : «Ce qui est arrivé à l’université est une exception. En général, on est en sécurité à Islamabad. Sinon on serait déjà partis.»

Plus de sécurité

C’est ce que pense également Nooruddeen Allybocus, 23 ans. Il vit dans ce pays de l’Asie depuis un peu plus d’une année et prépare actuellement une licence en langue arabe. Le jeune homme qui était «imam dans un masjid» avant de s’envoler pour le Pakistan dit ne pas craindre pour sa vie malgré le drame : «L’université a mis en place de nouvelles mesures de sécurité depuis les attentats. Nous sommes en sécurité, maintenant.»

Mardi, c’est la première fois, depuis qu’il est à Islamabad, qu’il a entendu une bombe exploser : «Je me trouvais au bureau des étudiants étrangers quand j’ai entendu un grand bruit.» Nooruddeen pense d’abord qu’il s’agit d’une machine qui recommence à fonctionner après une coupure d’électricité: «Il y en a très fréquemment ici. J’ai continué à boire mon thé.» Mais, en jetant un coup d’œil à travers une fenêtre, il réalise que quelque chose ne tourne pas rond : «Je voyais des gens courir. Je suis parti me renseigner. J’ai vite compris… Je n’ai pas eu peur. Si mon heure était arrivée, je serais mort. Ça aurait été ma destinée, c’est tout.»

Le jeune homme commence à comprendre que dans un pays comme le Pakistan, tout peut arriver : «Mais la vie continue.» Javed Meetoo, 32 ans, est d’accord avec son jeune ami. Ce père de deux filles, Junayna, 6 ans, et Juwayriya, 4 ans, vit dans ce pays depuis 10 ans : «On choisit cette destination quand on a des bourses ou parce que c’est un pays où on peut étudier la loi islamique.» Il prépare son M.Phil en Islamic Studies à l’université islamique alors que son épouse Jihan, 26 ans, y étudie la langue arabe.

Le couple était rentré chez lui depuis une trentaine de minutes avant la première explosion : «Nous venions de quitter l’université. Nous avons appris la nouvelle par texto. Nous n’étions pas choqués. Ici, ce genre de chose arrive n’importe où.» Après toutes ces années en terre pakistanaise, Javed et Jihan ont appris à vivre avec le danger : «Ce n’est pas un pays facile. Mais on prend les précautions qu’il faut. On s’habille comme eux, on parle leur langue, on est bien intégrés dans leur société… C’est impossible de savoir que nous sommes des étrangers.»

L’idée de mourir à n’importe quel moment, Javed l’a acceptée : «C’est écrit quelque part. On ne peut rien y faire.» Mais quand la grande faucheuse s’approche de trop près c’est difficile, concède-t-il, de ne pas ressentir de la peur. Comme il est souvent impossible d’oublier le bruit assourdissant d’une bombe qui explose…

Réactions des proches à Maurice

Resan Purohoo, l’oncle de Javed Meetoo : «Nous avons un principe. Dès qu’il y a un problème, Javed nous appelle pour nous rassurer. Cela fait que nous n’avons pas besoin de nous faire du mauvais sang. De toute façon, tous les jours nous parlons sur Internet à travers Skype. C’est une façon de nous rassurer. Cela dit, je pense qu’il faut que les autorités mettent en place des mesures de rapatriement d’urgence.»

Saherah Oodiam, mère de Amirah Kawthur Oodiam : «Ma fille est secouée par ce qui est arrivé. Nous aussi. Elle va rentrer dans une semaine. Elle sait que la situation ne va pas s’améliorer là-bas. Nous avons très peur pour elle.»

Idruss Allybocus, père de Nooruddeen Allybocus : «Nous étions choqués quand nous avons vu les images à la télé, mon épouse et moi. Nous avons tout de suite essayé de contacter notre fils pour savoir s’il allait bien. Nous aimerions bien qu’il rentre. Mais, il est jeune, il veut réussir… On essaye de le comprendre.»

Asia Woodally, mère de Shameema Farjan et belle-mère de Yousouf : «Quand j’ai appris la nouvelle de l’attentat-suicide, j’étais bouleversée. J’ai envie que ma fille et mon gendre reviennent. Je suis une maman, c’est normal que je ressente ça. C’est un stress quotidien de les savoir en danger. Mais je sais qu’ils n’ont pas fini leurs études. Je dois essayer de comprendre.»

Explication d’un conflit

Double attentat suicide à l’université internationale islamique d’Islamabad, le 20 octobre. Bilan : sept morts. Le 22 octobre, un général pakistanais est abattu lors d’une fusillade dans la capitale. Le 23 octobre, une série d’attentats fait 23 morts. Cette semaine a été sanglante dans ce pays de l’Asie où il existe un conflit armé entre l’armée pakistanaise et le mouvement des talibans, soutenu par Al-Qaida, depuis plusieurs années.

Mais, depuis le samedi 17 octobre, les affrontements ont repris de plus belle. C’est ce jour-là que l’armée pakistanaise a lancé une vaste offensive contre le fief des talibans, dans le Waziristan, un district tribal du Nord-Ouest. Le ministre de l’Intérieur pakistanais a expliqué cette décision en ces termes : «Nous sommes en état de guerre. Ils feront tout ce qu’ils peuvent pour déstabiliser le pays. Ces soi-disant islamistes sont des ennemis de l’islam, des ennemis du Pakistan».

Il fait ainsi référence au fait que, depuis plus de deux ans, le Pakistan subit une vague sans précédent d’attentats qui a tué près de 2 300 personnes. Les responsables de ces attaques meurtrières sont, pour la plupart, les kamikazes du mouvement des Talibans du Pakistan (TTP) qui a fait allégeance à Al-Qaïda.

Raschid Meerun : «La violence au Pakistan n’a pas d’objectifs ou d’endroits restreints, elle frappe partout»

Il vit la violence au quotidien. Le haut- commissaire mauricien à Islamabad a tenu à expliquer la situation au Pakistan dans un communiqué. Pour Raschid Meerun, «le Pakistan fait face à une situation d’insécurité sans précédent (...) La violence ici n’a pas d’objectifs ou d’endroits restreints; elle frappe partout. On a déjà vu qu’un calme relatif cachait, en vérité, un drame». Le diplomate tient à préciser qu’il comprend «les aspirations de nos étudiants à achever leurs études», mais qu’en tant que haut-commissaire, il doit «être responsable et avoir des réflexes de prévention et de réaction, en accord avec la politique de sécurité de notre pays.» Il fait également savoir que le ministère des Affaires étrangères pakistanais a fait circuler une note mettant en garde la population contre les mines antipersonnel : «Une a été utilisée, vendredi, sur une route. Un autocar a explosé faisant quinze morts.»

Rentrer au pays : une solution ?

Le ministre des Affaires étrangères a fait un appel pressant aux étudiants mauriciens et à leurs familles. Il souhaite que «les enfants rentrent au pays». Arvin Boolell l’a dit lors d’une rencontre avec les parents de ceux qui étudient au Pakistan, ce vendredi 23 octobre, à son bureau : «L’insécurité est grandissante dans ce pays. Nous demandons la collaboration de tout un chacun.»

Il a également annoncé qu’un programme d’aide financière serait mis en place à travers le ministère de la Sécurité sociale pour les parents qui n’auraient pas les moyens de faire revenir leurs enfants. De plus, un comité a été mis sur pied pour mettre en place tout un système d’accueil pour les étudiants. Car le problème il est là. Beaucoup ne veulent pas entrer car ils ont peur de ne pas pouvoir poursuivre leurs études à Maurice.

C’est le cas de nos «miraculés» – à l’exception d’Amirah Kawthur Oodlam. C’est aussi ce qu’ont fait comprendre les nombreux parents qui se sont déplacés pour la rencontre avec le ministre Arvin Boolell. D’eux d’entre eux, siègeront au comité spécial qui a été institué. Fazila Mungloo d’abord, dont le fils, Limowchi Olivier, 28 ans, étudie la médecine au Pakistan : «Il ne faut pas que nos enfants soient pénalisés et ne puissent pas avoir d’équivalence à Maurice.»

Gulhamid Beegun, président de la Pakistan-Mauritian Cooperation, dont les neveux se trouvent dans ce pays du Moyen-Orient, représentera également les parents : «Il ne faut pas mettre en péril l’avenir de notre jeunesse.» D’autre part, des parents ont interrogé le ministre sur différents points : «Ma fille est dans un environnement très sécurisé. Doit-elle forcément revenir ?» s’est demandé l’un deux. «Y a-t-il un plan de secours si un de nos enfants se trouvent en situation critique ?» s’est interrogé un autre. Arvin Boolell a promis que le comité se pencherait sur ces questions au plus vite.

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