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Les Enfants de l’Exil : Le nouveau voyage raconté d’Alain Gordon-Gentil

Après sa série de documentaires Venus d’ailleurs, le cinéaste et écrivain a décidé de parler de ceux d’ici qui sont partis voir ailleurs. Tout un programme avec ce documentaire projeté dans nos salles à partir du 9 novembre. Entre-temps, Alain Gordon-Gentil nous donne plus de détails sur sa nouvelle production.

Qu’est-ce qui vous a motivé à parler des Mauriciens d’ailleurs ? 

 

C’était pour moi comme m’inscrire dans la continuité de la série de documentaires que j’ai réalisée entre 2006 et 2010. Ceux-ci étaient consacrés à l’histoire du peuplement de Maurice et s’intitulaient Venus d’ailleurs. J’ai ainsi refait le voyage des hommes et des femmes qui ont peuplé notre pays. Avec une petite équipe, nous sommes partis en France, en Inde, en Afrique, à Madagascar et en Chine. 

 

Les Enfants de l’Exil,c’est la suite logique de notre histoire. Nous sommes venus de partout et nous repartons. Nous sommes des voyageurs, nous sommes, je crois, des nomades dans l’âme. Ce film, je veux vraiment le préciser parce que cela me semble important, ne juge pas, il raconte, tout simplement. Il n’a pas pour but de dire si ceux qui sont partis ou ceux qui sont restés avaient raison ou tort. Le choix de son destin est une décision d’une grande intimité. 

 

J’ai voulu raconter l’histoire de ces femmes et de ces hommes qui ont choisi de vivre loin de leur terre natale. Dire leurs joies, leurs douleurs et parfois leur nostalgie. À travers notre diaspora, c’est nous que nous regardons. Nous les regardons, ils nous regardent aussi. Et les deux points de vue sont différents mais néanmoins féconds. Nous apprenons à voir notre pays avec d’autres yeux en échangeant avec eux. C’est la même chose pour eux. 

 

Quelquefois, des phrases s’échappent. L’un d’eux, qui a particulièrement réussi sur le plan financier en Angleterre, me dit en parlant de son histoire : «J’ai perdu 40 ans de ma vie ici.» En fait, il voulait dire : «J’ai passé 40 ans de ma vie ici.»

 

Pensez-vous qu’en 2017, les Mauriciens pensent toujours à quitter leur pays ? 

 

Oui, les Mauriciens pensent toujours à partir. Bien sûr, nous ne sommes plus dans les années 60, 70 ou 80. Les raisons ne sont plus les mêmes aujourd’hui. Il y a moins de douleur, de déchirement dans les départs. Il s’agit de départs économiques ou professionnels. Et puis, les nouvelles technologies ont changé les conditions de vie et le sens même de l’éloignement. Aujourd’hui, la distance est effacée avec Skype, WhatsApp ou le téléphone. 

 

Les départs ne sont plus ces petites morts qu’ils étaient. Le monde est devenu plus petit, on va d’un lieu à un autre avec moins de déchirement. On s’attache moins. Il faut se remettre en tête ce qu’étaient les départs dans les années 60/70. Ceux qui partaient avaient, pour la plupart, le sentiment que leur pays ne voulait plus d’eux. Certains, qui avaient été contre l’indépendance, imaginaient le pire pour l’avenir du pays et de leurs enfants. Et souvent, ce n’est pas de gaieté de cœur qu’ils sont partis en laissant derrière parents, amis et tant de souvenirs. 

 

Et il n’est pas question de leur donner tort ou raison. Chacun fait ce qu’il veut de sa vie, trace les chemins de son existence comme bon lui semble. Il ne faut pas oublier que, dans les années 90, en parlant des Mauriciens de l’étranger, le Premier ministre d’alors, sir Anerood Jugnauth, les qualifiait de «traîtres».

 

Est-ce une bonne chose en soi ? 

 

On ne peut pas se gargariser de la mondialisation, répéter que le monde est un village global et en même temps s’étonner que nos jeunes veuillent aller voir ailleurs. Ça me fait toujours sourire quand j’entends, tous les ans, le ministre de l’Éducation dire de manière emphatique à nos lauréats comment il est important pour eux de rentrer au pays après leurs études. 

 

Alors que tous les gouvernements affirment qu’il faut que l’économie s’ouvre au monde et que les échanges inter-pays deviennent plus naturels, on demande en même temps aux jeunes de revenir. Nous feignons tous de ne pas le voir, surtout les pouvoirs politiques, la mondialisation a changé au plus profond le sens du mot patriotisme. Et ce mot aura de moins en moins de sens. Au fur et à mesure que nous imaginons la terre comme un seul pays, notre pays se dilue et nous cause de moins en moins d’émotions. 

 

Ceux qui ont quitté Maurice il y a 30 ou 40 ans vivent une relation beaucoup plus charnelle, beaucoup plus forte avec Maurice que ceux qui sont partis depuis l’an 2000 et qui, eux, vivent avec Maurice une relation plus distanciée, plus raisonnée. C’est en tout cas ce que j’ai pu observer en les rencontrant.

 

Le film sera-t-il projeté dans d’autres pays de la diaspora ? 

 

Si nous sommes invités, nous irons avec plaisir. C’est vrai que le jouer dans les pays de la diaspora aurait un sens symbolique très fort. De toutes les manières, le film sortira en DVD vers la fin de l’année afin de donner l’occasion à nos compatriotes de le voir.

 

D’autres projets du même genre, ou autre, après ce documentaire ?

 

Je travaille sur l’écriture d’un documentaire de 52 minutes sur Mahatma Gandhi. L’année prochaine, cela fera 70 ans que Gandhi a été assassiné et ce documentaire aura une approche disons originale dans le sens où, à part le Mahatma lui-même et son héritage, le film fait un portrait de Naturam Godse, celui qui l’a assassiné… C’est un documentaire qui sera destiné aux télévisions européennes, comme celui que j’ai réalisé sur Jacques Brel en 2014.