• Parité en politique : des voix pour inspirer le changement
  • Milys.créations : quand Emily transforme vos idées en souvenirs inoubliables
  • Il s’était introduit chez une dame âgée en pleine nuit : un voleur maîtrisé par des habitants à Camp-Levieux
  • Étoile d’Espérance : 26 ans d’engagement, de combat et d’espoir
  • Arrêté après l’agression d’un taximan : Iscoty Cledy Malbrook avoue cinq autres cas de vol
  • Golf : un tournoi caritatif au MGC
  • Le groupe PLL : il était une fois un tube nommé… «Maya L’Abeille»
  • Nilesh Mangrabala, 16 ans, septième victime de l’incendie du kanwar à Arsenal - Un rescapé : «Se enn insidan ki pou toultan grave dan nou leker»
  • Hippisme – Ouverture de la grande piste : les Sewdyal font bonne impression
  • Sept kendokas en formation à la Réunion

Valérie, symbole de la lutte contre le cancer, s’en est allée

Son fils Cédric, son moteur qui l’a aidée à tenir le coup.

Pendant trois ans et demi, elle a lutté, vaillamment contre une tumeur maligne qui ne cessait de gagner du terrain. Elle ne luttait pas seulement pour elle mais pour tous les autres malades du cancer dont elle se faisait le porte-parole à chaque fois qu’elle le pouvait. Mercredi, Valérie Sénèque s’en est allée, non sans avoir d’abord enregistré un message d’amour à l’intention de tous ceux qui l’ont épaulée dans son combat. Son courage ne l’a jamais abandonnée.

Combattante, elle l’a été jusqu’au bout. Bien que rongée par un cancer, Valérie Sénèque a regardé la maladie dans les yeux jusqu’à son dernier souffle. Tout comme elle l’a fait au long des trois années durant lesquelles elle s’est battue de toutes ses forces, sans jamais s’essouffler, sans jamais se plaindre, sans jamais abandonner.

 

 

Et quelques heures avant de fermer les yeux à tout jamais, le mercredi 3 décembre, à 43 ans, cette enseignante au collège Lorette de Curepipe (LCC) – où elle a travaillé pendant 12 ans –, a voulu enregistrer un dernier message sur un dictaphone à l’intention de tous ceux qui ont été à ses côtés jusqu’à la fin. «Merci à ceux qui sont venus prier avec moi, chez moi (…) Merci du fond du cœur», dit-elle notamment dans cet enregistrement où elle fait ses adieux à son entourage, qui l’a vue livrer, jour après jour, une bataille acharnée contre le cancer (voir hors-texte).

 

«Jusqu’à son dernier souffle, Valérie a pensé aux autres. Avant de nous quitter, pendant les dernières heures de sa vie, comme si elle avait senti l’appel de son créateur, elle a pris le temps d’enregistrer ses remerciements pour tous ceux qu’elle aime», confie sa sœur Nadine Filipe.

 

Cette dernière n’oubliera jamais comment tout a commencé, comment ce cauchemar a bouleversé à tout jamais la vie de sa sœur : «C’est à 40 ans qu’elle a découvert qu’elle avait un cancer qui s’était propagé aux os. Cette découverte a marqué un tournant majeur dans sa vie, et depuis trois ans et demi, elle se battait corps et âme pour Cédric (âgé aujourd’hui de 10 ans), son fils, sa bataille.»

 

Un moral d’acier

 

Loin de se laisser abattre, Valérie décide de faire de sa maladie une force, donnant beaucoup d’elle-même en s’investissant dans plusieurs causes, pour que le cancer ne soit plus un tabou, pour que le dépistage devienne un réflexe et pour que tous les patients reçoivent leur traitement dans de bonnes conditions. Elle devient vite une référence et sort même un CD intitulé Kanser, un cri d’espoir et un message d’amour pour les malades. Sa bataille, elle en fait part régulièrement sur sa page Facebook, qui devient la vitrine de son combat.

 

«De chimiothérapie en radiothérapie et traitement alternatif, de Maurice à La Réunion et l’Afrique du Sud, Valérie gardait son moral d’acier pour combattre le mal qui la rongeait. Elle soutenait d’autres malades qu’elle côtoyait sur les lits d’hôpitaux et se forgeait de nouvelles amitiés – comme Mélissa Arcante, décédée en février 2013, à l’âge de 28 ans. Elle s’insurgeait contre notre système hospitalier qui a perdu son sens de l’humanité, publiait des articles et soulevait la conscience populaire sur le cas du jeune Scott Sophie atteint d’un cancer, qui avait un besoin urgent de soutien financier pour aller en Inde se faire opérer. Scott ne survivra pas, mais l’effort de Valérie permettra à sa famille d’avoir une maison et de vivre dans des conditions plus humaines», souligne Nadine Filipe.

 

Bien que Valérie ait tout fait pour que sa maladie ne prenne pas le dessus, elle devait apprendre en juillet 2014, pendant un traitement en Afrique du Sud, que le cancer avait atteint son cerveau. «Elle est alors rentrée à Maurice en septembre pour retrouver son fils et sa famille. Valérie a pourtant continué à puiser sa force et son courage dans ses amis, ses élèves, les pensées et les prières de tous ceux qui l’aiment», poursuit Nadine qui dit avoir constaté, au fil des années, à quel point sa sœur s’était «inscrite dans la vie de tous ceux qui l’ont connue». Notamment celle de ses élèves. «C’était une femme dynamique, charismatique, généreuse et passionnée par son métier, ayant su développer un complicité avec ses élèves, elle a exercé sa profession tout en élevant seule son fils.»

 

Celles qui l’ont eu comme enseignante gardent d’elle l’image d’une femme forte, courageuse, qui n’avait peur de rien. Comme en témoigne Adèle Lavinia Ithier, élève du LCC, dans un cri du cœur à Valérie : «Je ne parlerai jamais de toi au passé parce que tu restes toujours présente dans mon cœur. Tu fais partie de ces rares personnes qui ont su toucher mon âme et je suis à jamais reconnaissante d’avoir eu cette chance fabuleuse de te connaître. Je retiens de toi ta force inébranlable dans la souffrance, l’injustice et la maladie. Je m’accroche à ton sourire qui donne de l’espoir et surtout, Val, je garde toutes les valeurs que tu nous as transmises, nous les “tifis LCC”. Tu as vu en chacune de nous du potentiel et tu nous as appris à croire dans nos rêves sans jamais abandonner. Tout me revient : ta capacité à nous faire réfléchir sur tellement de sujets pour nous faire devenir des jeunes femmes meilleures, ton amour pour chacune d’entre nous même avec nos différences.»

 

Beaucoup se souviennent aussi de ses nombreux engagements, notamment dans le WIN Women Leadership Programme (WLP). «Nous garderons de Valérie l’image d’une grande dame, avec un cœur immense, un “Kung Fu Panda Warrior”. Elle a été une inspiration pour ses élèves, ses collègues et tous ceux qui ont cheminé un moment avec elle. Elle a été présidente de notre WIN WLP Club mais elle a été freinée dans ses projets par le début de sa maladie. Nous avons tous été impressionnés par son courage  et sa détermination à se battre contre la maladie mais surtout à en parler sans tabou», souligne Bruneau Woomed, WLP National Coordinator.  

 

Valérie laisse une vive empreinte dans la vie de tous ceux qui ont eu l’occasion de la côtoyer. Aujourd’hui, la grande battante n’est plus, mais pour Nadine, sa sœur, et pour tous ses proches, amis, élèves, collègues et autres connaissances, elle sera toujours présente. Car vivre dans le cœur de ceux qu’on laisse derrière soi, ce n’est pas mourir…

 

 


 

«Ma famille, c’est mon roc», nous disait-elle dans une récente interview.

 

 

 

Ses derniers mots…

 

Nous retranscrivons ci-dessous le dernier message que Valérie Sénèque a adressé à tous ses proches. Elle désirait vraiment remercier ceux et celles qui ont cru en elle.

«Merci à la grande famille du LCC qui a su toujours m’entourer, que ce soit les collègues, les élèves… Je vous dis mille mercis LCC.  Je vous aime tous et continuez à prier pour les gens malades, ça fait énormément de bien. Toute la chaîne de prière qu’il y a eu autour de moi, la chaîne de levée de fonds, Caroline Gérard qui a fait venir les médicaments, merci Caro. Les gens qui ne me connaissent même pas qui ont prié pour moi, matin, midi, soir, merci du fond du cœur. Merci à ceux qui sont venus prier avec moi, chez moi. Merci au révérend James qui passait tous les lundis pour me donner la communion et prier avec moi. Merci à Kerty de Green Cross. Mes remerciements aussi au Dr Gregé à La Réunion, qui a été très efficace, merci beaucoup. Merci Clive et Vera pour les trois mois que j’ai passés là-bas… je les remercie tous les deux pour l’accueil, l’hospitalité que j’ai eue et toutes les démarches, merci. Merci au Dr Cheromoney qui sort de l’ordinaire, elle sort du lot. Docteur, ne changez pas, restez ainsi avec toute votre chaleur humaine, c’est un soutien extraordinaire pour les patients… contrairement aux autres médecins… il n’y a personne comme vous. Merci pour ce que vous avez fait pour moi. Merci à Julianna qui m’a apporté tellement de soutien dans ma maladie… Jul, tu es irremplaçable, irremplaçable. Merci à Alexa et tante Stel, vous avez été d’un soutien extraordinaire aussi. Merci à Richard pour tout ce qu’il m’a apporté… je te remercie du fond du cœur. Merci à Dorine, mon amie, ma deuxième maman, qui s’est occupée de moi… Do, tu as fait tellement pour moi… il n’y a pas de mots pour ton amitié… tu as été extraordinaire. Les autres membres de la famille, Nad et Helder, Fred et Jo, Cam et Jeff, Cédric, vous faites beaucoup, beaucoup, beaucoup pour moi. Pap et mam, ce que vous avez fait pour moi, c’est extraordinaire… je vous remercie du fond du cœur pour tout ce que vous faites pour moi…»

La famille tient aussi à remercier Hubert, l’ami de Valérie, qui lui a fait cadeau du dictaphone.

 


 

Ses funérailles, samedi après-midi, ont réuni tous ceux et celles qui ont été témoins de sa lutte acharnée contre la maladie.

 

 

Au revoir Val

 

Dans les regards, la même tristesse. Dans les cœurs, un déchirement. Car tous ceux qui étaient réunis, hier après-midi, autour du cercueil de Valérie Sénèque avaient en commun la souffrance d’avoir perdu un «être précieux».

 

Les premiers affectés, parmi les nombreuses personnes qui s’étaient déplacées en l’église anglicane Christ Church à Mahébourg : Doris et Pierre, les parents de Valérie que beaucoup appelaient affectueusement Val, mais aussi ses sœurs Nadine et Camille, son frère Frédéric et, surtout, son fils Cédric. «Maman, je n’ai pas pu te dire je t’aime pour la dernière fois, mais je sais que tu me vois, que tu m’entends. Je suis heureux que t’es avec Jésus car tu ne souffres plus», a lu l’une des proches de la défunte, à l’église, au nom du petit garçon.

 

Les témoignages et autres anecdotes en cette occasion ont tous souligné la belle personnalité de celle qui est partie en véritable guerrière. «J’ai eu tellement de chance d’avoir grandi avec toi», a témoigné Nadine alors que Camille n’a pas manqué de souligner à quel point Val était exceptionnelle : «Je t’adore pour tout ce que tu es, tout ce que tu fais.» Pour leur frère Frédéric, qui a écrit un poème en hommage à sa sœur, «la vie de Val  est source d’inspiration». C’est aussi le cas pour ses collègues du collège Lorette de Curepipe, mais aussi pour tous ses élèves qui, en réadaptant Fam exampler de Linzy Bacbotte-Raya ont voulu faire un clin d’œil à la grande dame qu’elle était et lui dire au revoir en musique.

 

«Nous allons nous souvenir de la beauté de sa vie», a déclaré Mgr Ian Ernest évêque du Diocèse de Maurice, dans son homélie qui a salué le parcours d’une femme, d’une mère, d’une sœur, d’une amie, d’une combattante… «Une inspiration, une force, un chemin à suivre…»

 


 

 

 

Elle nous avait dit…

 

Valérie Sénèque répondait toujours présente lorsqu’il fallait parler de son combat et de la nécessité de briser le tabou autour du cancer. Dans notre édition spéciale, l’année dernière, elle résumait son année 2013 : «(…) Les deux mois passés à La Réunion avec Cédric, mon fils, et mon compagnon. Pour moi, même si les traitements étaient très lourds, ce temps passé 24h/24 ensemble nous a permis de nous rapprocher et de solidifier les liens. Nos amis et ma famille de La Réunion nous ont gâtés et j’étais heureuse de faire découvrir l’île sœur, l’île de mes années d’études tertiaires, à Cédric et à mon compagnon. Évidemment, il y a eu aussi l’aventure de ma chanson Kanser avec mon ami Zulu, les amis de Mélanie Arcante, Skizofan et les musiciens. Mes sœurs Camille et Nadine ont réalisé la magnifique pochette. Jamais, je n’aurais cru que j’enregistrerais une chanson un jour !»

 

■  Sur sa maladie, elle disait : «Depuis l’apparition du cancer dans ma vie, j’en vois toute sa beauté et sa fragilité. Je mise donc sur les gens positifs, je chéris les relations vraies…»

 

■ Sur son besoin d’en parler sur Facebook : «C’est une forme de thérapie pour moi et il y a aussi de nombreuses personnes qui se retrouvent en moi : malades, parents et amis de malades.»

 

■ Son message aux malades : «J’aimerais dire à tous ceux atteints du cancer d’en parler à leurs proches, de ne pas s’enfermer dans la spirale infernale du silence car la guérison se trouve en grande partie dans le mental.»

 

■ Sur sa lutte : «Il faudrait que toutes les femmes sachent pratiquer l’autopalpation et le fassent régulièrement chez elles. C’est un petit geste qui peut sauver une vie. Je lance un appel urgent aux autorités pour qu’elles misent davantage sur la recherche afin de trouver de nouvelles thérapies. Il faudrait aussi réformer le département de cancérologie à l’hôpital pour que la dignité des malades soit enfin respectée …»