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Succession père-fils : SAJ fait trembler la planète politique

SAJ et son fils Pravind lors de leur dernière sortie au Hua Lien dans le cadre des célébrations de la fête du Printemps, événement organisé par l’Association des Sociétés chinoises.

Après des mois de tergiversations, de clans au sein du MSM, de crises papa-piti, rendant la gestion du pays compliquée, le Premier ministre a décidé de se retirer…

20 heures pile. Sir Anerood Jugnauth prend la parole et va chambouler le paysage politique mauricien, en ce samedi 21 janvier. Un séisme attendu après bien des spéculations autour du départ du bonom qui annonçait, il y a quelques mois, ne pas pouvoir finir son mandat. Il ne sera plus Premier ministre, confie-t-il. Le lundi 24 janvier, jour où il soumettra sa démission à la présidente de la République, Ameenah Gurib-Fakim, c’est une page de son histoire politique qui se tournera. Comme c’était attendu et annoncé, c’est Pravind Jugnauth qui prendra le relai en tant que chef du gouvernement et constituera son cabinet dans les jours à venir (une tâche qui s’annonce délicate pour accommoder toutes les demandes et les attentes).

 

SAJ fait une allocution qui dure un peu moins de 20 minutes en ce samedi soir (voir plus bas). Il parle de son bilan, de sa démission en tant que Premier ministre mais parle peu de son avenir : sera-t-il le numéro 3 et mentor minister du gouvernement mené par son fils ? Pour l’instant, si les rumeurs l’affirment, SAJ, lui, parle plutôt de servir le pays au sein du gouvernement «dan enn lot kapasite». Et alors que les Mauriciens découvrent son message préenregistré, lui est au Hua Lien dans le cadre des célébrations pour la fête du Printemps.

 

Plus tôt, en cette journée de samedi, la rumeur avait enflé, avait pris de l’espace et s’était étendu dans toutes les conversations : la réalisation du deal papa-piti (comme le nomme l’opposition), avec le passage de pouvoir de sir Anerood Jugnauth à son fils Pravind deviendrait une réalité dans quelques heures. D’ailleurs, nombreux sont ceux qui voyaient dans l’annulation des missions des ministres à l’étranger, un signe que les choses allaient s’accélérer.

 

Déjà, en cette fin de semaine, les partis de l’opposition avaient fait part de leur hostilité à cette succession, demandant que Pravind Jugnauth accède au poste de Premier ministre suite à des élections générales et qualifiant cette passation de pouvoir de viol de la démocratie. D’une seule voix, semble-t-il, mais à différents moments, le MMM, le PMSD et le PTr avaient menacé d’une démission en bloc de leurs députés si cela s’avérait nécessaire.

 

En attendant de voir si cette option prendra forme dans la réalité ou pas, nous avons fait réagir politiciens, un observateur politique et des citoyens sur la décision de SAJ.

 

Ce qu’il a dit

 

Le discours de sir Anerood Jugnauth a commencé comme à son habitude. En parlant de la trahison de Paul Bérenger, lui demandant de quitter son poste à la présidence de la République afin de «sauver le pays». La suite, vous la connaissez mais le Premier ministre sortant a décidé de vous le rappeler ! Il a aussi parlé des déboires de l’ancien régime, rappelant comment son gouvernement et lui (il ne parle pas d’alliance, néanmoins) ont réussi à sauver le pays. Il avait trois missions en tant que Premier ministre, dit-il : nettoyer et assainir le pays, le reconstruire avec un nouveau sous-bassement, relancer l’économie et apporter des opportunités pour tous. Il les a réussies, estime-t-il. Et il est temps pour lui de partir… du poste de Premier ministre. 

 

Désormais, l’avenir s’annonce brillant (avec, entre autres choses, de l’eau 24/7 avant la fin du mandat du gouvernement en 2019 et la relance économique) aux côtés de Pravind Jugnauth à qui il lègue un «bagage politique fort». Il lui souhaite «bonne chance» et dit placer toute sa confiance en son fils qui a «de la maturité et un leadership fort» et qui marquera l’histoire à sa façon. SAJ a aussi demandé à la population de soutenir son fils et le gouvernement qu’il formera. Et a rappelé qu’il a vécu «des moments forts auprès de la population», qu’il a servi avec passion son pays et qu’il a mené de nombreux combats pour lui. Il n’a pas fini de se battre, a-t-il ajouté.  

 

Au Hua Lien. Quelques minutes avant que son message pré-enregistré ne soit diffusé à la télévision et sur les radios, sir Anerood Jugnauth s’exprimait à une fonction dans le cadre de la fête du Printemps : «La fin d’une aventure, c’est le début d’une autre. Personnellement, j’ai eu une longue journée en tant que député et j’ai servi mon pays avec passion depuis 1963. C’est le début d’une nouvelle journée pour moi aujourd’hui (NdlR : le samedi 21 janvier) (…).» Après la diffusion de son allocution, le Premier ministre sortant s’est dit très heureux de cette passation. 

 


 

Pravind Jugnauth, futur Premier ministre : «C’est une grande responsabilité qui m’attend»

 

«Je suis très honoré. À l’avenir, c’est une grande responsabilité qui m’attend mais, pour le moment, laissons les institutions et les procédures suivre leur cours. Sir Anerood Jugnauth a annoncé sa démission officiellement mais désormais c’est au président de la République d’agir. Nous sommes très respectueux des institutions et nous allons les laisser faire leur travail. Nous agirons en temps et lieu. Pour le moment, nous ne sommes pas encore nommés. Le moment venu nous allons dire ce que nous avons à dire.» 

 


 

Mon mot à dire

 

Nelvin Cushmagee, étudiant en sciences politiques  : «C’était prévisible»

 

«D’après la Constitution, ce que fait SAJ est légal. Et visiblement, selon ses dires, c’était prévisible depuis qu’il est retourné dans l’arène politique. La population lui a fait confiance. Moi, le seul regret que j’ai en tant que jeune, c’est que je n’ai pas voté pour Pravind Jugnauth comme Premier ministre. C’est pour SAJ que je l’ai fait. Au final, est-ce que les opposants de l’alliance Lepep en 2014 avait raison : sir Anerood s’est-il engagé uniquement pour son fils ? Alors, dans un sens, c’est une atteinte à la démocratie, le vote a été un peu bafoué. Mais je le dis sans juger Pravind Jugnauth, nous ne savons pas encore de quoi il est capable.»

 

Guillaume Chan, entrepreneur  : «Totalement illégitime»

 

«Pour moi, ce n’est pas une surprise. Il est à bout de force. Tout le monde savait qu’il allait partir tôt ou tard, il ne nous manquait que la date de son départ. Ce que je ne comprends pas par contre, c’est la passation de pouvoir entre père et fils au poste de Premier ministre (PM). A mon avis, c’est totalement illégitime. Les gens n’ont pas voté pour Pravind Jugnauth en tant que PM. Il faut de nouvelles élections générales mais a-t-on vraiment notre mot à dire ? Je me le demande.

 

Ravi Kowlessur, entrepreneur : «Donnons-lui sa chance»

 

Sir Anerood Jugnauth, vu son âge, est de plus en plus fragile. Je pense qu’il a pris la bonne décision en se retirant. Je suis content que Pravind Jugnauth prenne le relais même si je suis conscient qu’un Premier ministre doit être choisi par le peuple, ce qui n’est pas le cas ici. Néanmoins, il est le leader du parti majoritaire, il est jeune et dynamique. Donnons-lui sa chance. 

 

Aadil Jhumka, travailleur social : «Out la politique revencharde ?»

 

«Vu l’âge avancé de SAJ, c’était déjà tout vu qu’il passe la main à son fils. Maintenant, j’espère que Pravind Jugnauth ne continuera pas la politique revancharde de l’Alliance Lepep. Qu’il se concentre sur la relance économique, sur la création d’emplois et vienne en aide aux marchands ambulants.»

 

Sooraj Lalljee, Phoenix, employé à son compte : «Pourquoi Pravind et pas Soodhun ?» 

 

«Je suis tout à fait d’accord avec la décision de SAJ d’abandonner son poste de PM, car sa santé ne le permet plus de remplir ses fonctions à 100 %. Mais il trahit le peuple en plaçant son fils à la tête du pays, vu que cela ne figurait pas à leur agenda lors des dernières élections générales. Pourquoi nommer Pravind et pas Showkutally Soodhun ? Parce que Pravind est son fils ? Le peuple ne peut accepter cela. Si Pravind veut devenir PM, qu’il soit élu par le peuple lors d’une élection générale.»

 

Jess Baptiste, Moka, employé à son compte : «Le deal papa-piti est une aberration»

 

«Je ne connais pas grand-chose en politique. Mais ce deal papa-piti n’est à mon avis pas une bonne chose. Que ce soit pour le peuple ou pour la démocratie. J’espère que l’opposition fera bloc et qu’on se dirigera bientôt vers des élections générales. Car cette décision n’appartient pas à SAJ mais au peuple mauricien.»

 

Shafick Osman, géopoliticien: «Le chantier est énorme pour Pravind Jugnauth»

 

«Ouf, suis-je tenté de dire car les spéculations ont trop duré, depuis septembre dernier quand le Premier ministre avait évoqué, pour la première fois, son départ avant la fin de la législature. Cela dit, on attendra beaucoup du premier gouvernement de Pravind Jugnauth car le chantier est énorme et les défis, nombreux. Mais attendons voir la composition du nouveau gouvernement qui devrait durer jusqu’aux prochaines législatives de 2019.» 

 


 

Réactions politiques

 

Patrick Assirvaden du PTr : «Le poste de PM n’est pas un héritage familial»

 

«Lors de sa déclaration, sir Anerood Jugnauth nous donnait l’impression que nous vivons dans une monarchie. Dans son discours, il dit lui-même qu’il laisse un héritage. Le poste de PM n’est pas un héritage familial. Ce n’est pas un poste qu’il peut donner comme ça à son fils. C’est comme si un roi donnait son trône à son fils, le prince. Or, nous vivons dans une démocratie. SAJ a été élu en 2014 pour diriger le pays pendant 5 ans. Le peuple avait confiance en lui et l’a voté comme Premier ministre, pas comme ministre mentor. S’il ne peut pas diriger, il doit faire appel à des élections générales pour que la population puisse choisir. »

 

Guito Lepoigneur du PMSD : «Tout doit être fait dans l’intérêt du peuple»

 

«Je m’attendais à un tel dénouement. D’ailleurs ce n’était un secret pour personne que SAJ allait passer le flambeau à son fils. Il devait partir de toute évidence car ses responsabilités étaient devenues un fardeau pour lui à cause de son âge avancé et de sa santé précaire. Quoi qu’il en soit, tout doit être fait dans l’intérêt du peuple pour qu’il en sorte gagnant. Je souhaite aussi bon courage au futur Premier ministre.»

 

Ashok Subron de Rezistans ek Alternativ : «SAJ doit démissionner»

 

«Pour que Pravind Jugnauth accède au poste de Premier ministre, SAJ doit démissionner en tant que député de l’Assemblée nationale selon la Constitution. Ce poste devient ‘‘vacant’’ uniquement si le Premier ministre décède, démissionne comme député ou perd son siège. D’ailleurs, en 2003, SAJ avait démissionné comme député afin que Paul Bérenger le remplace au poste de Premier ministre.» 

 

Alan Ganoo, président du Mouvement Patriotique  : «Ce n’est pas moral»

 

«Le Mouvement Patriotique s’est déjà prononcé sur cet éventuel cas de figure qui est aujourd’hui une réalité avec l’annonce officielle de sir Anerood Jugnauth. Même si c’est constitutionnellement permis, ce n’est absolument pas moral. Pravind Jugnauth n’a jamais été plébiscité pour devenir le Premier ministre de ce pays. Nous ne comprenons pas pourquoi ils ont voulu accélérer les choses et agir avec tant d’empressement sans même prendre en compte le sentiment de la population. »

 

Ajay Gunness, secrétaire général du MMM : «C’est pitoyable»

 

«Sir Anerood Jugnauth me fait plus pitié qu’autre chose. C’est vraiment pitoyable ce qui s’est passé aujourd’hui. C’est du hijacking politics. Ce qu’on a vu à la télé, c’est un monarque qui vient transférer son trône à son garçon dans un pays connu pour sa démocratie. Nous ne sommes absolument pas d’accord. C’est une escroquerie envers la population car ce cas de figure n’a pas du tout été mentionné pendant la campagne électorale.»

 

Eddy Boissezon du Muvman liberater : «Plein de succès au futur PM»

 

«Un Premier ministre prend sa retraite et c’est triste. Au ML, nous ne considérons pas que c’est un père qui passe le flambeau à son fils mais plutôt un Premier ministre qui soumet sa démission. Ce sera à la présidente de la République de nommer le prochain PM qui formera par la suite son cabinet. Comme le veut la Constitution, c’est la personne qui commande “the majority in the house” qui doit devenir PM et dans le cas actuel, ce sera Pravind Jugnauth. Je souhaite plein de succès au futur Premier ministre, tous les Mauriciens devraient faire de même.»

 

Textes : Yvonne Stephen-Lavictoire, Amy Kamanah-Murday, Christophe Karghoo, Jean Marie Gangaram et Laura Samoisy