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Scandale sexuel dans le sport mauricien : Les langues se délient

La lanceuse mauricienne de javelot a fait éclater une bombe en accusant un haut dirigeant sportif d’attouchements sexuels, en plein milieu des Jeux du Commonwealth. Un cas rarissime mais qui ne sous-entend pas que cette pratique n’est pas courante dans le sport mauricien.

L’envers du décor. Le sport est peut-être un terrain propice aux abus sexuels où les victimes ont la crainte de voir leur rêve se briser. Elles préfèrent garder le silence en intériorisant leurs souffrances. La nature humaine veut que celle-ci ait ses forces et ses faiblesses. Les affinités dans cet univers sont légion et souvent des couples se créent. Mais il y a certains qui succombent à des tentations en laissant balader leurs mains. Un geste qui peut être interprété comme un attouchement ou harcèlement sexuel.

 

Alors que les sportifs mauriciens se préparaient à participer aux Jeux du Commonwealth en Australie (4 au 15 avril), l’attention de la nation a été plutôt braquée sur une affaire de mœurs, une affaire d’attouchements sexuels alléguée à l'égard de la lanceuse de javelot Jessika Rosun, qui participe à cette compétition et qui aurait été commise par Kaysee Teeroovengadum, chef de mission de l’équipe mauricienne lors de ce grand rendez-vous sportif.

 

C’est la première fois que le sport mauricien est touché par un tel scandale, même si, sur la scène internationale, plusieurs cas ont été recensés (voir plus loin). Cela ne veut pas dire que cela n’existe pas dans ce milieu.

 

L’attention est focalisée sur le succès mais on passe à côté de ce qui se passe derrière les rideaux. Justement, il semble que les attouchements et harcèlements sexuels demeurent un sujet tabou tant à Maurice qu’à l’étranger.

 

Plusieurs interlocuteurs, avec qui nous avons discuté du sujet, nous affirment qu’ils ne connaissent aucun autre cas de dérapage sexuel. A force d’insister, quelques-uns d’entre eux lâchent qu’il se pourrait que d’autres sportifs mauriciens aient pu passer de sales quarts d’heures même si aucun cas n’a été rapporté officiellement. Valeur du jour, il n’existe aucun chiffre ou cas rapporté à Maurice, avant celui de Jessika Rosun. Le sujet reste tabou, même à l’étranger.

 

«Oui, ça existe, mais les athlètes ont peur de venir de l’avant pour dénoncer leurs agresseurs, qui se trouvent être des personnes qui gravitent dans le même giron et qui ont une influence décisionnelle sur la suite de leur carrière. Peur aussi des représailles, de perdre sa place dans une équipe ou la sélection, ou de gâcher une opportunité de voyager, d’être perturbés psychologiquement, ou encore d’être lynchés par l’opinion publique au point où la victime devient la coupable. Bref, c’est la loi du silence», explique un dirigeant sportif, qui requiert l’anonymat.

 

Pratique courante

 

Jessika Rosun, qui a représenté les couleurs mauriciennes dans plusieurs grands rendez-vous internationaux, devait lancer un véritable pavé dans la mare en montrant du doigt Kaysee Teeroovengadum, et en l’accusant d’attouchements sexuels. Ce dernier n’est pas un grand inconnu dans la communauté sportive pour avoir été président de l'Association mauricienne de volley-ball (AMVB) et actuellement le secrétaire général du puissant Comité olympique mauricien (COM). 

 

L’affaire éclate en début de semaine (voir la chronologie) et se répand comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux, la presse locale et internationale. Les faits remontent à vendredi, selon la plainte logée par Jessika Rosun. Elle allègue que l'incident s'est produit peu après que l'équipe a emménagé  dans le Village des jeux à Gold Coast, en Australie. Ce qui donne une indication que des tentatives de cover-up ont bel et bien eu lieu et ce n’est pas un hasard que certains responsables de la délégation ont joué les abonnés absents la semaine dernière lorsque nous recherchions des informations auprès d’eux en Australie.

 

L’omerta n’a pas fonctionné dans ce cas précis alors qu’elle l’a été dans d’autres cas. Si Jessika Rosun a osé dénoncer un acte indécent, d’autres ont préféré se taire. C’est ainsi qu’on parle à voix basse d’un autre scandale de harcèlement qu’aurait subi une sportive mauricienne par un dirigeant sportif, réputé plus pour ses frasques que pour ses réalisations. La jeune femme voulait se concentrer sur sa carrière mais accuse le coup. Il a fallu l’intervention de ses proches et quelques contacts bien placés dans la force policière pour que le dirigeant calme ses ardeurs pour ensuite prendre ses distances. L’affaire n’est pas ébruitée.

 

Il n’y a pas seulement les sportifs qui ne sont pas à l’abri de tels actes. Nous sommes en présence du témoignage d’une mère célibataire qui nous raconte comment l’entraîneur d’une discipline collective qui a occupé des responsabilités importantes avec la sélection, lui aurait fait des avances. «Mon enfant adore le sport qu’il pratique et je l’ai inscrit dans une structure qui favorise la formation afin qu’il puisse progresser. Au début tout se passait très bien et l’entraîneur avait un comportement très professionnel. Ensuite, il a commencé à devenir amical envers moi et je croyais que c’était normal pour un entraîneur jusqu’au jour il commençait à me complimenter, m’envoyer des messages pour finalement me faire des avances», raconte notre interlocutrice.

 

Le harceleur ne concédait pas la défaite facilement. «Il ne semblait pas digérer ce refus et commençait avoir un comportement agressif envers mon enfant pendant les entraînements en lui criant dessus. J’ai préféré tranquillement inscrire mon enfant dans une structure car je ne voulais pas qu’il soit perturbé par quelque chose chose dont il n’est pas en âge de comprendre», relate cette mère de famille très perturbe par cet épisode.

 

Comme elle, combien de personnes préfèrent se murer dans le silence en cherchant une porte de sortie ? Et pour combien de temps encore ? L’heure n’est-t-elle pas venue pour que le cas de Jessika Rosun ne soit pas un cas isolé ? A vous de jouer, amis sportifs.

 


 

Les politiques s’en mêlent

 

De l’eau au moulin pour les partis de l’opposition. Le ministère de la Jeunesse et des Sports et le Comité olympique mauricien (COM) en ont pris pour leur grade. Hier matin, le MMM et le PMSD, ont commenté cette affaire tout en saluant le courage de Jessika Rosun. Paul Bérenger a ainsi estimé que la sportive doit pouvoir « bénéficier de l’appui nécessaire et surtout financier » dans sa quête de justice. Le leader du MMM a vertement dénoncé le rôle du COM et de la personne incriminée « kin fer Moris gagn honter ». « Pas impossible qu’il ait eu d’autres cas d’agression sexuelle dans le sport ». Voilà ce que pense Aurore Perraud, député du PMSD, lors d’une conférence de presse animée hier, où l’affaire Jessika Rosun a été abordée. La politicienne salue le courage de la sportive d’avoir dénoncé le comportement de Kaysee Teeroovengadum, et fustige «la légèreté» avec laquelle le ministère de la Jeunesse et Sport et Comité olympique mauricien (COM) a tenté de gérer ce scandale. Signalons que la ministre de l’Égalité du genre, Roubina Jadoo-Jaunbocus, a annoncé durant la semaine être disposée à offrir un soutien psychologique à l’athlète mauricien. Elle affirme avoir pris contact avec la principale concernée dès l’éclatement de ce scandale.

 


 

Bataille légale engagée | Me Mooroongapillay (avocat de Jessika Rosun) : «Ce n’est pas un coup monté»

 

Combattre jusqu’au bout. Dans cette affaire de mœurs, Jessika Rosun a retenu les services de l’avocat Rouben Mooroongapillay. Celui-ci salue d’emblée le courage de la jeune femme d’être venue de l’avant pour dénoncer cette affaire, car il y a beaucoup de femmes qui souffrent de ce genre de situation mais qui préfèrent garder le silence L’homme de loi se dit satisfait de l’enquête menée par les autorités australiennes qui a débouché sur inculpation de Kaysee Teeroovengadum pour « sexual offence ». Il dit que sa cliente se porte beaucoup mieux depuis que l’ex-chef de mission de la délégation mauricienne ne réside plus dans le village des Jeux.

 

« Elle a vécu un traumatisme, elle s’est sentie coincée de toutes parts.  Elle a senti que ces personnes ont traité cette affaire à la légère. Aujourd’hui elle se sent plus soulagée après que la personne concernée a quitté le village et que des actions ont été entamées», déclare notre interlocuteur.

 

Ce dernier balaie, d’un revers de main, les allégations d’un coup monté. «Si c’est le cas alors je ne pense pas que la personne pointée du doigt aurait dit que "si c’est intentionnellement ou pas je présente mes excuses’"», fait remarquer l’homme de loi en soutenant que sa cliente n’aurait pas pris le risque de consigner une déposition a la police tout en sachant qu’elle-même elle peut avoir des problèmes. Il précise aussi que des témoins ont entendu ce qui s’est passé et que la police australienne s’est basée sur certains éléments d’information avant d’inculper Kaysee Teeroovengadum.

 

L’homme de loi trouve cependant anormal que le Comité olympique mauricien (COM) a accordé la permission à une personne contre qui il y a des allégations de demeurer au Village des Jeux dans un premier temps. «Tout cela montre qu’il faut revoir la façon de fonctionner de cette organisation. Il faut qu’une enquête approfondie soit menée car il y a une personne qui fait la pluie et le beau temps au détriment des athlètes, ce qui n’est pas juste. Je pense que si une enquête est faite, des gens vont venir de l’avant pour dénoncer beaucoup de choses», évoque ce dernier.

 

Kaysee Teeroovengadum, qui a quitté l’Australie samedi pour Maurice, devra se présenter devant la justice australienne, le 17 avril. Rouben Mooroongapillay espère que l’ex-secrétaire général du COM fera preuve de bonne foi en affrontant la justice.

 

$100 qui font débat

 

Une polémique en pleine tempête. Décidément les Jeux du Commonwealth 2018 font couler beaucoup d’encre dans le camp mauricien. Alors que nos représentants avaient été privés initialement de leur per diem, voilà que le COM a décidé de sortir le chéquier pour offrir $100 à chaque sportif mauricien. Cela s’est passé à l’occasion de la fête de Pâques, comme le souligne le COM dans un communiqué de presse, en guise de «Easter token». Une démarche qui survient au premier jour de l’éclatement de l’affaire Rosun/Teeroovengadum, et qui se prête à toutes sortes d’interprétation.

 


 

La presse internationale s’emballe

 

Le sexe fait vendre et encore plus lorsqu’il s’agit d’un scandale. Si l’affaire Jessika Rosun interpelle les Mauriciens, cela a été répercuté dans la presse étrangère. Outre les médias australiens, d’autant que les faits se sont produits sur leur territoire à l’occasion d’une compétition internationale où les yeux du monde sont braqués sur eux, la BBC, Reuters, Daily Mail, ou encore Hindustan Times ont rapporté cette affaire.

 


 

Les proches : « Stressés »

 

Ils suivent les évènements de loin mais avec leur cœur. Les proches de l’athlète, tout comme elle aussi, préfèrent ne pas commenter l’affaire mais s’ils sont stressés. «Nous ne sommes pas exactement ce qui s’est produit là-bas et on préfère écouter la version de Jessika devant nous. Nous sommes en contact pour l’aider à garder le moral et à l’encourager dans sa compétition. Ce n’est pas facile, et cela nous stresse», explique un membre de la famille.

 


 

Chronologie

 

Lundi

 

La presse mauricienne révèle au grand jour une affaire d’allégation d’attouchements sexuels sur la lanceuse de javelot Jessika Rosun. Kaysee Teeroovengadum, chef de mission de la délégation mauricienne, aurait commis des gestes indécents envers la jeune femme. Au sein de la délégation mauricienne c’est le couvre-feu, personne ne souhaite en parler. Arrivé à Gold Coast le matin, le ministre Stephan Toussaint demande à l’athlète de rester concentrée sur sa compétition et déclare «au retour de la délégation nous verrons la situation».

 

Mardi

 

Le Comité Olympique Maurice (COM) convoque une réunion d’urgence en présence du ministre des Sports, Stephan Toussaint. Kaysee Teeroovengadum et Jessika Rosun sont entendus tour à tour. A la suite de cette rencontre, le chef de mission  passe la main à Richard Papie, mais le COM l’autorise à rester au village des Jeux. Un peu plus tard, la spécialiste du javelot, Jessika Rosun, a porté plainte contre Kaysee Teeroovengadum pour harcèlement et attouchements sexuels. Elle s’est rendue au Queensland Police Service, en Australie. Elle a retenu les services de Me Rouben Mooroongapillay.

 

Mercredi

 

L’ancien chef de mission a décidé de quitter le village des Jeux du Commonwealth, à quelques heures de la cérémonie d’ouverture. Il séjourne dans un hôtel non loin, car il lui a été demandé de ne pas quitter le sol australien pour les besoins de l’enquête. Durant ces deux derniers jours, la police australienne a convoqué des sportifs et des dirigeants, dont le président du COM, le nouveau chef de mission du Club Maurice, Louise Brunette, responsable de la délégation d’athlétisme et Corinne Remilah (qui est la représentante de l’athlétisme au sein du COM) afin d’obtenir leur version des faits.

 

Vendredi

 

L’enquête policière bouclée, Kaysee Teeroovengadum est inculpé suite aux allégations pour harcèlement et attouchements sexuels portées contre lui  par la lanceuse Jessika Rosun. Il est arrêté et conduit au poste de Police pour être de nouveau interrogé avant d’être autorisé à regagner son  hôtel. Il devra se présenter le 17 avril devant le Southport Magistrates Court.

 

Samedi

 

Kaysee Teeroovengadum est rentré au pays hier après-midi en suivant les conseils du COM «due to his state of health». Cette haute instance du sport mauricien a émis un communiqué hier en début d’après-midi pour annoncer que le principal concerné a été prié de démissionner comme secrétaire général de cette instance. Le COM annonce que Kaysee Teeroovengadum a accepté cette décision et retournera en Australie pour sa comparution devant la justice australienne, le 17 avril.

 


 

Aux Etats-Unis : 175 ans de prison pour un médecin

 

Plus de 140 gymnastes ont été victimes d’un médecin ayant travaillé pendant plus de trente ans à la fédération américaine et cela est considéré comme le plus important scandale d’agressions sexuelles dans l’histoire du sport. Le principal accusé, Larry Nassar, est le médecin-ostéopathe qui soignait depuis trente ans des gymnastes américaines à la clinique sportive de l’université du Michigan et au sein de la fédération américaine de gymnastique. Nassar était une figure connue dans les délégations olympiques américaines, ayant participé aux quatre derniers Jeux olympiques.

 

Il s’est livré pendant toutes ces années, à des attouchements et à des agressions sexuelles sur des jeunes filles, en prétextant des massages pour soigner des blessures au dos ou aux hanches. Déjà condamné à soixante ans de prison pour détention de matériel pédopornographique, il a plaidé coupable de dix chefs d’inculpation d’agressions sexuelles et a été condamné à un maximum de 175 ans de prison.

 

En France : Deux entraîneurs dans de beaux draps

 

L’affaire est toute chaude. La Fédération Française d'Athlétisme vient de se porter partie civile dans deux dossiers. Pascal Machat et Giscard Samba, deux entraîneurs en athlétisme, sont visés par des plaintes d'athlètes pour des faits de violences sexuelles. L'un d'entre eux est accusé d'avoir violé l'une des deux plaignantes en janvier 2017.

 

Pascal Machat est un entraîneur national accusé d'agressions sexuelles par Emma Oudiou, une spécialiste des courses de demi-fond âgée de seulement 21 ans. Elle a été de nombreuses fois sélectionnée en Equipe de France et a informé la Fédération Française d'Athlétisme de son intention de déposer plainte contre l'entraîneur dès le mois de janvier dernier.

 

Giscard Samba, entraîneur d'athlétisme de renom de l'US Créteil, est accuse pour «viol, agression sexuelle et harcèlement sexuel». Les faits dont elle accuse son ancien entraîneur se seraient déroulés entre «avril et juillet 2016».

 

Textes : Rehade Jhuboo et Qadeer Hoybun