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Quand les accidents continuent à briser des familles

Cinq nouvelles victimes sur nos routes

Trop, c’est trop. Des accidents ont encore fait des victimes cette semaine, dont trois membres d’une même famille. Depuis le début de l’année, les drames routiers s’enchaînent, laissant dans leur sillage des familles brisées, un pays choqué. Il y a eu pas moins de 82 morts depuis janvier, dont 14 en juillet seulement, soit 10 morts de plus que l’année dernière à la même période. Alors que les autorités prennent des mesures pour limiter le nombre de décès sur les routes, les proches des cinq victimes de cette semaine, dont Mitranee Utchapah qui a perdu ses deux fils et sa bru, et d’autres personnes impliquées dans des accidents fatals dans le passé, témoignent.

Mitranee qui a perdu ses fils et sa bru : «Ils étaient toute ma vie»

 

La quinquagénaire ne sait pas comment continuer à vivre sans ses fils Rishiraj et Raveeraj et sa belle-fille Preeti.

 

Rien n’est plus dévastateur dans la vie d’un parent que la mort de son enfant. Quel que soit son âge ou la cause de sa mort, ce bouleversement violent du cycle de la vie est injuste car il ne s’inscrit pas dans l’ordre naturel des choses. Le rêve de chaque parent est, au contraire, de voir grandir son enfant, de le voir s’épanouir, réaliser ses projets. Mais la vie étant parfois très cruelle, certains parents n’échappent pas à cette dure réalité. Comme Mitranee Utchapah qui a perdu d’un coup ses deux uniques enfants, Rishiraj, 37 ans, et Raveeraj, 33 ans, dans un tragique accident de la route à Piton, vers 23 heures, le samedi 18 juillet. Sa belle-fille Preeti, 27 ans, mariée à Rishiraj, a également péri lors du drame.

 

Ils étaient à bord d’une voiture conduite par Raveeraj lorsqu’ils ont été heurtés de plein fouet par un 4x4 au volant duquel se trouvait un ressortissant belge. Raveeraj est mort sur le coup alors que Rishiraj est décédé dans l’ambulance qui l’emmenait à l’hôpital. Preeti, elle, a rendu l’âme aux petites heures du matin. Quant au Belge, il aurait quitté les lieux du drame après l’impact avant d’être arrêté quelques heures plus tard. Il a été soumis à un alcotest qui s’est révélé négatif et présenté le lendemain en cour sous une charge provisoire d’homicide involontaire. Il n’a pas obtenu la liberté conditionnelle mais a été admis sous surveillance policière dans une clinique après avoir fait un malaise. Dans sa déposition à la police, il déclare que la voiture a soudainement débouché devant lui et qu’il n’a pu éviter la collision. Son épouse a également été blessée dans l’accident.

 

Depuis cette tragédie, Mitranee Utchapah, 55 ans, vit un cauchemar éveillé. Déjà veuve, elle n’avait plus que ses deux fils et sa belle-fille qui vivaient d’ailleurs avec elle. Avec leur départ, elle a tout perdu. «Mes fils et ma belle-fille étaient toute ma vie. Ils ne méritaient pas de connaître une telle fin. Ils avaient plein de projets. Mon fils Rishiraj rêvait de devenir papa. Alors que Raveeraj voulait se marier et fonder une famille», pleure cette mère meurtrie, entourée de ses nombreux proches.

 

Son domicile, à Pont Praslin, n’est plus que tristesse. Une terrible douleur broie le cœur de Mitranee quand elle pense à quel point cette maison respirait la joie avant. «On était tous très unis. Et mes deux fils étaient très proches l’un de l’autre. Comment vais-je vivre sans eux dans cette grande maison ? Plus rien n’a d’importance maintenant», lâche-t-elle, les larmes ruisselant sur son visage. Dans un coin du salon, les photos des trois disparus sont exposées sur une table basse. Dessus, Raveeraj, membre du Groupe d’intervention de la police mauricienne, arbore fièrement son uniforme de la Special Mobile Force. Alors que son frère Rishiraj et son épouse Preeti, tendrement enlacés, respirent le bonheur.

 

S’accrocher aux souvenirs

 

Ce soir-là, les trois rentraient de Petit-Raffray, où ils avaient passé la soirée chez leur cousin Rakesh Bhageerutty, quand le drame s’est produit. Ce dernier, la voix brisée par le chagrin raconte : «On se rencontrait au moins une fois par semaine. C’était devenu comme un rituel depuis que j’ai épousé leur cousine en juillet 2014. Raveeraj et Rishiraj étaient comme mes frères. Ce jour-là, ils étaient venus m’aider, car je venais d’acheter quelques meubles. On a passé un excellent moment ensemble. En début de soirée, nous sommes allés à Grand-Baie alors que mon épouse et celle de Rishiraj sont restées à la maison pour préparer le dîner.»

 

Après le dîner, alors que les Utchapah avaient décidé au préalable de passer la nuit chez Rakesh, Preeti aurait changé d’avis, préférant rentrer à son domicile à Pont Praslin. «Le lendemain, on avait prévu d’aller à l’île-aux-Cerfs. Comme Preeti voulait rentrer, mes cousins avaient décidé de passer nous prendre à la maison le lendemain matin, ma femme et moi, pour aller dans l’Est», souligne Rakesh. Mais peu après, il devait apprendre la terrible nouvelle. «Plus d’une heure après leur départ, je n’avais toujours pas reçu de SMS ou d’appel de leur part pour me dire qu’ils étaient rentrés sains et saufs. Ma femme m’en a également fait la remarque et quelques minutes après, un proche m’a appelé pour m’informer de l’accident. On ne savait pas alors qu’ils étaient décédés. Nous avons appris la triste nouvelle à travers un deuxième appel.»

 

Complètement anéanti par ce drame, Rakesh Bhageeruty essaie de s’accrocher aux meilleurs souvenirs laissés par Rishiraj, Raveeraj et Preeti. «Raveeraj était un policier exemplaire. Il était également moniteur de natation au sein de la SMF. Il y a un mois, il était à l’île de la Réunion pour une formation. Il allait fêter ses 34 ans le 31 juillet, et à cette occasion, il avait prévu de faire une surprise à sa mère. Il allait lui présenter la fille qu’il voulait épouser et fixer la date des fiançailles. Il était très populaire dans sa localité, toujours prêt à aider.» De son côté, Rishiraj travaillait comme chauffeur au sein de la compagnie Salim Motors. Son vœu le plus cher était de devenir papa.

 

Le jeune homme et son épouse Preeti, originaire de Mont Goût, vivaient un mariage heureux depuis environ six ans et respiraient le bonheur. Ce n’est pas Ashvin Poteemah, le frère de Preeti, qui dira le contraire. Terriblement bouleversé par la mort de sa sœur, il n’arrive toujours pas à croire que cette dernière n’est plus de ce monde.

 

Troisième d’une fratrie de quatre enfants, Preeti était, dit-il, une amoureuse de la vie. «Nous étions très proches. Elle se faisait un devoir de nous rendre visite au moins une fois par semaine. Elle a étudié jusqu’au School Certificate au collège Universal. Puis elle a travaillé à l’usine et comme salesgirl, entre autres. Même si son mariage avait été arrangé, elle était très heureuse aux côtés de son époux et rêvait de devenir maman», souligne Ashvin Poteemah. Depuis cette tragédie, confie-t-il, ses proches, sa mère Mala, ses deux autres sœurs et lui-même, ont perdu la joie de vivre.

 

Car perdre un membre de sa famille laisse un vide inimaginable. Et quand cela se passe dans des circonstances tragiques, cette épreuve est encore plus dure à surmonter. Pour les proches de Rishiraj, Raveeraj et Preeti, chaque jour sera désormais un combat contre un immense chagrin qui a fait de leur vie un cauchemar.

 

 


 

82 morts depuis le début de l’année, dont 14 en juillet

 

La situation est alarmante. En juillet seulement, 14 personnes ont trouvé la mort sur nos routes. Et depuis le début de l’année, il y a eu 82 victimes (pour 74 accidents) dans des accidents fatals alors qu’à la même époque en 2014, il y en avait 72 (pour 68 accidents). Une hausse assez conséquente. Les chiffres concernant les contraventions sont également en hausse. Au 30 juin, la police avait distribué 12 387 contraventions pour excès de vitesse et 82 782 pour d’autres délits routiers, dont 1 151 pour conduite en état d’ivresse. 

 


 

 

Satya Prakash Coomiah ne verra pas grandir ses deux enfants

 

Il laisse derrière lui son épouse, ses fils de deux ans et demi et un an et d’autres proches dévastés.

 

Il n’avait que 24 ans, mais avait déjà une vie bien remplie. Marié et père de deux jeunes garçons de deux ans et demi et un an, Satya Prakash Coomiah était un homme heureux qui avait plein de projets. Mais il ne pourra plus les réaliser, car il a péri dans un violent accident de la route à Chemin-Grenier. Il était au volant d’une voiture, qui avait à son bord quatre autres personnes, lorsqu’il aurait perdu le contrôle de celle-ci. Le véhicule a heurté un arbre en bordure de route, avant de se retrouver sens dessus dessous. 

 

Le décès de Satya Prakash Coomiah a été constaté peu après par le personnel du SAMU sur les lieux de l’accident. Blessés, les autres occupants de la voiture ont été admis à l’hôpital. Leur état de santé est jugé stable. La police a ouvert une enquête pour déterminer les causes exactes de cet accident.

 

À Chemin-Grenier, au domicile de Satya Prakash Coomiah, le temps s’est arrêté net. Depuis que la triste nouvelle est tombée, des proches y défilent pour témoigner leur sympathie à la famille. Maya Coomiah ne cesse de pleurer son fils. «J’avais deux enfants, un fils et une fille. Maintenant, j’ai perdu l’un d’entre eux. C’est tellement dur. Prakash était mon bras droit. C’est lui qui veillait sur moi et sur son père depuis que ce dernier est devenu handicapé», sanglote-t-elle. Chaque matin, raconte-t-elle, son fils et elle sortaient ensemble pour se rendre au travail à la Vallée des Couleurs, à Chamouny.

 

«Lui était guide touristique et moi femme de ménage. Il avait décroché cet emploi depuis l’année dernière et avait trouvé la stabilité sur le plan professionnel», explique Maya avec une immense tristesse dans la voix. Le jour du drame, raconte sa mère, il se rendait chez quelqu’un dans le but de négocier l’achat d’une voiture. «Son rêve était d’avoir sa propre voiture afin de véhiculer sa famille. Car avec deux petits enfants, c’était un peu difficile pour sa petite famille de sortir par le transport
en commun.»

 

Le 27 juillet, Satya Prakash aurait fêté son troisième anniversaire de mariage. Son plus grand projet : voir grandir ses deux garçons et leur offrir le meilleur dans la vie. Hélas, un terrible accident a rendu ces derniers orphelins de père et fait de son épouse une jeune veuve qui devra élever seule ses deux enfants.

 


 

 

Bilall Baukar s’écrase contre un mur et meurt trois jours après

 

Il y a 20 ans, il avait échappé à la mort lors d’un terrible accident. «Mais une de ses jambes s’était fracturée en trois endroits, ce qui avait d’ailleurs nécessité la pose de vis», se souvient son père Nazmeen Baukar. Mais cette fois, Bilall, 34 ans, n’est pas ressorti vivant de l’accident de la route dont il a été victime le samedi 18 juillet 2015. Il était à moto dans les environs de Vallée-des-Prêtres quand il aurait perdu le contrôle de son deux-roues qui a terminé sa course contre un mur.

 

Transporté d’urgence à l’hôpital SSRN à Pamplemousses, Bilall Baukar est resté entre la vie et la mort pendant trois jours. Mais malgré les soins qui lui ont été prodigués, cet habitant de Plaine-Verte a rendu l’âme le mardi 21 juillet aux alentours de 11h30. L’autopsie a attribué le décès à une fracture du crâne.

 

Ce célibataire se rendait chez des proches à Sainte-Croix pour fêter Eid lorsque le malheur l’a frappé. «J’ai quatre fils ; Bilall était le cadet. Depuis son premier accident, il y a 20 ans, il ne jouissait pas d’une bonne santé. Il faisait des petits boulots pour gagner sa vie», confie sa mère Nazmeen, la voix nouée de chagrin.

 

Bilall est resté plongé dans le coma depuis son accident mais Nazmeen avait espoir que son fils allait s’en sortir. Hélas. «Toute la famille a prié pour qu’il se remette de son accident. Mais personne ne peut aller contre la volonté d’Allah.» La victime, qui aurait fêté son 35e anniversaire le 30 juillet, laisse un vide immense derrière elle.

 


 

Le ministre Nando Bodha sur la sécurité routière : «C’est une urgence nationale»

 

 

La hausse dans les accidents fatals fait réagir les autorités. Lors d’une conférence de presse, le vendredi 24 juillet, pour annoncer les nouvelles mesures en matière de sécurité routière, le ministre des Infrastructures publiques et du transport en commun, Nando Bodha, a qualifié la situation d’«urgence nationale». «Le mois de juillet a été particulièrement tragique sur les routes. Une victime de plus est une victime de trop», a-t-il déclaré.

 

Pour faire diminuer le nombre de victimes sur nos routes, un plan d’action a été adopté, calqué sur l’approche du système sécuritaire recommandé par les Nations unies. Pour ce faire, quatre axes prioritaires ont été définies : l’amélioration de la sécurité des véhicules et des infrastructures routières ; la sensibilisation, la prévention et la formation ; la protection des catégories les plus vulnérables des usagers de la route, dont les motocyclistes, et la lutte contre les violations graves de la circulation.

 

Pour l’immédiat, plusieurs changements entreront en vigueur à partir de ce lundi 27 juillet. À commencer par les amendements faits à la Road Traffic Act. La nouvelle législation prévoit, entre autres, l’abolition du permis à points et l’introduction d’un nouveau système de pénalité pour certaines infractions routières, l’imposition d’une amende de Rs 1 000 pour tout excès de la limite de vitesse ne dépassant pas 15 km/h ; Rs 1 500 pour tout excès de la limite de vitesse par plus de 15 km/h, mais moins de 25 km/h ; Rs 2 500 pour tout excès de la limite de vitesse par plus de 25 km/h.

 

La présence policière sera aussi augmentée avec la création de la Traffic Enforcement Squad. «On va augmenter la présence policière sur les autoroutes et les routes principales. Quarante motards seront ainsi postés dans des endroits stratégiques de l’île et veilleront à ce que chaque automobiliste et usager respecte la loi. Ils pourront verbaliser un automobiliste en cas de nécessité et appliquer la loi là où il le faut», assure le ministre Nando Bodha. Plusieurs membres de la force policière feront aussi le déplacement à La Réunion afin de suivre une formation sur la sécurité routière. Une fois de retour à Maurice, ils auront pour mission de former leurs collègues. «Une unité d’environ 30 policiers sera ensuite formée et rejoindra la Traffic Enforcement Squad.»

 

Des négociations sont également en cours avec un spécialiste de la sécurité routière réunionnais. «Si tout se passe comme prévu, il sera chez nous pour une durée d’une année. Ensemble, nous allons venir avec des plans d’action pour mieux assurer la sécurité routière qui passe aussi par une bonne éducation. C’est pour cela que nous allons lancer à mi-septembre une campagne autour de ce thème», explique le ministre.

 

En attendant que les speed cameras soient de nouveau opérationnelles début septembre, six radars mobiles seront utilisés afin de contrôler la limitation de vitesse dans des endroits stratégiques. «Les régions de Grand-Baie et de Flic-en-Flac seront sous surveillance accrue durant le week-end.» Aussi, une commission nationale sur la sécurité routière, placée sous la houlette du Premier ministre, en collaboration avec les autres ministères, sera-t-elle bientôt une réalité. Sa mission sera de fixer des objectifs nationaux et de déterminer les politiques et priorités concernant les projets et les programmes de sécurité routière ; examiner les performances par rapport à plusieurs indicateurs prédéfinis au niveau national ; assurer la coordination et la coopération entre les ministères publics, les autorités locales et autres organismes gouvernementaux engagés dans des programmes de sécurité routière ; faire des recommandations et donner des directives aux ministères, et évaluer les activités des services publics concernés par la sécurité routière.

 

Nando Bodha annonce également la mise sur pied d’une Lead Agency qui assurera le suivi de la stratégie à adopter en termes de sécurité routière nationale. Cette agence sera aussi dotée d’un «observatoire de la sécurité routière» qui aura pour tâche de compiler et d’analyser les statistiques concernant les accidents de la route.