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Metro Express : Les contestataires au front

Pour Jayen Chellum, ce projet est un leurre.

Ils ne comptent pas se taire. Face à ce que le gouvernement décrit comme «le plus gros projet national», des syndicalistes et des membres de la société civile se dressent contre le Metro Express, un projet qu’ils estiment dangereux.

Le doute pour certains. La crainte pour d’autres. Loin de passer comme une lettre à la poste, le souhait du gouvernement de faire de Maurice un pays moderne avec la mise sur les rails du Metro Express rencontre une résistance grandissante. Alors que le Premier ministre Pravind Jugnauth a officiellement présenté son projet, le lundi 31 juillet, balayant les polémiques autour du Metro Express à coups de chiffres et d’attaques contre ses détracteurs, les contestataires ne sont toujours pas convaincus par les explications fournies jusqu’ici. 

 

Ne pas reculer. Jayen Chellum et les autres membres de la Plateforme Anti-Metro (PAM) y comptent bien. Voilà des mois que ce regroupement de diverses organisations syndicales mène une campagne constante contre le projet de Metro Express. Malgré l’exercice de communication de Pravind Jugnauth et de Nando Bodha, ministre du Transport, le flou, disent-ils, persiste. Ils tenaient un rassemblement devant l’hôtel du gouvernementau moment mêmeoù le gouvernement mauricien allouait le contrat à la compagnie indienne Larsen and Toubro. Une décision qui n’a pas plu à l’autre compagnie qui était en lice, Afcons Infrastructure. 

 

Dans une lettre, l’entreprise reproche au gouvernement mauricien d’avoir préféré le prix à la qualité. Pour sa part, PAM lancera bientôt une pétition. Une manière, estime Jayen Chellum, de donner la possibilité aux Mauriciens de s’exprimer. «C’est donner la voix à ceux qui n’en ont pas. Bien que le contrat ait déjà été signé, les Mauriciens ont le droit de s’exprimer. Ce projet est un gigantesque leurre. Le gouvernement est en train de nous embêter.» 

 

Pour le secrétaire général de l’Association des consommateurs de l’île Maurice (ACIM), le Metro Express est dès le départ voué à l’échec. En cause, dit-il, l’absence d’une politique nationale de transport et une vision à long terme pour contrer le dilemme de la congestion routière. Remettant en question les chiffres avancés par le gouvernement, la projection financière du projet et la vitesse à laquelle devrait rouler l’engin, Jayen Chellum estime que trop d’incohérences entourent encore ce projet. «Aucune étude n’a été faite sur une autre alternative qui est le Bus Wayet qui coûte beaucoup moins. Ce serait un avantage majeur et un service moderne qui desservirait la zone urbaine et rurale.»

 

«Hypothèses», «faussetés», «mensonges».Lorsqu’il s’agit du Metro Express et de ses anciens collègues, Roshi Bhadain, leader du Reform Party, ne fait jamais dans la demi-mesure. C’est lors d’un congrès à Quatre-Bornes, le mercredi 2 août, qu’il s’est attaqué à la projection financière du Metro Express. 53 800 passagers feront le trajet ? Faux, dit-il. «Seulement 17 210 personnes voyageront par le Metro Expressaux heures de pointe. C’est le maximum de passagers que les trains peuvent transporter.» La mise sur pied du projet coûtera Rs 18,8 milliards ? Encore faux, affirme Roshi Bhadain. «Je les mets au défi de venir prouver le contraire.» 

 

Loin des querelles politiques, les employés des autobus craignent, eux, pour leur avenir professionnel avec l’arrivée de ce nouveau moyen de transport. Ces dernières semaines, une association syndicale est montée au créneau, dénonçant la menace que fait peser le Metro Express sur leur sécurité d’emploi. Il s’agit de l’United Bus Service Employees Union (UBSEU), représentée par Gorah Enathally et Gessyka Frivet. Cependant, leur combat est tout autre. S’ils n’ont rien contre le projet en lui-même, ce qu’ils redoutent, ce sont les conséquences que cela aura sur leur travail. 

 

Des maisons détruites

 

Leur calcul est simple. Avec la venue du Metro Express, moins de gens prendront les bus, ce qui entraînerait, selon leur direction, une baisse de 40 % de leur chiffre d’affaires. Survient alors la menace sur la sécurité de leur emploi et de leurs conditions de travail. Malgré la garantie donnée par Nando Bodha qui a affirmé qu’il n’y aura aucune perte d’emploi et que les employés qui se retrouvent sur les trois lignes affectées par le Metro Express seront intégrés, les syndicats veulent plus. Pour Gorah Enathally, président de l’association, il est impératif qu’ils puissent avoir une rencontre avec le ministre et que celui-ci puisse leur donner une garantie écrite de la conservation de leur salaire, de leur temps de service et de leurs conditions de travail.

 

Gessyka Frivet est prête à aller jusqu’à la grève de la faim.

 

Depuis la concrétisation du projet, affirme Gessyka Frivet, secrétaire de l’UBSEU, crainte, angoisse et frustration ont gagné les travailleurs, à tel point que le syndicat, en désespoir de cause, a décidé de se lancer dans une grève de la faim. Ayant déjà obtenu la permission des autorités pour le faire au Ruisseau du Pouce, à Port-Louis, une décision sera prise dans les jours à venir. «Nous attendons d’avoir une réponse du ministre. C’est bien beau qu’il reconnaisse que nous sommes tracassés mais il nous faut des garanties», martèle-t-elle. 

 

Plus que la colère, c’est la détresse qui anime Azam Rujubali, un résident de La Butte. Il a regroupé, au sein du mouvement Union Sociale Développement, d’autres habitants comme lui qui, à cause du Metro Express, perdront leur maison. Selon lui, une quinzaine de maisons sont concernées. Après avoir manifesté devant le Parlement et à la gare de Rose-Hill le samedi 5 août,  ces personnes ne comptent pas se taire pour réclamer justice. «Nous allons combattre le métro. Jusqu’aujourd’hui, ni Bodha ni Soodhun ne sont venus nous voir. Ils ne peuvent pas nous prendre nos maisons comme ça. Qu’ils trouvent une autre route.»

 

Si certaines familles de La Butte ont accepté la compensation donnée par le gouvernement pour qu’ils abandonnent leur maison, Azam Rujubali et plusieurs autres familles ne comptent pas bouger. «Ça fait 35 ans que je vis là-bas. Il y a deux maisons sur mon terrain et nous sommes quatre familles à y vivre. Aujourd’hui, le gouvernement me donne Rs 1,4 million comme compensation ? C’est inacceptable. Je ne vois pas comment on va trouver un terrain et une maison avec cette somme», lance-t-il. 

 

Non seulement la somme n’est pas suffisante mais il est impossible, déclare Azam Rujubali, de compenser la valeur sentimentale d’une maison qui a été construite à la sueur du front de toutes ces personnes. «Ils me détruisent moi, ma famille, ma vie. Avec ma maison, c’est moi qui vais disparaître. Nous nous sommes tellement sacrifiés pour construire notre maison.» Voilà pourquoi il est impossible pour Azam Rujubali et les autres d’imaginer qu’ils doivent aujourd’hui tout recommencer à zéro. Pour ne pas perdre cette parcelle si importante à leurs yeux, ils sont prêts à se battre jusqu’au bout. 

 


 

Bérenger attaque, Étienne Sinatambou défend

 

C’est un sujet sur lequel il ne pouvait pas faire l’impasse. Le Metro Express a été longuement critiqué par Paul Bérenger lors de sa conférence de presse hebdomadaire. Pour le leader des Mauves, au moins une chose est claire : «Le projet présenté par le gouvernement lundi n’est pas celui du Metro Expressmais un Tramway Express.» Selon lui, les chiffres avancés par le gouvernement ne sont pas réalistes. «Tout le monde sait que ce projet ne sera pas profitable et rentable dès la première année.» Il a aussi regretté que l’étude de faisabilité réalisée par des Singapouriens en octobre 2013 n’ait toujours pas été rendue publique : «Nando Bodha a promis en une dizaine de fois de le faire mais encore rien. C’est une lâcheté de la part du gouvernement.» 

 

Au PMSD, le sujet a également fait mouche. C’est Robert Pallamy qui s’est exprimé sur le Metro Express lors de la conférence de presse du parti. Le manque de transparence est, dit-il, flagrant. «C’est l’étude de marché qui aurait dû déterminer le prix. Le vrai prix du ticket est de Rs 50, pas Rs 37.Là, c’est toute la population qui va subventionner le projet.» Face aux critiques, Étienne Sinatambou, porte-parole du gouvernement, n’a pas manqué de défendre ce qu’il décrit comme un«projet d’intérêt public». 

 

Le gouvernement, dit-il, a la ferme intention de mener ce projet à bon port. «La campagne de désinformation de l’opposition est abominable. C’est un projet d’avenir pour Maurice et qui serait avantageux pour les voyageurs. C’est le plus gros projet au niveau national.»