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Eau secours ! : conseils de citoyens engagés pour mieux gérer les inondations

Ça coule avec force, ça détruit, ça inonde. Les récentes pluies ont rappelé que notre île fait face à des défis de taille. Des voix s’élèvent et demandent des actions pour stopper «l’eau-morragie»…

Une sourde angoisse. Celle qui fait naître des lourds nuages dans le creux de l’estomac et qui déverse de la pluie pour alimenter les peurs. Les averses, plus intenses, plus dangereuses, ont créé plusieurs scénarios catastrophes dans l’île ces derniers temps. Maisons inondées, familles en détresse, routes impraticables, infrastructures abîmées ; la désolation est multiple et assombrit le quotidien. Le dernier épisode en date, celui du dimanche 21 avril, a frappé avec force. D’un côté, les autorités évoquent le changement climatique, les réalisations du gouvernement et la responsabilité de tout un chacun. De l’autre, des voix s’élèvent ici et là pour rappeler la nécessité de prendre des actions et vite.

 

Certains.es de ces citoyens.nes engagés.es partagent leurs conseils pour faire face à la situation dans les prochaines lignes. Parmi, l’activiste Ashvin Gudday, qui estime qu’il «faut prendre en considération les défis climatiques» et s’assurer que chaque citoyen.ne se sente à l’abri : «Chacun doit être assuré d’un habitat construit solidement tout en considérant les défis climatiques ; il y aura encore des flash floods, des cyclones plus violents, des risques d’inondations, des tremblements de terre, des tsunamis. Il faudra une politique environnementale digne de ce nom et à la hauteur de ces événements.» La sensibilisation des Mauriciens.nes à ces périls, au besoin de prendre soin de leur environnement, s’imbrique dans ce besoin de changement. La responsabilité individuelle et collective, bien sûr. Mais aussi, et surtout, celle qui revient aux décideurs.

 

Avec lui pour amorcer la réflexion, il y a Adi Teelock, Environmental Activist and Researcher et membre de la Plateforme Maurice Environnement, Keshwar Beeharry-Panray, écologiste, président et fondateur de l’Environment Protection And Conservation Organisation, (EPCO) et longtemps acteur de la question environnementale à l’international, et Clancy Philippe, ingénieur mauricien établi en Australie qui a une solide expertise dans la question du drainage de l’eau.

 


 

Suivre d’autres pistes…

 

Pour des rapports publics des zones inondables connus

 

Ashvin Gudday : «Il est nécessaire de rendre publics tous les rapports liés à l’environnement. Il est temps que le concept de zones inondables soit vulgarisé pour éviter des constructions à risques.»

 

Keshwar Beeharry-Panray : «On parle des flood-prone areas, mais il est nécessaire de comprendre qu’avec ce qui se passe actuellement, toutes les localités sont concernées. Il n’y en a pas une qui est à l’abri. S’il est vrai que certaines régions doivent être prises en charge en priorité, le travail doit se faire dans l’ensemble de l’île. C’est partout qu’il faut s’assurer de la gestion des précipitations et des constructions.»

 

Moins de plastique, moins de déforestation

 

Ashvin Gudday : «Nous faisons face à un cruel manque de volonté pour diminuer l’utilisation du plastique à usage unique qui finit dans nos océans et accélère leur contamination et leur réchauffement. Les autorités devraient interdire l’utilisation du plastique à tous les niveaux. Le greenwashing à travers le recyclage du plastique n’est qu’une mesure palliative. De toute façon, il est clair qu’il est temps de mettre en place un meilleur système de gestion des déchets, en général. La déforestation est aussi un sujet important ; il s’agit d’une intrusion de l’humain dans la vie et l’équilibre de la nature et les autres espèces qui perdent leur habitat. Ce ne sont pas des petites mesures comme la réhabilitation du bâtiment Emmanuel Anquetil en mode go green qui vont nous sauver.»

 

Pour un changement de Constitution

 

Ashvin Gudday : «Le droit de la nature doit faire partie de la Constitution afin que Mother Nature soit respectée et que chaque citoyen ait un droit de regard pour la sauvegarder. Les citoyens doivent aussi avoir le droit de défendre la nature au tribunal de l’Environnement. Cela aidera à maintenir l’équilibre entre l’écologie et l’économie.»

 


 

Le maître-mot : planification

 

Clancy Philippe : «Un Strategic Stormwater Management Plan doit voir le jour»

 

«Une des solutions efficaces serait de construire un(des) bassin(s) de retardement des eaux de ruissellement (runoff retardation basin) dans des lieux spécifiques tels que le Champ-de-Mars afin de ralentir l’écoulement de l’eau des montagnes autour de Port-Louis qui envahit les zones habitées pendant les flash floods. L’eau collectée pourra s’écouler dans le système de drains quand le peak storm est passé. Il faudrait revoir, également, l’efficacité des gros canaux d’évacuation où des obstructions sont notées. Un Strategic Stormwater Management Plan (Long Term Planning - Stormwater Drainage Modelling/Flood Mitigation Planning & Development Control) devrait être établi pour s’assurer que l’eau s’écoule au mieux, que la maintenance des systèmes en place soit adéquate, qu’ils peuvent être améliorés comme la création de voies d’écoulement de l’eau par voie terrestre (water overland flowpaths) quand les drains se déversent sur les routes et les zones habitées, et aussi de l’augmentation de la capacité d’absorption du système de drains.»

 

Adi Teelock : «Pour un plan de gestion et un plan d’action»

 

«Afin de gérer et atténuer les inondations, il faut une stratégie, un plan de gestion et un plan d’action pour le court, le moyen et le long termes. Il faut arrêter de penser uniquement en termes de drains car sans exutoire, c’est-à-dire un bassin de rétention, un bassin de stockage souterrain, un wetland ou une rivière, les drains ne feront que transférer le problème d’un point à un autre. C’est ce que l’on voit à chaque fois et les routes se transforment en rivières. Tout déverser dans la mer avant un minimum de filtration n’est pas non plus conseillé car les eaux chargées de polluants et  de sédiments sont néfastes à l’environnement marin. Les drains eux-mêmes doivent être bien dimensionnés en tenant compte des pluies torrentielles liées au changement climatique. Tout le système de gestion des inondations doit intégrer cette donne du changement climatique. À côté de ce système artificiel, il est nécessaire, dans tout développement futur, de prendre en considération le système de drainage des eaux de pluies existant comme les drains naturels, et laisser assez d’espace naturel non bâti pour accueillir les eaux qui débordent. On parle aujourd’hui de villes-éponges. Tout ceci doit faire partie d’un plan d’aménagement du territoire sur le plan régional et national.»

 

Ashvin Gudday : «Des mesures braves pour renverser les vagues»

 

«Très souvent, le blâme est orienté vers les citoyens qui sont accusés de polluer l’environnement, mais qu’en est-il des décisions prises par nos décideurs politiques qui n’ont pas l’audace de venir de l’avant avec des mesures braves pour renverser les vagues qui s’abattent et menacent l’existence de notre petite île au bord de la rupture totale. La construction de drains comme seule solution ne suffira pas, surtout si on ne planifie pas correctement. Il est temps de prendre des mesures drastiques pour limiter les dégâts. On ne fait que du water fighting, pour l’instant, on ne prend pas le problème par le fond. Il faudrait un National Crisis Committee en mode opération sauvetage pour redresser la barre. À quand une loi pour stopper les constructions sauvages sur les zones côtières ou encore l’intrusion dans nos trésors vivants tels que nos wetlands, nos zones environnementales sensibles responsables du maintien de l’équilibre de notre écosystème et de la préservation de la biodiversité ? L’Environement Bill introduit au Parlement est une occasion ratée ; elle aurait pu freiner ou stopper complètement la torture infligée à la nature (comme le bétonnage du littoral, par exemple). D’ailleurs, les recommandations du classification report concernant l’Environmentally Sensitive Areas (ESA) de 2009 ne sont toujours pas prises en considération.»

 

Keshwar Beeharry-Panray : «Un cahier de charges strict»

 

«Nous devons arrêter le blame game. C’est une perte de temps. Nous devons être d’accord que nous subissons de plein fouet le changement climatique. J’ai travaillé sur cette thématique depuis 2007 et un rapport a été publié en 2008. Agir en mode business as usual ne fonctionne plus.  Est-ce que les structures utilisées pour les drains sont préfabriquées ? Visiblement, oui. Il y a 50 ans, nous faisions cela. Est-ce que le temps n’est pas venu pour changer de méthodes ? Ce qui se faisait il y a 50 ans ne marchera pas aujourd’hui avec le changement climatique. Nous ne pouvons plus nous permettre de ne pas avoir de gestion des constructions. Aujourd’hui, il faut un cahier des charges strict pour toute construction. Des critères réalistes pour autoriser les développements. Il est, désormais, essentiel de prendre en considération le taux de précipitation et la voie que prendra l’eau pour s’écouler. Ce ne sont plus des données simplement importantes ; elles sont, aujourd’hui, essentielles, vitales, même.»

 


 

Port-Louis et Saint-Jean : au cœur des préoccupations

 

Clancy Philippe dresse un sombre tableau de la situation à Port-Louis, notre capitale entourée de montagnes. Véritable bassin où l’eau ne peut plus se frayer un chemin. Un état de choses, que ce soit à Port-Louis ou même à Quatre-Bornes, au niveau du cimetière de Saint-Jean, causé par les constructions qui n’ont pas pris en considération la question du drainage. Le Metro Express n’a pas amélioré la situation, explique l’ingénieur : «À Saint-Jean et à Port-Louis, les infrastructures routières et celles du métro obstruent davantage l’écoulement des eaux pluviales terrestres, réduisant la capacité de transport de l’eau des principaux drains à ciel ouvert construits par les Français lors de la construction de l’infrastructure de drainage pour Port-Louis.» Il disait son inquiétude depuis quelque temps déjà (vous pouvez consulter ses prévisions sur ce lien : https://bit.ly/3xRhGYr). Pour Ashvin Gudday, «Port-Louis est devenue un waterpark dangereux, inondable à tout moment». Ce qui nécessite des prises de décisions rapides et efficaces : «Un plan d’évacuation qui fonctionne, l’intervention rapide des policiers et une bonne anticipation des risques. Il est indispensable de décentraliser la capitale.»