• Championnats du monde de para-athlétisme de Kobe : objectifs médailles et qualification paralympique
  • Realme 12 pro + : du très bon, mais pas si puissant
  • Hypertension : l’urgence de faire baisser la pression !
  • Chute fatale à Choisy, Baie-du-Cap : un maçon meurt au fond d’une fosse après une soirée bien arrosée
  • Vivre avec le lupus - Mélanie Regnaud : ma maladie invisible, mon fardeau
  • États-Unis : alerte tornades en séries !
  • Your safety first : les chauffeurs de taxi formés à l’autodéfense
  • Post-meeting du 1er Mai : le PM relance les débats sur la Drug Court
  • Nouveau sélectionneur national pour le Club M : Guillaume Moullec peut-il faire mieux ?
  • La Planète des Singes : Le Nouveau Royaume - Les «zakos» reprennent d’assaut les salles de cinéma

Condamné à mourir, un sexagénaire a recours à des soins à l'étranger - Teejana Beenessreesingh : «Comment j’ai sauvé la vie de mon père en lui donnant un bout de mon foie»

«Pour moi, le besoin de donner est quelque chose qui m’est propre. Je suis comme ça. Pour mon père, je n’ai évidemment pas hésité. Pour moi, je devais être la donneuse», confie Teejana Beenesreesingh en revenant sur son geste qui a sauvé la vie de son père Anand.

C'est l'histoire d'une jeune femme qui n'a pas hésité une seconde à prendre la décision de donner un bout de son foie pour sauver la vie de son père alors que des médecins étaient pessimistes. Aujourd'hui, tout le monde va bien et la famille a retrouvé la sérénité après de longs mois de doute et d'inquiétude.

«Anand vient de célébrer un anniversaire de plus...» C’est avec ces mots sur sa page Facebook, il y a quelques semaines, que Narvada Beenessreesingh a partagé son bonheur d’avoir encore son époux à ses côtés. Car il y a un an, la possibilité que le père de ses deux filles, Teejana et Kaleena, avait de célébrer encore un anniversaire avait été assombrie lorsque la maladie s’était invitée dans leur vie, particulièrement dans celle d’Anand, et que les médecins le condamnait alors à mourir.

 

«Il y a un an, notre fille Teejana a fait don de plus de 60 % de son foie pour sauver la vie de son père. Un cancer du foie lui avait été diagnostiqué. Malheureusement, à Maurice, il était constamment diagnostiqué à tort par les hôpitaux publics et privés. Plusieurs médecins mauriciens lui ont dit qu’il n’avait aucune chance de survie», écrit Narvada Beenessreesingh, qui, avec sa publication, dit souhaiter tout simplement partager l’expérience de sa famille et sensibiliser les gens autour du don d’organe. Elle veut raconter l'histoire des siens qui aurait pu connaître un autre dénouement si chacun d’eux n’avait pas choisi de se battre tout en s’accrochant à de l’espoir.

 

C’est en effet après avoir eu recours à l’expertise étrangère et après que Teejana, 38 ans, a choisi de donner un bout de son foie pour sauver la vie de son père que la famille a aujourd’hui retrouvé la joie de vivre après avoir connu des moments de doutes et de grandes inquiétudes. De la conviction dans la voix, c’est avec beaucoup de courage et d’émotion que Teejana revient sur ces étapes douloureuses qui ont jalonné la vie de sa famille avant que le sourire ne revienne.

 

«Ça a évidemment pris du temps, mais je vais aujourd'hui très bien. J'ai pensé à faire ce don de foie pour sauver mon père d'une façon assez académique. Ce qui correspond à ma personnalité. Physiquement, après l'opération, le mois qui a suivi a été très difficile. On souffre beaucoup. Je suis restée très au calme pendant toute cette période parce que je voulais que mon père puisse très vite reprendre du courage et qu'il ne se sente surtout pas coupable par rapport à mon état après l'intervention. Pour moi, c'était un don. Mais un père, bien que le mien ne se soit pas exprimé dessus, n'est pas à l'aise avec l'idée que son enfant soit passée par une opération pour l'aider, même si ce geste lui a sauvé la vie. Ça m'a probablement, mentalement, psychologiquement et émotionnellement, pris plusieurs mois pour retrouver un rythme de vie normal mais je n’ai fait que ce que je devais faire. Rien n'a changé dans ma vie. Je suis heureuse mais le plus mportant pour moi, c’est de voir des sourires sur le visage de ma maman et celui de mon papa. C’est ce qui me nourrit», nous confie la jeune femme qui est mariée et vit entre Milan et New York.

 

Si aujourd’hui, chaque membre de sa famille a retrouvé la sérénité, ce n’était pas le cas il y a quelque temps encore quand ils se sont tous retrouvés plongés en plein cauchemar. «Je ne suis pas contre le système médical à Maurice. Loin de là. Mais mon père a commencé à avoir les premiers symptômes de sa maladie en septembre 2022. Il s'est senti malade et il a tout de suite été admis dans une clinique. Ce qui me rend triste, c'est que mon père a été mal diagnostiqué par trois médecins dans le privé. Parmi, deux médecins avaient vu qu'il avait une cirrhose du foie. Et c'est tout ! C'est important pour moi de relever cela. On a eu les moyens d'avoir recours à l'expertise étrangère car comme j'étais boursière au MIT (Massachusetts Institute of Technology) à Boston, j’ai la chance d’avoir un réseau d'amis médecins pour nous conseiller. Parmi, il y a notamment mon meilleur ami qui a travaillé avec Anthony Fauci pour le vaccin de la Covid et ma belle-sœur, la directrice du Living-Donor Kidney Transplant Program de l’université de l’Arizona. Donc, j’ai eu très vite la possibilité d’échanger avec mes amis sur la situation et de leur envoyer le dossier de mon père, avec les rapports des médecins de Maurice. Tout de suite, le retour qu’on a eu tournait autour d'interrogations comme : pourquoi les médecins de mon père n’intervenaient pas ? Puis, on a essayé de chercher un spécialiste et entre-temps, quatre mois s’étaient écoulés», raconte Teejana en revenant sur le parcours du combattant pour sauver la vie de son père.

 

Le don de vie

 

«Lors d’un échange avec l'un des derniers médecins qui s’occupaient de mon père, je lui ai demandé quels étaient les choix qu’on avait. Il m'a répondu qu'il n’y en avait aucun. Et là, je le quote, il m’a déclaré : "The house is broken, you cannot do anything to fix it." Mon mari, qui est indien, était avec moi et il m’a dit : "I have never heard a doctor say something like that." Pour moi, c’est important de dire aux Mauriciens que d’autres possibilités existent. Trois médecins condamnaient mon père, mais nous nous avons choisi de ne pas rester les bras croisés», poursuit la jeune femme. «Les amis faisant partie de mon réseau m’ont dit que je devais avoir un autre avis. En janvier 2023, on nous a recommandé un hôpital à Mumbai, en Inde, Le Global Hospital, spécialisé dans tout ce qui est donor transplant. C’est ma belle-soeur qui nous a référé à cet hôpital. Nous nous sommes déplacés, mon père a fait des tests et les médecins nous ont dit qu'il avait bien une cirrhose, mais qu'en sus de cela, il avait un cancer au foie. Pendant quatre mois, ça n’a pas été détecté à Maurice. Tout de suite, on nous a annoncé qu’il fallait enlever son foie et qu’il devait avoir une transplantation. Durant les échanges avec mes amis sur le cas de mon père, quand on se disait que dans le pire des cas, il devrait peut-être avoir une greffe, je savais déjà que j’allais le faire, que j’allais lui donner un bout de mon foie, que j’allais être la donneuse, si jamais cette éventualité se présentait.»

 

Bien évidemment, précise Teejana, il a fallu passer par plusieurs étapes : «Je dois préciser que mon père et moi nous n’étions pas compatibles. C’était donc une greffe non-compatible. C’est important pour moi de le préciser car des greffes avec des personnes qui ne sont pas compatibles au niveau du groupe sanguin ne se font que depuis cinq ans. Dans notre cas, par exemple, je suis B négatif (B-) comme ma maman, qui est l’un des groupes sanguins les plus rares, et mon père lui est O positif ( O+), qui est l’un des groupes universels. De par nos groupes sanguins, on n’était pas compatibles, mais grâce à des nouveaux traitements, n’importe qui peut faire un don d’organe. En Inde, on s’est retrouvés avec un chirurgien qui fait 28 greffes de foie par mois. C'est sa spécialité. Aujourd’hui, il n’est plus question de grosses cicatrices après l’intervention. Il y a d’autres techniques. Il y a beaucoup de peur qui entoure ce genre d’opération mais il faut aussi se dire que la médecine a beaucoup progressé.»

 

«Il n’y avait aucun espoir...»

 

Elle admet avoir traversé cette période en restant lucide et calme : «Je n'ai jamais été inquiète. C'était la décision que j'avais prise. Aider a toujours été dans ma nature. Avec mon mari, on fait chaque année des voyages en Afrique pour passer du temps avec des communautés. Et pour moi, le besoin de donner est quelque chose qui m'est propre. Je suis comme ça. Pour mon père, je n'ai évidemment pas hésité. Pour moi, je devais être la donneuse. C'est mon mari qui a eu plus de questions et qui a été beaucoup plus inquiet. Pour moi, l’objectif c’était d’aider mon père à retrouver la santé. Il a la soixantaine et je voyais dans ses yeux qu’il n’avait aucune envie de nous quitter. Il fallait donc tout tenter. Il n’y avait aucun espoir à Maurice et en Inde, on nous en donnait.»

 

Heureusement, souligne Teejana, tout s’est très bien passé. «J'ai donné 70% de mon foie. Après deux semaines, celui-ci a commencé à se régénérer et après six mois, c'est un foie qui est complètement normal et qui fonctionne très bien. La personne qui va faire un don est certes soumise à une série de tests pour faire un bilan de santé, mais ça n'impacte pas sur la vie après. Je vais très bien. J'encouragerais les gens à s'intéresser à la possibilité de faire don de leurs organes, mais à la fin, ça reste un choix personnel. Ça doit venir de soi et on doit s'entourer des bonnes personnes. Dans mon cas, j'ai eu tous les conseils possibles.»

 

Et comment va son père ? «Mon papa va bien médicalement. C'est vrai que quand on reçoit un organe, ça change quand même la qualité de vie par la suite. On se retrouve sous des immunosuppresseurs qu'il faut balancer pour le reste de sa vie ! Mais il va bien. Il a retrouvé une vie normale. Il conduit, il travail, il retrouve un rythme normal mais il a dû faire de grands changements alimentaires. Il doit aussi faire plus de sports. Mais je pense que quand on passe par ces étapes durant lesquelles on frôle la mort, où on s’attend tous les jours au pire, on apprécie la chance de pouvoir à nouveau profiter de beaucoup de choses», précise Teejana qui espère de tout cœur que les choses se développeront vite dans ce secteur à Maurice : «Certes, il faudrait créer les infrastructures mais avant tout, il faudrait qu'il y ait plus de médecins spécialisés pour conseiller sur le don d’organe. J’estime que c’est très important d’avoir des personnes spécialisées dans tout ce qui concerne les greffes pour qu'elles puissent proposer les différentes options qui existent aux patients et à leur famille. Je suis aussi pour qu’il y ait plus de partenariats avec des hôpitaux spécialisés...»

 

À travers son histoire, Teejana espère informer sur le don de vie : «Après l’opération, quand les gens me disaient que j'avais fait quelque chose d’extraordinaire, je me sentais mal à l’aise parce que je n’ai pas fait ce que j’ai fait avec l’idée qu’on me voie comme une personne qui venait en sauver une autre. Je l’ai fait parce qu’à ce moment-là, il fallait que je le fasse. C’est magique de pouvoir sauver une vie... Toutefois, là où je le vis bien, c’est que maintenant, il y a des personnes qui viennent vers moi pour me poser des questions parce que ce n’est pas courant de connaître une personne qui a fait un don d’organe. Les médecins veulent normaliser le don d'organes parce qu’on peut, à travers ce geste, sauver des vies. Le mois d’avril qui vient de s’écouler est connu comme le mois du don de vie et c’est important de faire passer le message et de conscientiser les gens sur les possibilités qui existent grâce aux dons d’organes. On peut sauver une vie et on peut vivre une vie complètement normale en faisant don d’un bout de son foie ou d’un rein», conclut la jeune femme, pleine d’espoir...

 

Anand, 69 ans, qui a reçu la greffe : «Je recommence à vivre...»

 

Il est très reconnaissant envers la vie et toute sa famille. Anand Beenessreesing, 69 ans, qui a reçu un morceau du foie de sa fille Teejana, n'est pas près d'oublier l'expérience qu'il a traversée. «Après tout ce qu'on a traversé, je dois reconnaître que ce que ma famille a vécu est quelque chose de formidable. L'intervention était délicate et difficile. Maintenant, je vais bien. Je reprends goût à la vie. Il n'y avait pas de certitude que je puisse m'en sortir. Now I put all stress aside et je vis à fond. J'ai vécu une grande expérience et aux Mauriciens qui passent par la même situation, je dirais d'essayer de look for a second opinion et de chercher, si possible, une expertise étrangère. Parce qu'à Maurice, les médecins, comme ça a été le cas pour moi, n'arrivent pas toujours à diagnostiquer comme il faut. Je recommence à vivre. Si mo ti res Moris mem, mo pa ti pou al lontan. Je dirais à ceux qui ont un problème de santé et qui sont dans le doute de ne pas perdre espoir. Il existe d'autres options... surtout à l'étranger. En Inde, par exemple, il y a beaucoup d'hôpitaux de qualité avec les spécialistes qu'il faut. Heureusement que ma fille a insisté pour qu'on aille en Inde. Je suis très reconnaissant envers la famille : mes deux filles Kaleena et Teejana, et mon épouse. Je remercie aussi le Bon Dieu. Si des personnes vivant la même chose que moi en ce moment ont des questions, elles peuvent me contacter. Je me ferai un devoir de leur répondre et de les conseiller», nous confie Anand, du soleil dans la voix...