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Conclusions de la Commission sur la drogue : Roubina Jadoo-Jaunbocus et Sanjeev Teeluckdharry en mode «damage control»

Les deux députés ont donné leurs versions des faits.

Exercices de communication bien ficelés, sourires affichées, les deux membres de l’équipe gouvernementale affichent la positive attitude qui, suite aux conclusions de la Commission sur la drogue, ont démissionné comme ministre et deputy speaker respectivement…

Ils ont composé leur image. Elle se veut sereine et forte. Il est question de confiance en l’avenir et d’innocence. Le sourire aux lèvres, l’angoisse au placard. Malgré tout, les conclusions du rapport de la Commission sur la drogue sont troublantes contre ces deux députés qui concentrent toute l’attention du moment (voir hors-texte).

 

Mais l’heure est à l’exercice de communication, au damage control : pour ne pas perdre la face, pour rassurer les mandants, pour ne pas griller toutes les chances pour les prochaines élections. Alors que toute l’île avait les yeux braqués sur eux, Roubina Jadoo-Jaunbocus et Sanjeev Teeluckdharry ont animé des points de presse pour s’expliquer, pour dire leurs intentions, pour affirmer que ce sont eux qui ont pris la décision de step down (qu’elle n’a pas été imposée, comme le veut la rumeur).

 

La ministre de l’Égalité du genre et le Deputy Speaker démissionnaires, dont l’image a été bien écornée depuis le début des travaux de la Commission, ont décidé de communiquer après qu’ils ont été éclaboussées par les conclusions du rapport Lam Shang Leen. Des conférences de presse attendues depuis la fin de matinée du vendredi 27 juillet, où des rumeurs concernant la démission de membres du gouvernement dans le sillage de ce document avaient commencé à enfler, suite à un article d’Ion News. Une journée intense, électrique.

 

Le premier à se lancer était Sanjeev Teeluckdharry, vendredi après-midi. Dans son bureau, à la Saint-James Court, il s’est exprimé brièvement, quelques minutes après l’annonce de sa démission par Pravind Jugnauth qui, lui, animait un point de presse au bâtiment du Trésor (voir ci-contre). Roubina Jadoo-Jaunbocus a, elle, décidé de prendre la parole hier, samedi 28 juillet, à l’hôtel Saint-Georges. La députée de Port-Louis Sud-Port-Louis Centre (la circonscription no 2) n’est pas venue seule. Son époux est à ses côtés. Mais aussi des mandants de sa circonscription : «Je ne m’attendais pas à les voir ici. Ça m’a procuré une vive émotion», dit-elle. C’est avec le conseiller du Premier ministre Ken Arian qu’elle s’est entretenue quelques minutes avant le début de la conférence de presse dont le début était prévu à 14 heures : «Même si je crois que tout le monde est là, nous allons attendre 14 heures.»

 

«Plaisirs»

 

Pour patienter, elle salue ses mandants, échange des bisous, demande un peu d’eau à son époux… relit ses notes, inspire un bon coup et se lance : «Vre mem se enn plezir koz ek zot.» Cette communication n’est qu’un «éclaircissement initial», précise-t-elle, dans les jours à venir, dans le cadre de la Judicial Review qu’elle veut obtenir concernant les allégations dans le rapport, les choses se préciseront, assure-t-elle. Elle parle de l’engagement du gouvernement pour le combat contre la drogue, félicite le Premier ministre et réitère son full support à cette cause, ponctue ses phrases de «zoto», demande à fermer la fenêtre pour atténuer les bruits de l’extérieur, ose le «chut» pour ramener le silence et le dit «kare kare» : «Je suis une personne de principe et de croyance. J’ai des valeurs ; j’ai une famille, j’ai des enfants, je sais quel ravage la drogue fait. Je suis une avocate et j’ai fait mon travail, point barre.»

 

C’est pour toutes ces raisons, dit-elle, qu’elle a pris la décision de step down, par respect pour son ministère. Et son statut de députée ? «Ce ne sont que des allégations. Mes mandants m’ont élue, mo pa pou sove. Je vais continuer à travailler pour eux», rappelle-t-elle. Retrouvera-t-elle son poste de ministre avant les prochaines législatives ? «Je laisse tout dans la main de Dieu, Almighty Allah. Seki pou arive pou arive.»

 

Roubina Jadoo-Jaunbocus revient également sur sa première et unique audition à la Commission – «pourtant, je m’étais mise à leur disposition» –, énumère les failles qu’elle a décelées – «pour donner des exemples, je ne vais pas tout dévoiler ici» : les documents qui n’ont pas été pris en considération et le fait qu’elle n’a pas été interrogée à nouveau quand la Commission a fait face à de nouveaux éléments. Sur ce point, elle parle de l’accusation selon laquelle elle aurait été le middle-man pour l’échange d’une somme de Rs 50 000 : «J’ai vécu en Angleterre, j’ai gagné des salaires importants et je vais trahir ma robe pour cette somme ? Zame monn al pran larzan de X pou al donn Y. Kan mem zoto !»

 

Elle dit aussi que ce qui est damning pour elle ne l’est pas pour certains autres avocats cités dans le rapport (elle donnera les pages auxquelles il faut se référer dans le document). «C’est le même système laxiste dans les prisons que nous avons vécu, pourquoi la différence ?» se demande Roubina Jadoo-Jaunbocus. Qui, au moment des questions/réponses, dira qu’elle estime n’avoir pas obtenu un traitement juste.

 

Applaudissements

 

Relançant même sa conférence de presse, qu’elle avait clôturée pour évoquer «des faits» : ces affaires qu’elle aurait défendues devant le juge Lam Shang Leen. «À chacun de tirer ses conclusions», conclut-elle, sous les applaudissements de ses mandants.

 

La veille, dans les quartiers professionnels de Sanjeev Teeluckdharry, pas d’applau-dissement ni de mandants. Seuls sa sœur Sadna Teeluckdharry et Me Anoup Goodary sont là. Il est un peu avant 16 heures, quand il rallie ses chambers, boiserie et photos en tous genres (dont une, immense, où il porte son épouse, qui lui signifiera son soutien - voir hors-texte - dans ses bras) meublent le vestibule.

 

Il faudra attendre qu’il écoute l’annonce du Premier ministre, qu’il suit dans une autre pièce, avant qu’il ne rejoigne les journalistes entassés dans son bureau, là où l’homme de loi a sa collection de trophées et de «bibelots» : Abraham Lincoln côtoie un avion en bois. Une citation tirée du film Le Parrain trône là aussi : «Garde tes amis près de toi et tes ennemis plus près encore.»

 

Le député du n°5 (Pamplemousses-Triolet) le dit, de prime abord, il n’est pas d’accord avec conclusions de la Commission, il doit «clear his name» et parle de Judicial Review : «La Commission a oublié que les prisonniers ont aussi des droits. En tant qu’avocat, nous devons défendre les gens. Ce métier est un métier noble.» Il donne les raisons pour lesquelles il a démissionné de son poste de Deputy Speaker.

 

Il ne voulait «amenn sa pos-la dan la batay» dont il s’apprête à donner l’assaut. Pour justifier qu’il conserve celui de député, il avance les mêmes arguments que Roubina Jadoo-Jaunbocus. Selon Sanjeev Teeluckdharry, la commission d’enquête sur la drogue s’est trompée sur plusieurs aspects et a surtout oublié que les prisonniers ont également des droits à Maurice.

 

De ces unsollicited visits dont on l’accuse, il réplique : «Je suis un bon avocat.» On lui écrit (et il y a des records au niveau du welfare office des prisons, précise-t-il : «La Commission aurait dû vérifier.»), on le sollicite. Surtout depuis l’affaire Dookhee qui a fait jurisprudence.

 

Il fait état de ses faits d’armes, parle de ses grandes affaires. S’emporte un peu – «Mo ti ena impe respe pou Lam Shang Leen» – et se reprend : «Mo pa pou kontinie mo fraz.» Désormais, il est un avocat 24/7, dira-t-il. Et rappelle qu’il s’inscrit  dans la droite lignée des avocats criminels et cite sir Gaëtan Duval et Jacques Verges : «Leur parcours est parsemé d’embûches. Ce qui m’arrive est un challenge pour moi. Je suis serein ; d’ailleurs, je n’ai pas le choix. Mais comme le dit Raj Kapoor, the show must go on», nous dira-t-il après son point de presse, le sourire aux lèvres. Comme Roubina Jadoo-Jaunbocus presque 24 heures plus tard. C’est une question d’image.

 

Pravind Jugnauth : coup… et regard vers l’avenir

 

Il est 16 heures et des poussières et Pravind Jugnauth s’apprête à s’exprimer. Une conférence de presse attendue depuis la fin de matinée. Il rappelle l’engagement de son gouvernement pour lutter contre le trafic de drogue mais annonce aussi la démission de Sanjeev Teeluckdharry comme deputy speaker et de Roubina Jadoo-Jaunboccus comme ministre : «Ils m’ont dit qu’ils vont contester le rapport et qu’en attendant, ils step down.» Mais ils restent députés : «Le rapport dit que further investigation est nécessaire (…), il n’y a pas lieu qu’ils démissionnent comme députés.» Il avouera que ces démissions sont un coup pour le gouvernement mais qu’il a un objectif : «C’est un coup dur pour mon gouvernement. Deux camarades ont dû démissionner. Mo bien sagrin !» Il a également annoncé la mise sur pied d’un comité interministériel, qu’il présidera lui-même. Le but : réfléchir à une stratégie pour mettre en pratique les recommandations de la Commission.

 

Au niveau de la majorité gouvernementale : opération silence radio ? C’est un peu ça le mood du moment. Pas de déclarations choc ou de soutien affirmé envers leurs deux collègues démissionnaires.

 

Jadoo-Jaunbocus : le no 2 se mobilise

 

Elles le disent elles-mêmes. Elles ont quitté maris, maisons et enfants pour apporter leur soutien à leur députée, lors de son point de presse, hier, samedi 28 juillet. Rooksana Karrimbaccus, Shameerah Dindoyal, Naazia Janny et Rukayyah Phutally (photo), de la force féminine de Vallée-Pitot : «Lapli, siklonn li ar nou. Li ena leker. Elle aide tout le monde. Li pa get relizion ou kouler politik. C’est normal que nous la soutenions.» Sanjay Hauradhur est également de cet avis : «Nous sommes solidaires de notre députée, elle travaille beaucoup pour la circonscription : jamais on n’a vu un politicien faire autant.»

 

Teeluckdharry : ses proches derrière lui

 

Me Anoup Goodary le dit, il croit en l’innocence de son collègue. «La vérité triomphera. C’est un homme de principe. C’est tout ce qu’il faut retenir. Il a tout mon support», nous confiera-t-il après la conférence de presse de Sanjeev Teeluckdharry. L’épouse de ce dernier, Namrata Teeluckdharry, s’est, elle, exprimée sur Facebook : «Back to basics, back to private pratice, back to where he really belongs – I am proud of my husband and I will always stand by his side.»

 

Remaniement : le temps des «wishes»

 

Trois noms circulent pour reprendre la place des démissionnaires : Bashir Jahangeer, Sandya Boygah, Zubeer Joomaye. Même si Pravind Jugnauth a annoncé qu’il n’y aurait pas de remaniement ministériel, c’est le moment de pous so bout. Comment gérera-t-il les attentes et la situation difficile au gouvernement ? C’est le casse-tête du moment. Néanmoins, il se pourrait que Fazilah Daureeawoo s’occupe jusqu’aux élections du ministère de l’Égalité du genre.

 


 

Un rapport qui fait couler beaucoup d’encre

 

Il est le «talk of the town». Il créé des vagues et fait même tomber des têtes. Lui, c’est le fameux rapport de la Commission d’enquête sur la drogue. Rendu public le vendredi 27 juillet, le document qui n’épargne pas des politiciens, des policiers, des avocats, des gardes-chiourmes et autres trafiquants de drogue a déjà fait deux victimes.

 

Roubina Jadoo-Jaunbocus, ministre de l’Égalité du genre, a été trahie par une carte SIM saisie en prison qui révèle qu’elle a été en contact avec le trafiquant de drogue Peroumal Veeren, en plus d’avoir fait plusieurs «unsollicited visits» à des prisonniers liés à des histoires de drogue. Quant à Sanjeev Teeluckdharry, Deputy Speaker, le rapport dit qu’il est lui aussi derrière des «unsollicited visits» à des prisonniers, qu’il a participé à des «grouped meetings» en prison et que son portable révèle qu’il était en contact avec des prisonniers comme Rudolf Jean Jacques alias Gro Derek. Le document fait aussi état d’appels téléphoniques et de messages qu’il aurait échangés avec des prisonniers. C’est fort de ce qu’atteste le rapport Lam Shang Leen, qui fait un constat d’échec de la lutte contre le trafic de drogue, que ces deux membres de l’équipe gouvernementales ont choisi, selon le Premier ministre, de «step down».

 

Le document épingle plusieurs autres hommes de loi qui auraient été en contact avec des trafiquants de drogues en prison d’une manière ou d’une autre : notamment Coomaravell Pyaneandee, Anupam Kandhai, Raouf Gulbul, Rex Stephen et Antisha Shamloll, et la commission Lam Shang Leen recommande des enquêtes approfondies sur certains d’entre eux. Mais le rapport s’attarde particulièrement sur Raouf Gulbul  à qui cinq pages sont consacrées et qui a fait l’objet de dénonciations de la part de deux trafiquants de drogue, de son «junior» Tisha Shamloll et de son propre neveu.

 

Il est ainsi stipulé qu’un «audit trail» doit être mené contre Raouf Gulbul pour subordination de témoins et blanchiment d’argent. La commission revient ainsi sur les allégations de Tisha Shamloll et de son ancien chauffeur lors de la dernière campagne électorale à l’effet qu’il a eu recours à des «black telephones», des appareils ne pouvant être retracés. La commission estime aussi que l’avocate a viré de l’argent sur le compte du trafiquant indien Faizal Hussein sur les instructions de son «senior».

 

Le rapport parle aussi des allégations de l’ex-condamné Zacharie Bottesoie et de la prisonnière Parwiza Bibi Jeeva et mentionne que Me Gulbul leur a demandé de «devir lenket» en échange d’une grosse somme d’argent afin pour ne pas impliquer les caïds Rajen Velvindron et Peroomal Veeren, entre autres interrogations au sujet de l’ancien candidat du Mouvement socialiste militant (MSM).

 

Sollicité pour une déclaration concernant les cinq pages qui lui sont consacrées, Me Raouf Gulbul nous a fait la déclaration suivante : «Je ne suis pas d’accord avec le rapport et je compte faire une demande devant la Cour suprême pour une judicial review. Cette demarche dit tout sur mon état d’esprit. Je ne suis pas d’accord avec le rapport. On ne m’a pas donné mon droit le plus fondamental qui est de contre-interroger les personnes qui ont fait des allégations contre moi. À mon avis, si on m’avait donné ce droit, la vérité aurait éclaté au grand jour.»

 

Outre les dénonciations, le rapport préconise aussi la création d’une National Drug Policy Commision, la mise sur pied d’une National Drugs Investigation Commission et évoque l’urgence d’une loi sur le financements des partis. Et sur le plan de la consommation du cannabis, le document souligne que la société mauricienne n’est pas prête pour la légalisation du cannabis mais précise qu’il est essentiel qu’on ne ferme pas la porte à cette éventualité. Découvrez les autres recommandations du rapport sur le site du gouvernement : pmo.govmu.org.

 


 

Réactions

 

Paul Bérenger : «Nous demandons la démission du gouvernement»

 

«Ce rapport est très damning pour le gouvernement, et se trouve être le dernier scandale à éclater après une longue liste. Enough is enough. Nous demandons la démission du gouvernement.»

 

Xavier-Luc Duval : «Les personnes citées dans le rapport doivent être traduites devant une Cour de justice»   

 

«Mon grand soucis est : comment l’enquête va se faire, puisqu’on ne peut plus avoir confiance ni dans l’ADSU ni, paraît-il, dans le bureau du commissaire de police. Les personnes citées dans le rapport doivent être traduites devant une Cour de justice et être condamnées si elles sont coupables (…) La nomination de Roubina Jadoo-Jaunbocus comme ministre était un affront à la commission d’enquête.»

 

Navin Ramgoolam : «Amsterdam Bis» 

 

«À l’époque,  j’avais fait une conférence de presse pour dire que la nomination de Roubina Jadoo-Jaunbocus comme ministre était une claque à la Commission d’enquête. Pour moi, c’est du Amsterdam Boys Bis. (…) C’est un gouvernement pourri, le plus tôt il partira, le mieux ce sera pour le pays.»

 

Textes : Yvonne Stephen-Lavictoire, Christophe Karghoo et Stephane Chinnapen