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Une passion politique nommée Jean Claude de l’Estrac

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L’auteur du livre remettant un exemplaire au Premier ministre Navin Ramgoolam.

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Le directeur exécutif de La Sentinelle entouré de quelques membres de sa famille : son épouse Solange (2e en partant de la gauche), son fils Nicolas (à l’extrême droite), sa fille Valérie Duval – à côté de lui –, l’époux de celle-ci, Clifford (1e à gauche), et leurs enfants, Camille et Marion.

Après «Mauriciens, enfants de mille races» et «Mauriciens, enfants de mille combats», Jean Claude de l’Estrac sort le 3e tome de la trilogie qui raconte, cette fois, l’histoire politique de notre petite île de 1968 à 1982…

État d’urgence. Emprisonnement des dirigeants du MMM accusés par le pouvoir, dirigé par le tandem PTr-PMSD, d’être «des éléments subversifs». Censure de la presse. Une chape de plomb ardent tombait sur le pays. Ce fut des moments agitée de notre Histoire. Jean Claude de l’Estrac, directeur exécutif de la Sentinelle, place son livre Passions Politiques, Maurice 1968-1982 dans cet environnement. Dans ce 3e tome de la trilogie qui raconte l’histoire de notre pays, après Mauriciens, enfants de mille races et Mauriciens, enfants de mille combats, l’ancien hiérarque des Mauves – il fut donc pendant quelques années en tant que ministre acteur de l’action sociale – raconte cet épisode de l’histoire post indépendance et post bagarres raciales.

Le MMM a eu, en cette période-là, le génie de mener une guérilla avec des idées puisées dans les écrits de Marx et de certains de ses avatars. En même temps, cette formation politique – Hervé Masson, autre tête pensante du nouveau parti politique, préférait le terme «mouvement» – avait la sagesse de s’approprier les idées libertaires de Mai 68, en France, afin de ne pas tomber dans le communisme d’État que n’avaient eu de cesse de brandir comme un épouvantail le pouvoir d’alors et le secteur privé. Ça s’appelle s’adapter à un nouvel environnement : autrement dit à un pays multiracial où les sensibilités affleurent.

Les jeunes sont séduits, puis leurs parents. Le slogan, «Enn seul lepep, enn seul nation» portera le MMM-PSM au pouvoir en 1982. Avant la nomination des best losers, l’hémicycle était amputé, par la voie démocratique des urnes, de l’opposition.

«Une lumière nouvelle»

Le jeudi 10 décembre, à la Bâtisse du Suffren, ils étaient nombreux à s’être déplacés pour le lancement de Passions Politiques, Maurice 1968-1982, ouvrage dans lequel Jean Claude de l’Estrac «jette une lumière nouvelle sur certains événements» qui ont jalonné cette époque charnière de notre pays. Il y révèle aussi certains faits qui n’ont pas manqué d’impressionner ceux qui ont eu l’occasion de lire le livre, à l’instar du Premier ministre, Navin Ramgoolam, aussi présent pour le lancement (voir hors-texte).

«(…) J’ai peur de me trouver avec moins d’amis après la sortie du livre…» D’emblée le ton est donné. Dans Passions Politiques, Maurice 1968-1982 – préfacé par le Dr Philippe Forget, ancien rédacteur en chef de l’express et mentor de nombreux jeunes journalistes à l’époque –, Jean Claude de l’Estrac raconte «les premiers pas d’un État, indépendant et libre, né dans le doute et la division, le désespoir et la douleur», comme l’a souligné Cassam Uteem, ancien président de la République, grand ami de l’auteur et invité d’honneur pour le lancement du livre qui est en vente dans les librairies à Rs 550. «Passions Politiques Maurice 1968-1982 (dédicacé «passionnément» par l’auteur à son épouse Solange) nous fait vivre ou revivre – pour certains sans doute avec nostalgie – une tranche récente mais importante de notre histoire. Beaucoup découvriront pour la première fois peut-être, la face cachée de la politique et les manœuvres politiciennes. D’autres apprendront avec stupeur que même s’ils se croyaient être au cœur des événements, ils étaient tenus à l’écart de certaines discussions et négociations».

Pour Cassam Uteem, Jean Claude de l’Estrac révèle des secrets jusque-là bien gardés : «Vous serez, comme moi probablement, sidéré d’apprendre la visite nocturne et en catimini, à la veille de l’élection de juin 1982, du Premier ministre d’alors, accompagné d’un senior minister, chez un dissident notoire, dans une tentative désespérée de le convaincre de retourner au bercail. La réalité des faits rapportés dans cet ouvrage ressemble souvent à la fiction et l’histoire au roman, avec ses complots, ses intrigues, ses menaces, ses chantages et ses coups bas.»

L’auteur, lui, évoque surtout un désir de partager avec les Mauriciens cette étape importante dans la vie politique de notre île : «Mon ambition, pour ce troisième tome reste toujours la même. Raconter Maurice aux Mauriciens. Raconter et non pas chercher à prouver quoi que ce soit. Je reste fidèle à ce précepte du grand Fabius Quintilianus qui disait : “L’histoire est écrite pour raconter, non pas pour prouver”.»

L’écrivain évoque ainsi avec moult détails les événements qui ont secoué notre pays : «Ce livre raconte une période politique très mouvementée et pénible pour le Parti travailliste que dirigeait (...) sir Seewoosagur. On le voit, malmené par beaucoup de monde, y compris par ses propres amis. On le voit cherchant à se dépêtrer d’une situation inextricable, objet de chantage en raison de sa très courte majorité parlementaire, ballotté par son partenaire de la coalition, contesté par ses parlementaires et ses lieutenants, cloué au pilori par une opposition impitoyable dont je faisais partie.»

À ceux qui se demandent si on peut écrire soi-même une histoire à laquelle on a été mêlé, Jean Claude de l’Estrac répond : «Sur cette période de notre histoire contemporaine, si proche, sur ces événements qui portent encore conséquence au jour d’aujourd’hui, il n’est pas aisé, en effet, de mettre de la distance, de prendre du recul, de trouver le ton juste de l’observateur. La tâche est d’autant plus difficile, qu’en l’occurrence, l’historien, l’historien entre guillemets, est lui-même, parfois, souvent, acteur, et acteur passionné. Mais, j’ai estimé que mon métier de journaliste m’a suffisamment formé à éviter les pièges de la subjectivité, et au respect de la vérité, pour tenter de relever le défi. C’est l’objectif que je m’étais fixé, les lecteurs diront s’il a été atteint.»

Cassam Uteem met en exergue le gros travail abattu par l’auteur : «Raconter et témoigner, avec objectivité et sans porter de jugement, d’une histoire où il fut lui-même un des protagonistes, tel était le pari tenu et réussi de Jean Claude de l’Estrac (…) Il n’était certes pas facile pour lui d’être juge et partie en même temps, de raconter des épisodes dont il a été soit le témoin, soit un des principaux acteurs. Les critiques littéraires pourront confirmer qu’il s’est magistralement tiré d’affaire en optant pour une solution stylistique d’ordre éthique, utilisant le “Je” à chaque fois qu’il raconte ces épisodes.»

Pour son ouvrage, Jean Claude de l’Estrac a ainsi mené une véritable enquête en ayant à cœur le souci de précision : «C’est cette obligation de rigueur qui m’a poussé à consulter pour ce troisième tome un total de 998 sources, principalement des journaux, mais aussi les ouvrages existants, les acteurs de certains événements eux-mêmes, et des documents des archives nationales de la Grande-Bretagne récemment déclassifiés. Et ils nous révèlent parfois une histoire bien éloignée de celle que nous croyions savoir. »

Beaucoup ont souhaité qu’il ne s’arrête pas là. Le Premier ministre, Navin Ramgoolam, devait ainsi demander à ce que Jean-Claude de l’Estrac se remette très vite à l’écriture pour qu’il raconte son «troisième mandat». Cassam Uteem a aussi émis de souhait de voir une suite : «Beaucoup, comme moi par exemple, vont réclamer la suite de l’histoire qui demeure un unfinished business, et qui pourrait s’intituler, si je puis me permettre, Passions politiques mauriciennes – 1982- 2010, et qui serait le quatrième et dernier tome d’une tétralogie. J’entrevois déjà un premier chapitre avec pour titre Le ver est dans le fruit (ce qui a provoqué l’hilarité tant cette boutade renvoie à la cassure de 1983) et un dernier qui aurait pour titre Coalition de la dernière chance, dans l’intérêt supérieur du pays avec en post-scriptum, optionnel bien sûr, Mauritius, c’est un plaisir…»

Attendons voir…

Le PM Navin Ramgoolam : «Le livre m’a impressionné»

Le Premier ministre, Navin Ramgoolam, a brillé par… sa présence lors du lancement de Passions Politiques, Maurice 1968-1982. «La publication d’un livre est un événement important dans la vie de toute société. Le livre qui est lancé, je l’ai parcouru presque jusqu’à la fin. Le livre m’a impressionné. Je reconnais les partis pris, la plume de Jean Claude de l’Estrac, cet homme qui a marqué d’une façon durable la scène politique mauricienne. Je salue l’ampleur de sa documentation et la finesse de sa plume», a-t-il déclaré à cette occasion.

Le chef du gouvernement a tenu à apporter un «éclairage sur un sujet important de notre histoire». Il a, par conséquent, fait savoir qu’«il y avait plusieurs raisons à la rupture de la coalition entre le Parti travailliste et le PMSD avant les élections de 1976». Des raisons, a-t-il précisé, que Jean Claude de l’Estrac ne connaissait pas. Le Premier ministre a expliqué que sir Gaëtan Duval avait fait un accord avec le gouvernement français à l’insu de chacha Ramgoolam pour que les Français installent une base à Maurice. Navin Ramgoolam a aussi dit regretter que son père n’ait pu publier ses mémoires et a fait savoir qu’il s’intéressait lui-même à l’écriture : «Je vais écrire quand je serai débarrassé de mon devoir de réserve. Je promets ainsi de tout dire même si les faits ne sont pas à mon avantage.»

Jean Claude de l’Estrac devait dire, sur le ton de la plaisanterie, que Navin Ramgoolam ferait bien de «perdre les élections» pour qu’il commence très vite son livre.

Les raisons de l’absence de Bérenger

Le leader de l’opposition a, lors de la conférence de presse du MMM hier, expliqué son absence au lancement de l’ouvrage de Jean Claude de l’Estrac. À une question d’un membre de la presse lui demandant s’il a lu le livre, il a répondu : «J’ai lu le livre comme un roman. C’est une remarque positive. Mais ce n’est pas à cause du content que j’étais absent lors de son lancement. Je n’étais pas là pour d’autres raisons, y compris, non, surtout, pour cette histoire d’alliance entre le PTr et le MMM.» C’est là qu’un autre journaliste a allégué que l’auteur de Passions Politiques, Maurice 1968-1982 est en faveur de cette alliance. «C’est son droit, a rétorqué Paul Bérenger. Il l’a dit clairement. Mais nous ne sommes pas sur la même longueur d’ondes que lui.»

À l’heure des remerciements…

Le directeur exécutif de la Sentinelle a tenu à féliciter quelques personnes, parmi tant d’autres, qui ont contribué à son travail pour la réalisation de son livre. Il a ainsi remercié Ahmad Sulliman, le directeur des éditions Le Printemps et Solange de l’Estrac, «l’épouse, la mère, la secrétaire, l’archiviste, la correctrice, et mieux encore la mémoire dure de l’ordinateur de ma vie». Jean-Claude de l’Estrac a aussi exprimé sa gratitude à Ronald Raimbert, documentaliste à La Sentinelle, et remercié vivement «le Dr Philippe Forget, l’ancien directeur de l’express, mon préfacier. Peu de Mauriciens peuvent porter sur l’histoire de ces dernières années un regard aussi instruit et avisé».

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