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Des femmes entre colère et désespoir

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Ces femmes et leurs enfants dorment à la belle étoile depuis plusieurs jours.

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De gauche à droite : Wendy Agathe, Patricia Désiré et Jessica Hoossain.

Ces mamans, dont la plupart ont été délaissées par leurs conjoints, dorment à la belle étoile avec leurs enfants en bas âge depuis que leurs maisons, construites illégalement sur des terres de l’État, ont été démolies. Entre larmes et révolte, elles se confient.

Elles sont entassées presque les unes sur les autres sous un abri de fortune. Assises à même le sol, sur des nattes où traînent des couvertures censées les protéger du froid le soir, ces femmes s’efforcent de surveiller leurs enfants qui gambadent ici et là. À quelques pas, un garçonnet de 2 ans à peine, s’amuse à planter un morceau de bois dans la terre, faute d’avoir un jouet convenable. Alors qu’un autre, dans les bras de sa mère, boit le biberon que celle-ci a fait réchauffer, non sans difficulté, dans une casserole sur un feu de bois.

Les regards tristes et les visages marqués par une extrême fatigue suffisent à témoigner de la souffrance de ces nouveaux locataires de la rue Marjolin à Cité La Cure, dont la plupart sont des femmes délaissées par leurs conjoints. Depuis le mercredi 5 mars, ces squatters dorment à la belle étoile, à la vue de tous. Pour cause, leurs maisonnettes en tôle, construites illégalement sur des terres de l’État, ont été démolies ce jour-là. Malgré la forte mobilisation des forces de l’ordre, ces 15 familles ont essayé de faire de la résistance pour que leurs abris de fortune ne soient pas détruits. En vain. Depuis, elles sombrent petit à petit dans le désespoir tout en criant, haut et fort, leur colère.

Wendy Agathe fait partie de ces infortunés. Âgée de 21 ans et mère d’une fillette de 3 ans, elle se rendait à l’hôpital en ce mercredi 5 mars lorsqu’elle a été obligée de rebrousser chemin. Dans l’espoir de sauver sa maison. «J’étais souffrante, mais alors que je me dirigeais vers la gare d’autobus, j’ai vu des camions et autres véhicules se diriger vers les squats. J’ai tout de suite su que les maisons allaient être rasées. J’ai essayé de me frayer un passage pour regagner mon domicile, mais des policiers barraient la route», souligne Wendy, les larmes aux yeux. Sa maison, dit-elle, était tout ce qu’elle possédait. «Ma mère et une de mes tantes m’avaient donné des feuilles de tôle et du bois pour construire cette maison qui nous abritait ma fille et moi. Maintenant je ne sais plus quoi faire. On se retrouve à la rue. Nous avons perdu toutes nos affaires.»

Mais pourquoi avoir construit sur des terres appartenant à l’État ? À cette question, Wendy Agathe répond qu’elle n’a pas les moyens de payer un loyer. «Le père de ma fille m’a abandonnée. Je touche une pension de Rs 2 260 mensuellement. Je ne travaille pas car je dois m’occuper de ma fille, la conduire à l’école et aller la chercher dans l’après-midi.» La situation de cette jeune mère est loin d’être un cas isolé. Patricia Désiré, 27 ans, est confrontée à cette même réalité. Mère de trois enfants âgés de 2 ans, 5 ans et 10 ans, c’est avec la modique somme de Rs 3 000 par mois qu’elle essaye de faire vivre sa famille. «J’ai tout perdu lorsqu’ils ont détruit ma maison. Mes enfants n’ont rien pour se vêtir. Même leurs uniformes ont été détruits. Je ne sais plus quoi faire. Ils dorment avec moi sous cet abri avec les autres. Des gens de la localité sont généreux et nous apportent à manger. Ils nous aident comme ils peuvent», fait-elle ressortir.

Maigre pension

Florise Nadal, 37 ans, avait, elle, retrouvé sa «dignité» lorsqu’elle a trouvé de l’emploi dans une compagnie de nettoyage au Caudan. Depuis, elle s’en sortait tant bien que mal avec l’argent qu’elle touchait. «Mais cela ne suffisait pas pour mettre des sous de côté. J’ai construit sur des terres de l’État pour ne pas avoir à payer un loyer et dans l’espoir que le gouvernement nous reloge ailleurs, comme il le disait. Mais tel n’a pas été le cas et mes enfants de 13 ans et 6 ans se retrouvent aujourd’hui à la rue. Quel avenir vais-je pouvoir leur offrir, si ce n’est une vie de misère ? J’essaie de me débrouiller sans attendre que l’État me donne de l’argent pour vivre. J’ai ma dignité», se révolte Florise Nadal.

Le cas de Marie Jessica Hoossain, 31 ans, interpelle aussi plus d’un. Elle dormait déjà à la belle étoile, sous un abri de fortune, lorsque les autorités ont démoli les squats. Mais même son abri n’a pas été épargné. «Mes enfants ont 1 an et 8 ans. Depuis un mois, on dormait à la belle étoile, sous un prélart», murmure-t-elle, le cœur serré.

Marie Jessica a été expulsée de la maison qu’elle louait pour Rs 3 000 à Vallée-des-Prêtres. «Cela fait un an que je me suis séparée de mon époux. Je ne le vois plus et je m’occupe seule de mes enfants. Il y a quelques mois, j’ai perdu mon boulot d’employée d’usine pour cause d’absentéisme. Je devais m’occuper de mon bébé car il n’y avait personne pour le garder. Au fil du temps, j’étais dans l’incapacité de payer mon loyer jusqu’à ce que je me fasse expulser. Depuis, on dormait presque dehors, on se lavait dans une rivière et on demandait aux gens de nous prêter leurs toilettes pour faire nos besoins.»

Belinda Fanchon, elle, s’estime heureuse d’avoir pu récupérer des feuilles de tôle et des morceaux de bois après la destruction de sa maison. Et le même jour, des habitants de la localité l’ont aidée à remettre une partie de son habitation en état. «Une seule pièce a été reconstruite. Je dors dedans avec mes deux enfants de 7 et 18 ans.»

Mais la plupart n’ont pas eu cette chance. À l’instar de Patricia Blaire, 37 ans, qui comme les autres squatters, est obligée de dormir à la belle étoile. Idem pour Théodoz Gaspard, 48 ans, le seul homme du groupe que nous avons rencontré. Il vivait avec sa compagne Joyce Perrine dans ce squat jusqu’au 5 mars. De sa maisonnette, il ne reste que quelques tôles et une vieille bicyclette. Mais ce qui l’étonne le plus, c’est le fait que sa maison venait à peine d’être numérotée par le ministère des Terres et du Logement. «Le numéro B 11 avait été attribué à ma maison. Je ne comprends pas pourquoi elle a été détruite alors même que j’allais entamer des démarches pour être dans la légalité.»

Certes, ces nouveaux locataires de la rue Marjolin étaient en situation illégale sur des terres appartenant à l’État. Toujours est-il que depuis que leurs maisons ont été détruites, ils se retrouvent dans une situation de désespoir, d’où ils ne savent comment sortir…

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