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Quand Serge Lebrasse évoque les mélodies d’une autre époque

Le voyage est rempli de souvenirs et de sonorités. Qui de mieux que l’un des plus vieux routiers de la musique locale pour parler de letan lontan ? Rencontre avec un artiste qui a également été aux premières loges lors du premier lever du quadricolore. Rencontre.

L’homme. Serge Lebrasse, 87 ans, parle un peu de Maurice dans ses chansons. Il le souligne d’ailleurs à chaque fois que nous le rencontrons chez lui à Plaisance, Rose-Hill : «Ce qu’il faut retenir quand je parle de l’Indépendance, c’est Moris mo pei, Moris mo zoli pei. Je le dirai toujours. On nous a souvent proposé, à mon épouse Gisèle et moi, d’aller vivre ailleurs mais on aime trop notre pays pour le faire.» 

 

Serge Lebrasse a plusieurs cordes à son arc. Il a été enseignant ; Music Instructor après avoir été repéré par le ministère de l’Éducation qui lui propose de suivre des cours de musique auprès du Police Band pour décrocher un diplôme à la Royal School of Music ; fonctionnaire, notamment au ministère de la Jeunesse, devenu par la suite le ministère de la Jeunesse et des arts, puis le ministère des Arts et de la culture ; et porte-étendard du drapeau rouz ble zonn ver. L’artiste nous plonge dans de tendres souvenirs.

  

La musique. «La musique était omniprésente en ce temps-là. J’ai joué dans plusieurs groupes, notamment dans des restaurants à Beau-Bassin et Pointe-aux-Sables. C’était la belle époque où d’autres artistes comme Karl Brasse et feu Marclaine Antoine partageaient la scène avec moi. Tout a commencé avec la chorale de l’église Notre Dame de Lourdes. Nous avons ensuite évolué pour devenir un orchestre.

 

Les tubes de Louis Armstrong, de Ray Charles, des titres comme Tell Laura I love Her de Ray Peterson et d’autres standards du jazz cartonnaient à l’époque. Il y avait du monde dans les restaurants qui se transformaient en night clubs dans la soirée. Il y avait de l’ambiance et l’on reprenait des tubes populaires. Des gens de toutes les couches sociales, des hommes de loi, venaient, appréciaient, toujours en costard cravate. Il n’y avait pas beaucoup de séga. Sur les plages, par contre, on en jouait beaucoup. La tradition était d’aller bor lamer pour se détendre et danser au rythme du séga. Le sega tipik était vraiment à l’honneur.

 

Il y a aussi eu de belles rencontres autour de cette musique. Quand j’étais un jeune apprenti garde forestier, j’ai rencontré Alphonse Ravaton qui allait devenir Tifrer. Il était receveur d’autobus et se mettait à chanter sous une boutique à Quartier-Militaire après le boulot. Il faisait aussi du rabattage après les parties de chasse et je l’accompagnais parfois.»  

 

On aime ou on n’aime pas. «Je chantais du séga, oui, mais jamais dans les écoles où je travaillais. De nombreuses personnes n’aimaient pas le séga à l’époque. C’était une musique trop cholo pour elles. Une fois, un homme m’a même menacé d’aller voir le maître d’école car il ne supportait pas qu’un ‘‘ségatier’’ soit enseignant.

 

Heureusement, d’autres aimaient le séga. Je me rappellerai toujours de la première fois que j’ai chanté un morceau de séga sur une grande scène. C’était au Plaza, probablement au début des années 60. J’étais avec le police band et le bandmaster, Philippe Oh San, m’a annoncé tardivement que je devais interpréter un morceau de séga. J’étais un peu décontenancé. Mais j’ai bien assuré visiblement (rires). J’ai repris le morceau Madame Eugêne. Le public était aux anges ! J’ai dû chanter deux fois cette chanson.» 

 

Les coulisses de l’Indépendance. «Le Champ de Mars avait un cachet musical, particulièrement le kiosque d’alors, où le police band et moi jouions. Sir Seewoosagur Ramgoolam aimait s’impliquer dans les festivités entourant l’Indépendance. Si ma mémoire est bonne, on avait proposé une danse sur du séga pour la toute première cérémonie du lever de drapeau. Un moment très intense. Mais il n’était pas très satisfait. Par la suite, nous avons étoffé l’équipe organisatrice des festivités et SSR voulait voir plus grand.

 

Je me rappelle d’une année où il souhaitait réunir plusieurs centaines d’artistes pour un moment de séga. J’étais alors devenu dénicheur de talents ! Je passais donc des après-midi, surtout les dimanches, à sillonner les plages, à parler à ceux qui s’amusaient, à observer, à côtoyer des fans d’artistes qui avaient du succès, comme Roger Augustin et Jean-Claude Gaspard. Il y avait des intéressés et on s’est très vite retrouvés avec un bon groupe. Apparemment, on a bien joué, chanté et dansé les années qui ont suivi (rires).»