Ce que vous risquez
La Section 46 (g) et (Ga) de l’Information and Communication Technologies Act, explique Me Melany Nagen, reconnaît deux types d’offense. La première est lorsqu’une personne envoie, transmet ou fait transmettre consciemment un message faux ou frauduleux. «Une personne encourt des risques de poursuites et de condamnations si elle utilise consciemment du matériel de télécommunication pour envoyer, livrer ou montrer un message obscène, indécent, injurieux, menaçant, faux ou trompeur, susceptible de causer de l’agacement, de l’humiliation, des inconvénients, de la détresse ou de l’anxiété à quiconque.»
Si une personne est jugée coupable sous l’une de ces infractions, sur déclaration de culpabilité, elle est susceptible d’écoper d’une amende ne dépassant pas Rs 1 000 000 et d’une peine d’emprisonnement n’excédant pas 10 ans. En plus de la peine imposée, le tribunal peut aller plus loin, affirme Me Melany Nagen. «Le tribunal intermédiaire peut ordonner la saisie de tout appareil ayant un lien avec l’infraction, annuler un permis d’opération ou un service fourni à la personne qui a été jugée coupable.»
Attention danger !
Elles apparaissent souvent comme une exclusivité qu’il faut absolument partager. On y croit tout de suite, on les partage avant qu’elles ne se révèlent mensongères. Les fake news ne sont pas seulement dangereuses parce qu’elles induisent le public en erreur mais aussi parce qu’elles peuvent conduire à de graves incidents et avoir d’importantes répercussions sur la vie d’une personne, d’une entreprise, d’une communauté, de tout un pays.
Pour la politologue Catherine Boudet, le danger est réel. «Elles sont dangereuses pour les personnes qui tombent dans leur piège mais aussi pour la stabilité du pays et donc pour la sécurité de tous, surtout dans les circonstances actuelles car elles visent délibérément à créer de l’agitation. Celle-ci peut entraver l’effort des pouvoirs publics à agir, voire carrément déstabiliser cette action.» Pour elle, une chose est sûre : «Les fake news ne sont pas des plaisanteries et ceux qui les créent ne sont pas des ‘‘plaisantins’’.» Ces intox, comme on les appelle aussi, réunissent plusieurs éléments : l’invention des faits, la malveillance, la manipulation et la viralité, décrite comme la diffusion rapide et imprévisible d’un contenu.
La malveillance et l’envie de manipuler l’opinion publique animent souvent ceux qui sont les auteurs de ces fausses nouvelles. «Leur intention est de créer la peur, une émotion qui paralyse le jugement et engendre la panique. Ensuite, ces personnes cherchent à inciter ceux qui y croient à réagir ou même à agir de façon violente. Enfin, les fake news acquièrent ensuite leur force par leur potentiel de viralité, quand un grand nombre d’internautes incrédules les transmettent sans se rendre compte qu’ils sont ainsi dupés et manipulés.» Le fait que les fake news deviennent virales sur les réseaux sociaux renforce alors, poursuit Catherine Boudet, leur potentiel de dangerosité. «C’est donc un piège de croire aux fake news parce qu’on devient, sans le savoir, un maillon de la chaîne de la violence et de la manipulation.»
Comment les repérer ?
Nous sommes actuellement noyés sous une tonne d’informations. Souvent, il est difficile de différencier une vraie nouvelle d’une fausse. Pourtant, il est possible de discerner le vrai du faux en se posant les bonnes questions. Pour évaluer la qualité et la pertinence d’une information, il faut d’abord se montrer vigilant, explique Christina Chan Meetoo, chargée de cours en communication à l’Université de Maurice. «Avant de partager quoi que ce soit et, donc, potentiellement de participer à la distribution de fausses nouvelles ou de nouvelles approximatives, il faut se poser plusieurs questions : qui est l’auteur original de cette information ? Quelles sont les motivations de cette personne dans le partage de cette information ? Son contenu contient-il une logique solide ?»
Les experts en communication partent tous du principe qu’une information transmise par un inconnu sur Facebook, WhatsApp ou autre est généralement plus fausse que vraie. Nous l’avons vu cette semaine avec les rumeurs de pillage de supermarchés et d’attaques contre la station de police de Roche-Bois. Des nouvelles qui se sont très vite révélées fausses.
Pour y voir plus clair, il faut procéder de manière systématique et mettre en perspective ces informations. Selon Christina Chan Meetoo, il faut faire attention à plusieurs choses. Par exemple, ne vous fiez pas uniquement au titre, au résumé ou à l’illustration. «Il peut y avoir décalage avec le contenu détaillé. Certains font du sensationnalisme et du clickbait pour gonfler leur audience.» Lisez et relisez attentivement le contenu de cette nouvelle dans le détail. «Voyez si l’information cite des sources expertes, cherchez les sources scientifiques publiées concernant le sujet et vérifiez si ces sources sont vraiment expertes. Vous devez vous méfier si le texte comporte des fautes et beaucoup de majuscules et des points d’exclamation.»
Attention aussi aux sources utilisées par l’auteur et se demander comment celles-ci ont été obtenues. Demandez-vous également si la nouvelle cite différentes sources qui sont crédibles et qui donnent la même information. «Il faut aussi se demander si l’information suscite des émotions fortes. Si oui, c’est souvent un signe qu’il s’agit de sensationnalisme pour vous pousser à partager l’information. De plus, demandez-vous si les photos soi-disant originales ont déjà été utilisées ailleurs pour un autre sujet ou une date antérieure.»
Méfiez-vous si on vous demande, précise Christina Chan Meetoo, de partager la nouvelle sous prétexte que les autorités et les médias nous cachent cette information. Il est préférable de vous fier aux médias reconnus, même si ces derniers ne sont pas à l’abri de faire des erreurs.
La police durcit le ton
Arrestation, amende, peine d’emprisonnement. Les conséquences seront lourdes pour ceux qui enfreignent la loi et diffusent de fausses nouvelles sur la Toile. D’ailleurs, plusieurs arrestations ont déjà eu lieu. Le DCP Jhugroo a lancé un appel au public, dénonçant la manipulation de certaines vidéos. «Ne circulez pas de fausses nouvelles au détriment de la paix sociale de notre pays. N’ajoutez pas des choses qui ne se sont pas passées à Maurice dans ces vidéos pour créer du désordre social dans le pays.»
Le ministre de la Technologie, Deepak Balgobin, l’a aussi affirmé : des sanctions sévères seront prises. «La Cybercrime Unit de la police et mon ministère travaillent ensemble pour traquer ces personnes irresponsables qui sèment la panique dans un moment aussi pénible pour notre pays et le monde. Aussitôt qu’on les aura retracées, elles subiront les sanctions comme prévu selon la loi.»
L’Independent Broadcasting Authority (IBA) a aussi lancé une mise en garde en rappelant que l’IBA Act prévoit la révocation des licences des chaînes de télévision et des radios qui diffusent de fausses nouvelles pouvant mettre en danger l’ordre public.
Les arrestations se poursuivent
Au jeudi 26 mars, cinq personnes avaient été arrêtées pour avoir propagé de fausses nouvelles. L’activiste Jameel Peerally a été le premier dans ce cas. On lui reproche d’avoir fait croire que des émeutes avaient éclaté dans certains endroits du pays et que des supermarchés se faisaient dévaliser après la déclaration du Premier ministre dans la soirée du mardi 24 mars annonçant la fermeture des boulangeries, boutiques et supermarchés. Il a été arrêté le mercredi 25 mars et conduit en cellule policière avant d’obtenir la liberté conditionnelle le lendemain. Il devra s’acquitter d’une caution de Rs 30 000 et signer une reconnaissance de dette de Rs 150 000.
Bradley Louis Lito Nina a aussi été arrêté. Selon l’enquête des policiers, il serait l’auteur d’un message vocal faisant état d’un pillage dans un supermarché de Baie-du-Tombeau. Les autres suspects sont Steevie Lagamelle, Wesley Fidèle et la tarologue Oleyssa Paradis.