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Assassinat de Fareeda Jeewooth, 9 ans : 40 ans de prison pour le beau-père et 3 ans pour la mère - Noorah, sa soeur : «Cette sentence ne nous apaise pas...»

Noorah estime que la mère  de Fareeda aurait dû écoper  d'une sentence aussi sévère  que celle du beau-père.

Cette fillette a vécu l’enfer chez sa mère et son beau-père avant d’être finalement tuée sous les coups de ce dernier. Puis, pour se débarrasser du cadavre, les deux l’ont brûlé, ont essayé de le découper, puis l’ont enfoui sous un tas de fumier dans un champs de canne. Trois ans plus, ses bourreaux ont été condamnés à 40 et 3 ans de prison. Mais pour la soeur et le grand-père de Fareeda Jeewooth 9 ans, cette sentence, surtout concernant la mère, ne fait pas justice à la petite victime. Ils se confient…

C’est un grain de beauté qui lui avait permis d’identifier positivement le corps sans vie de sa demi-soeur. Cette petite tâche de naissance était, se souvient Noorah Jeewooth, située sur le pied droit de la petite Fareeda ; la seule partie de son petit corps brutalisé et souillé qui avait été exemptée des flammes après que son beau-père Deven Chiniah et sa mère Pallavi Khedoo avaient tenté d’y mettre le feu pour s’en débarrasser. «Monn kone se li parski se mwa ki ti pe begn li kan li ti tipti», dit-elle. Cette lourde tâche, que ses proches auraient bien voulu lui épargner vu qu’elle n’était âgée que de 19 ans au moment des faits, lui avait été confiée le 30 mars 2020, alors que notre île vivait son premier confinement. Leur père ayant été condamné à huit ans de prison dans une affaire de drogue quelque temps plus tôt, la jeune femme était la seule à porter le même nom de famille que la petite et a ainsi dû passer par ce très douloureux moment. «Fode ou ena enn mari kouraz pou fer sa», confie Noorah.

 

Il lui avait fallu du temps pour s’en remettre. «Mo pa ti pe dakor pou les Noorah fer sa me nou pa ti ena swa», lâche son oncle Salman Hossenbaccus, qui l’avait accueillie chez lui après l’arrestation de son père. Les deux mois ayant suivi, se souvient-il, ont été terribles : «Elle a fait une dépression. Li ti nepli konpran nanye. Nou ti nepli rekonet li. Nous avions dû l’emmener voir un imam et des prêtres. Nous avons beaucoup prié pour qu’elle guérisse.» De cette période, Noorah Jeewooth ne garde aucun souvenir : «C’est comme si je m’étais enfermée dans le déni. Je ne me souviens plus de ce qui s’est passé après que j’ai vu le corps de ma soeur, même pas de ses funérailles.» Lorsqu’elle a fini par se faire à l’idée qu’elle ne verrait plus sa soeur, la seule chose qui lui a permis de tenir le coup a été «l’espoir de voir ses meurtriers être punis un jour. Nous avons placé toute notre confiance dans notre système judiciaire».

 

Ce jeudi 18 mai 2023, Noorah Jeewooth et son grand-père paternel Mohamad Ali Hossenbaccus, plus connu sous le nom de Beber, n’auraient raté pour rien au monde le procès de Deven Chiniah et Pallavi Khedoo dans le cadre de l’assassinat de la petite Fareeda, 9 ans, commis le 29 mars 2020 à la résidence du couple à Cité Onyx, Quatre-Cocos. Beber a même reporté une intervention chirurgicale qu’il devait subir et c’est muni de béquilles, aidé de sa petite-fille, qu’il s’est déplacé jusqu’à la Cour d’assises pour écouter la sentence imposée par le juge Lutchmeeparsad Aujayeb. «L’attente avait été longue et difficile, le procès ayant été renvoyé à plusieurs reprises. Nous savions que rien ne pourrait nous ramener notre petite Fareeda mais nous comptions sur le verdict pour apaiser notre souffrance», confie Noorah. Néanmoins, la sentence prononcée – surtout contre la mère – n’a fait que remuer le couteau dans leurs plaies encore béantes : Deven Chiniah a été condamné à 40 années de prison pour l’assassinat de la fillette alors que Pallavi Khedoo a écopé de 3 ans de prison pour avoir aidé son concubin à se débarrasser du cadavre. «Li ti sipoze an sekirite dan so lakaz, me so prop mama pann kapav protez li ! Ki sa zanfan-la inn kone dan so lavi ? Après tout ce qu’elle a vécu, est-ce tout ce à quoi elle a droit ?» s’insurge la jeune femme.

 

Versions différentes

 

À l’énoncé du verdict, le juge Lutchmeeparsad Aujayeb dit avoir tenu en compte le fait que les deux accusés avaient plaidé coupables à l’ouverture du procès, en septembre 2022. Dans sa version des faits, rappelons-le, Deven Chiniah avait d’abord indiqué que le jour fatidique, c’était la mère de la fillette, et non lui, qui avait infligé des coups à la victime après lui avoir donné son bain. Il avait déclaré que Fareeda était ensuite allée se coucher et que peu de temps après, ils avaient constaté qu’elle ne respirait plus. Il avait, par la suite, reconnu avoir infligé des coups à la fillette à la tête avec un morceau de bois parce qu’elle mettait trop du temps à terminer son repas. La version de Pallavi Khedoo diffère, néanmoins, de la sienne. Celle-ci avait allégué avoir surpris la fillette dans sa chambre à coucher, à moitié nue, en train d’embrasser son compagnon. Elle a déclaré l’avoir ensuite sévèrement réprimandée et frappée avec une ceinture, suite à quoi sa fille lui avait avoué que c’est son beau-père qui l’avait incitée à le faire. Pallavi Khedoo avait raconté que son concubin s’était ensuite emparé d’un morceau de bois pour frapper la fillette à la tête, lui reprochant d’être «enn mentez». Selon la mère, Fareeda se serait ensuite effondrée, se plaignant de vertiges, et elle l’aurait mise au lit après avoir changé ses vêtements. Ce serait après avoir constaté, un peu plus tard, que la petite ne réagissait plus que les deux auraient décidé de se débarrasser de son corps.

 

Toujours selon la mère de la petite victime, le corps de Fareeda avait d’abord était transporté dans une autre pièce de leur modeste demeure, où ils auraient tenté de le brûler. Cette tentative de faire disparaître sa dépouille s’étant avérée vaine, ils avaient alors essayé de découper son cadavre partiellement calciné en plusieurs morceaux pour le faire tenir dans un sac poubelle, toujours en vain. Ils avaient finalement placé sa dépouille dans un sac en plastique avant de se rendre dans un champ de cannes à Mare-du-Puits, à moto, pour l’enterrer. N’ayant pu fouiller le sol assez profondément, ils se sont résignés à enfouir son corps dans un tas de fumier, dans une plantation de pommes d’amour, avant de signaler sa disparition au poste de police de Belle-Mare à la première heure, le lendemain. Pallavi Khedoo donnait encore sa déposition aux enquêteurs lorsque le propriétaire de la plantation a informé les forces de l’ordre de la découverte du corps de la fillette.

 

Tensions

 

«Nous n’avions sollicité aucun avocat, pensant que le magistrat imposerait une sentence appropriée aux deux accusés. Je suis satisfaite de la sentence imposée à son beau-père, mais je ne comprends pas comment sa mère a pu écoper de seulement trois ans d’emprisonnement dans un cas pareil. Linn donn koudme pou kasiet so lekor, li ti prezan kan ti bat li. Li pann fer nanye pou ed zanfan-la. Linn protez misie-la dan plas li protez so zanfan. Monn gard sa pwa-la lor mo leker tou sa letan-la. Mo ti panse ki so santans pou soulaz mwa me mo ena linpresion ki mo ser pann gagn la zistis. Kan ou re tann tousala dan lakour, ou atann ou ki donn enn verdikt sever pou ki lot zanfan pa pass ladan. 3 an li pou pass vit, dan inpe letan mama-la pou kapav rekoumans so lavi normal», déplore Noorah.

 

L’énoncé de ce verdict a, d’ailleurs, suscité des tensions au tribunal. «Monn lev mo lame pou dir ki mo pa dakor me personn pann ekout mwa», pleure la demi-soeur de Fareeda. Révoltés après cette annonce, son grand-père et elle ont été escortés à la sortie par les forces de l’ordre. Beber, tout aussi affligé, pensait également que la mère de la victime écoperait d’une sentence plus lourde. «Li ti bizin ferme pou o mwin 30 an. Sa ti pou enn sinial for pou bann lezot mama ki maltret zot zanfan. Pou mwa, li pli an tor ki boper-la. Tou travay ki boug-la inn fer, li ti la. Li pann fer nanye pou dekouraz li pou fer sa.» Dans son enquête, Pallavi Khedoo a allégué avoir agi sous la menace de son compagnon. «Pourtan, zot rest dan NHDC kot tou lakaz kol kole. Kifer li pann rod enn led avek enn vwazin ?» s’interroge Beber. Il regrette également que la police les ait fait sortir de la salle d’audience «koumadir se nou ki kriminel».

 

Pour lui, cette sentence est la preuve d’une énième faille dans notre système judiciaire. Pour cause, ce n’est pas la première fois que les proches de la petite Fareeda perdent un combat devant le tribunal. Lorsqu’elle était plus jeune, la fillette avait toujours vécu avec son père et sa soeur, tandis que Pallavi Khedoo était allée vivre avec un autre homme. «So papa finn touzour bien okip li. Zanfan-la pa ti pe mank nanye», affirme Beber. Néanmoins, lorsque le papa a été arrêté en 2020, la petite a été confiée à sa mère biologique bien que d’autres membres de la famille aient insisté pour s’occuper d’elle. Quelque temps après qu’il avait obtenu la liberté conditionnelle, le père de Fareeda avait été contacté par son établissement scolaire car elle avait des blessures sur tout le corps et avait confié à son enseignante qu’elle était maltraitée par sa mère. «Mo papa ti al rod li deswit. So latet ti kase, li ti ena mark kot so pwagne. Il l’a d’abord conduite à l’hôpital, où on lui avait posé des points de suture, puis a informé la Child Development Unit. Zot ti mem vinn lakaz pou get so bann mark», avance Noorah.

 

La fillette a vécu quelque temps avec son père, jusqu’à ce que celui-ci soit condamné à huit ans de prison dans une affaire de drogue. Elle a alors été confiée à sa mère à nouveau. «Nous n’avions pas obtenu sa garde malgré des preuves de maltraitance. Monn lager pou li rest avek nou me mazistra pann dakor parski mo pena mem nom fami ki li. Zot pa finn mem avoy enn ofisie kot mama-la pou kone si zanfan-la ti korek kot li ete», déplore Beber. D’autant que, selon Noorah, «devan mazistra mem mo ti ser ti dir li prefer al res dan enn shelter ki retourn avek so mama. Li ti pe plore avek nou granper, ti pe dir li pa less li real rest avek so mama sinon li pou gagn bate». Elle regrette tellement de n’avoir pas été en mesure de se battre pour sa garde à l’époque : «Mo ti tro zen, mo ti fek fini lekol ek pa ti pe travay.»

 

Salman Hossenbaccus, l’oncle de Fareeda, revient péniblement sur les funérailles de celle-ci. «Le médecin légiste avait insisté pour que nous allions directement au cimetière à cause de l’état de son corps mais nous tenions à la ramener à la maison quelques minutes. Linn vinn dan so lakaz dan enn sak plastik nwar. Nou pann mem kapav trouv so figir enn dernye fwa. Nounn bizin fer so la priyer ek anter li koumsa mem.» Un départ tragique qui a doublement affecté le père de la fillette qui, à cause des conditions sanitaires, n’avait pas été autorisé à quitter la prison pour assister aux obsèques de son enfant. «Se pli gran regre mo papa parski Fareeda ti so tifi prefere», se désole Noorah.

 

Aujourd’hui, cette dernière aurait souhaité pouvoir faire appel de la sentence concernant la mère de sa petite soeur. «Nou pa pe lager zis pou nou, nou zis pa anvi ki lezot zanfan pass par mem zafer.» En revanche, Beber, le grand-père paternel, estime que s’opposer à cette sentence serait «une perte de temps car le judiciaire ne se rangera pas de (notre) côté». Il lance un appel au public : «Reazir pou ki enn lot zanfan pa pass mizer. Apre enn verdikt parey, si nou krwaz mama-la lor sime dime, kouma ou panse nou pou reazir ? Nou pou kontign nouri enn vanzans ek la enn tout long nou lavi parski la zistis pann fer so travay.» Leur seul soulagement, désormais, est que Fareeda «inn anfin gagn so lape, inn al dan enn bon plas dan paradi, dan plas li kontinie gagn bate ek soufer avek enn mama ki pann kapav protez li».

 


 

Une voisine : «Se akoz bann otorite inn fote ki zanfan-la inn perdi so lavi»

 

Ils auraient, à maintes reprises, dénoncé ce couple auprès de la Child Development Unit (CDU). C’est ce qu’avaient indiqué les résidents de la NHDC, à Cité Onyx, Quatre-Cocos, à la police lorsque le corps sans vie de Fareeda Jeewooth avait été découvert. Témoins du calvaire que vivait la fillette de 9 ans entre les mains de sa mère et de son beau-père, ils s’en étaient remis aux autorités qui, disent-ils, ne sont jamais intervenues. Une voisine, qui a souhaité garder l’anonymat, lâche : «Se akoz bann otorite inn fote ki zanfan-la inn perdi so lavi.» Elle revient sur cette tragique affaire avec tristesse : «Depi tifi-la ti vinn rest la, li ti pe gagn bate avek so mama. À chaque fois que je la croisais, je voyais des bleus sur son corps. Lorsque je la questionnais sur ses marques, elle me répondait que sa maman la frappait. Li ti enn zanfan tromatise.» D’ailleurs, dit-elle, «mo rapel li ti mem deza sot la fenet pou sove, al kot enn lot vwazinn, parski li ti pe gagn tro bate».

 

Notre interlocutrice avance que lorsqu’elle en parlait à la mère, «li ti pe reponn ki zanfan-la move, ki li pa ekoute, me tou zanfan fer kapris. Li pa ti merit sa. Parfwa mama-la ti pe dir mwa ki se akoz linn tombe, me kan monn persiste, linn koumans ramas zanfan-la dan lakaz, anpes li sorti». Par moment, poursuit-elle, «sa mère et son beau-père l’obligeaient à porter des pullovers et des collants en plein été pour dissimuler ses ecchymoses». Pour cette voisine, «mama-la pli koupab, so santans pa ase». Elle se demande même si ce n’est pas la mère qui aurait tout orchestré car «nou ti pe trouv li kit zanfan-la souvan ek misie-la, li retourne 2 er di matin. Misie-la ki ti pe get tifi-la». Le jour où la police a découvert le corps de la petite Fareeda, dit-elle, «zot tou ti bien ankoler dan vilaz. Tou seki ti konn zanfan-la ti vinn la kan ti amenn zot. Zot pa ti mem paret afekte. Mo tifi ousi inn tromatise kan linn tann sa, li pa ti pe dormi. Nounn mazine ki si avek so prop zanfan linn fer sa, li ti kapav fer pir ek seki pou nou.»

 

Le commerçant de la boutique Highway, située non loin de l’école primaire de Quatre-Cocos, garde, pour sa part, de Fareeda le souvenir d’une petite fille «ki ti pe res riye. Zame nou ti pou doute ki li ti pe viv enn zafer koumsa». Il n’avait pas, non plus, remarqué les hématomes qu’elle dissimulait sous son hijab. Il en est de même pour Nazima, qui vend des gâteaux en face de ce commerce. «Mo pa ti kone ki li ti pe pass mizer. Monn bien sagrin. Li ti enn bon tifi. Mo ti pe zis panse ki so fami pa ti pe donn li manze parski toultan li ti pe vinn get mwa, dir mwa li pe fin. Je lui offrais des gâteaux gratuitement. Monn gagn sok kan monn aprann sa. Si mo ti kone ki ti pe ariv li, mo ti pou ed li.»