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Ameenah Gurib-Fakim : Moi, présidente…

Ameenah Gurib-Fakim : Moi, présidente…

Dans quelques jours, elle prêtera serment à la State House. Une toute nouvelle aventure, au sommet de l’État, pour cette amoureuse des plantes… Elle se confie.

Parfum fleuri. Parfum de bonheur. Des pétales de joie. Et un tourbillon de feuilles de satisfaction. Dans le jardin de sa vie, Ameenah Gurib-Fakim, scientifique reconnue internationalement, plante un nouvel arbre. Un des plus beaux, un des plus impressionnants. Après la démission de Kailash Purryag, ce vendredi 29 mai, la scientifique deviendra la première femme à occuper ce poste constitutionnel. Madame le Professeur deviendra, dans quelques jours, Madame la présidente de la République (voir hors-texte). Avant de prendre ses fonctions, elle savoure la bonne nouvelle sereinement avec sa famille. Cela faisait plusieurs mois qu’elle attendait cette nomination. La proposition avait été faite par Ivan Collendavelloo avant même la victoire de l’Alliance Lepep aux législatives du mercredi 10 décembre.

 

La lauréate du prix L’Oréal-Unesco (Women in Science Award for Africa) en 2007 a fait face à plusieurs mois d’attente. L’espoir de commencer la nouvelle aventure après les résultats des élections générales s’était, très vite, dissipé comme la première note d’une fragrance fleurie. Mais Ameenah Gurib-Fakim n’a pas trouvé le temps long. Elle s’attendait même à patienter jusqu’à la fin du mandat de Kailash Purryag : «J’ai pris tout cela d’une manière assez philosophique.» Avec son entreprise, sa vie de famille et ses différentes sorties dans le cadre de ses futures fonctions, les jours et les semaines se sont enchaînés sans aucune amertume : «Il n’y avait pas de déception. Il était question du sommet de l’État. Ce n’était pas correct de bousculer les choses.» 

 

C’est auprès de ses proches qu’elle se ressource. Ses parents Assenjee et Feeldoss Gurib.

 

D’ailleurs, elle se préparait à une entrée au Réduit en 2017 ! Elle pensait fleurir encore les bureaux, nouvellement aménagés, de son entreprise (Cephyr, un centre de recherche en phytothérapie). Du coup, la nouvelle du départ de Kailash Purryag l’a surprise. Cette semaine, elle l’a entamée comme une autre. Rien à signaler dans le monde d’Ameenah Gurib-Fakim. Elle ne se doutait pas qu’elle allait être décisive : «Je n’étais pas au courant.»

 

D’ailleurs, elle n’avait jamais entendu parler d’un quelconque accord entre sir Anerood Jugnauth et le président démissionnaire avant la publication du communiqué allant en ce sens et émanant de la State House (voir hors-texte). Les plus belles choses arrivent parfois quand on s’y attend le moins. L’auteure de nombreux ouvrages – tels que Toutes les Plantes qui soignent (Michel Lafon, Paris) ou encore Medicinal Plants of the Indian Ocean Islands (MedPharm Scientific Publishers, Stuttgart, Germany) – en a fait visiblement l’expérience ces derniers jours : «Je n’étais pas dans le secret des dieux. Tout cela est arrivé de manière impromptue pour moi.»

 

Faire honneur à sa fille

 

Et ce bonheur, elle le partage avec sa famille. Son époux Anwar. Ses parents, Assenjee et Feeldoss Gurib, qui vivent avec elle à Quatre-Bornes. Et ses deux enfants Adam et Imaan. Ceux qui ont toujours été là pendant ces années où elle s’est construite en tant que femme, mère et scientifique de renom. Pour sa fille, l’honneur est immense. Elle parle, bien sûr, de celui d’avoir une mère comme Ameenah Gurib-Fakim : «Je suis honorée d’avoir une mère comme la mienne. C’est vrai que j’étais étonnée qu’on lui propose le poste, mais au vu de son parcours, je me suis dit ‘‘pourquoi pas’’ ! Je ne crois pas que les choses vont changer. Elle trouvera toujours du temps pour mon frère et moi. Elle l’a toujours fait.»

 

D’ailleurs, c’est avec ses proches que la future présidente fête, ce week-end, sa prochaine entrée à Réduit : «C’est la fête des parents. Donc, ça tombe bien.» Une plage de répit, entre les nombreuses sollicitations et les interviews, avant d’entamer une semaine marathon : «Je vais me préparer à mon entrée en fonction avec sérénité.» La docteur honoris causa de l’université Pierre et Marie Curie (Sorbonne) a eu le temps de réfléchir à la présidente qu’elle veut être. Elle a déjà dessiné les contours de ce rôle de chef d’État dont elle a rêvé : «Je serai une présidente engagée. Je souhaite apporter ma contribution dans différents domaines comme la science, l’éducation, l’environnement, entre autres. Je vais continuer mon travail, mais à un autre niveau. D’ailleurs, je peux faire bien uniquement ce que je sais faire !»

 

Son époux Anwar, à l’extrême droite de la photo, l’accompagne dans tous les moments de sa vie.

 

Pas une présidente «vase à fleurs», assure-t-elle : «Ce poste, on en fait ce qu’on veut en faire. Si on veut agir comme un vase à fleurs, c’est un choix. C’est au président de s’engager s’il le souhaite. La présidence le permet.» Car ce poste n’est pas qu’une fonction de prestige, assure-t-elle : «Au-delà du pouvoir, ce poste appelle à une responsabilité envers les Mauriciens. Et c’est ça le plus important.» Comme une plante dont on s’occupe au quotidien, qu’on arrose, qu’on soigne et à qui on parle. Une plante que l’on veut voir grandir et s’épanouir : «Je serai, aussi, une présidente de proximité. Je serai proche du peuple. Et la nouvelle équipe dirigeante devra l’être également.»

 

Si Ameenah Gurib-Fakim s’est toujours présentée comme une personne apolitique, elle sera amenée à côtoyer les membres de l’Alliance Lepep et à travailler en étroite collaboration avec eux. Comment gérera-t-elle cette entrée en politique ? Même si elle estime qu’un président de la République doit se situer au-dessus de la mêlée, être à ce poste implique une certaine proximité. «Je suis prête à travailler avec la nouvelle équipe : les défis sont là, il faut s’y mettre ! La déroute de l’alliance PTr-MMM doit apprendre une chose : c’est qu’il faut être à l’écoute des gens et de leurs attentes, et travailler pour soulager leurs souffrances», explique-t-elle. Sera-t-elle critique envers l’actuel gouvernement qui lui a ouvert la route vers la présidence ? «Il y a critique et critique. On doit pouvoir dire les choses, mais il faut avoir la manière de le faire. Et puis, il faut penser aussi aux critiques positives et aux propositions. Si on critique uniquement pour critiquer, c’est lâche», précise-t-elle.

 

Ampleur des scandales

 

D’ailleurs, interrogée sur le bilan de la bande à SAJ, elle fait jouer ses talents de diplomate : «Quand on parle de bilan, on parle de long terme. Ce que je peux dire, c’est qu’ils ont dû se dépatouiller avec l’héritage de l’ancien gouvernement. Le gouvernement a été débordé par l’ampleur des scandales. Néanmoins, un travail en parallèle se fait.» Ça ne pleut pas – encore – des fleurs. Mais ça viendra, rassure-t-elle : «Il faut leur donner un peu de temps.»

 

Déjà, elle salue la décision de l’Alliance Lepep de lui confier les clés de la présidence : «C’est une décision politique de mettre une personne apolitique à un poste politique. Et toute action qui pousse à augmenter la présence féminine est pour moi une bonne chose. Que ce soit en politique ou ailleurs.» Sa prochaine nomination a, d’ailleurs, provoqué une vague de sympathie. Sur les réseaux sociaux et sur les ondes des radios privées, nombreux sont ceux qui ont salué la présence d’une femme au sommet de l’État.

 

Néanmoins, si certains parlent de cette nomination comme étant un bribe électoral en vue des municipales du 14 juin, d’autres décrivent cet événement en termes de communauté. Ameenah Gurib-Fakim ne serait qu’une personnalité de la communauté musulmane, carte politique dans la course aux élections municipales pour l’Alliance Lepep. Des qualificatifs quelque peu réducteurs. Mais parfois nécessaires, selon la future présidente : «Je vais être dure. Mais la représentativité est nécessaire. Alors, il faut les employer ces qualificatifs. Maurice est une île plurielle où il est nécessaire que tout le monde se retrouve. C’est en mettant une diversité de personnes à des postes-clés qu’on arrive à fédérer le maximum de monde.»

 

Sa prise de fonction permettra, selon elle, un équilibre important. Mais une avancée de taille dans le combat pour la méritocratie : «C’est seulement en faisant ça que nous nous rapprocherons de nos idéaux. Lee Kuan-Yew disait qu’il n’y a rien de pire que d’être dans un pays où on ne peut accéder aux postes suprêmes. Alors si on veut suivre un tant soit peu le modèle singapourien, il faut travailler en ce sens. Afin d’avoir l’île Maurice qu’on veut. Sinon on aura l’île Maurice qu’on mérite.» Alors, elle veut aider à façonner cette île. Celle où chacun sentira un parfum de bonheur…

 


 

Ameenah Gurib-Fakim aime sa famille, mais aussi les sciences.

 

Sur ses pas…

 

Chercheuse, professeure de chimie organique, auteure, Ameenah Gurib-Fakim a une carrière riche. Depuis toujours, cette scientifique aime les… sciences. D’ailleurs, adolescente, elle demande son transfert du Couvent de Lorette de Mahébourg à celui de Quatre-Bornes afin d’étudier la chimie. Après son HSC, elle s’envole pour l’université de Surrey où elle obtient son degré en 1983. Puis un PhD en chimie en 1987 à l’université d’Exeter. Elle poursuit sa formation aux États-Unis. Elle rentre à Maurice, trouve de l’emploi à l’université locale en tant que lecturer. Puis se tourne vers la phytochimie. Elle est également membre du conseil de direction de l’African Academy of Science, Commandeur de l’ordre du Star and Key of the Indian Ocean, docteur honoris causa de l’université Pierre et Marie Curie, lauréate en 2007 du prix L’Oréal-Unesco, entre autres. Ameenah Gurib-Fakim a aussi travaillé au Mauritius Research Council comme Manager for Research and Development et a été doyenne de la faculté des sciences et pro-vice chancelière de l’université de l’Île Maurice. Son seul échec ? Peut-être le fait de ne pas avoir obtenu le poste de vice chancelière de cette institution tertiaire, malgré ses diplômes et son expérience.

 


 

Au programme

 

Rien n’est encore confirmé. Néanmoins, il semblerait que les prochains jours seront très chargés pour Ameenah Gurib-Fakim. L’Assemblée nationale devrait procéder, le jeudi 4 juin, à son élection et elle devrait prêter serment à la State House le vendredi 5 juin. En attendant l’entrée en fonction de la scientifique, c’est la vice-présidente, Monique Ohsan-Bellepeau, qui assurera l’intérim. Son départ n’est pas exclu. Son mandat se termine en novembre.

 


 

 

Kailash Purryag : démission, accord et… rumeurs

 

Un communiqué pour mettre fin aux rumeurs. Après plusieurs heures de spéculations, Kailash Purryag a officialisé sa démission, le vendredi 29 mai, en début d’après-midi. Elle a pris effet, le jour même, à partir de 18 heures. Dans cette communication officielle, le président de la République a apporté une précision. Sa décision résulte d’un accord entre lui et sir Anerood Jugnauth. Le 29 janvier 2015, il a été décidé qu’il quitterait ses fonctions à la fin du mois de mai. Par ailleurs, d’autres rumeurs circulent : Kailash Purryag aurait quitté la State House pour reprendre les rênes du PTr, car Arvin Boolell n’arriverait pas à faire l’unanimité. Une prise de pouvoir temporaire en attendant le retour de Navin Ramgoolam qui a fort à faire en ce moment. Néanmoins, certains proches de l’ancien président affirment que ce dernier aspire à une retraite bien méritée…

 


 

Ses cinq dates…

 

En attendant qu’elle ajoute une sixième date – celle de sa prestation de serment en tant que présidente de la République –, revenons sur ces événements importants qui ont jalonné la vie d’Ameenah Gurib-Fakim.

 

◗30 juillet 1988. Le jour où elle a dit «oui» à Anwar. «Se marier, c’est une grande décision à prendre ! L’institution du mariage, c’est l’institution du compromis», confie la future présidente de la République avec humour. De retour à Maurice, après ses études en Angleterre, elle rencontre celui qui va devenir son époux : «J’étais l’amie de la sœur d’Anwar. C’est comme ça que je l’ai connu.» Elle avait 26 ans. Le coup de foudre ? «On peut dire ça comme ça», s’exclame-t-elle, en éclatant de rire. Elle se souvient de sa «grande robe blanche et du voile qui traînait» : «J’avais la totale !»

 

 

◗3 octobre 1989. 26 avril 1998. Les dates où elle a donné naissance à Adam et à Imaan, respectivement. «Avoir une carrière, c’est bien. Mais avoir une famille, c’est mieux. Le plus beau cadeau que la nature offre à la femme, c’est la possibilité d’avoir des enfants», confie Ameenah Gurib-Fakim. Son premier enfant, elle l’attendait avec impatience : «Je me suis mariée et je suis tombée enceinte. J’ai toujours voulu avoir des enfants. Et j’avais 27 ans ! À l’époque, j’étais déjà vieille.» Huit ans plus tard, elle est enceinte d’Imaan : «C’était beaucoup de bonheur. J’ai toujours rêvé d’avoir un garçon et une fille.» Aujourd’hui, Imaan est devenue une jeune fille de 15 ans. Et Adam est étudiant en Art & Design en Angleterre : «Les enfants n’appartiennent pas aux parents. Nous sommes là pour les guider.»

 

Avec son fils Adam et sa fille Imaan (il y a quelques années).

 

◗Novembre 2009. Le moment où elle a créé CEPHYR. Après une longue carrière à l’université de Maurice, elle décide de claquer la porte de l’institution tertiaire et de se lancer en imaginant ce centre pas tout à fait comme les autres : «J’aime l’idée de construire quelque chose et de laisser un héritage.» Cinq ans plus tard, elle est heureuse de ce qu’elle a accompli : «C’est une réussite. Il s’agit d’une entreprise en pleine croissance, qui surfe sur la connaissance et qui a obtenu la confiance de grandes entreprises à Maurice. Nous recrutons des jeunes et des femmes.»

 

◗Octobre 2014. L’instant où elle a décidé d’accepter la proposition de l’Alliance Lepep. C’est le leader du Muvman Liberater, Ivan Collendavelloo, qui lui fait une proposition qu’elle ne peut refuser : «J’en ai parlé à mes proches et je leur ai fait part de ce que je voulais faire.» Une belle reconnaissance pour sa riche carrière : «Mais il ne faut pas s’arrêter là. C’est un début. Il faut construire maintenant pour avancer.» Elle voulait s’investir à un autre niveau pour son pays : «J’ai travaillé pour mon pays, mais de manière indirecte. Je ne voulais pas faire de la politique «caisse savon». Je suis heureuse d’avoir pu m’engager différemment.»

 


 

Réactions : entre fierté et accusation de «bribe électoral»

 

Qu’Ameenah Gurib-Fakim accède à la présidence semble être bien accueilli par les Mauriciens et les politiciens. Néanmoins, ceux qui oeuvrent hors de la majorité gouvernementale s’interrogent sur l’éventualité que cette nomination soit un bribe électoral à l’approche des municipales du 14 juin. Les représentants de l’Alliance Lepep estiment, eux, que cette théorie est farfelue. Nombreux sont ceux qui se demandent comment SAJ aurait pu prévoir, dès janvier, l’exacte date de la tenue des municipales.

 

Ivan Collendavelloo, vice-Premier ministre, ministre de l’Énergie, des services publics et leader du ML : «C’est un sentiment de fierté et de devoir accompli. Je suis très fier qu’une femme extrêmement intelligente et qui fait la fierté de l’île Maurice comme Ameenah Gurib-Fakim puisse accéder à de si hautes fonctions. Elle représentera parfaitement Maurice dans les fonctions internationales. J’ai beaucoup de respect pour Kailash Purryag. Mais face à un tel mandat populaire, il n’avait que le choix de step down afin que la machinerie démocratique puisse avancer (…) Cette démission n’a rien à voir avec le contexte municipal. La transition s’est faite naturellement.»

 

Anil Gayan, ministre de la Santé : «Il était grand temps. Nous sommes très contents qu’Ameenah Gurib-Fakim devienne la première présidente de la République. Il n’y a aucune pression du gouvernement pour faire partir Kailash Purryag. Il avait demandé à rester jusqu’en mai. Et maintenant il part.»

 

Shakeel Mohamed, député travailliste : «Je suis très heureux qu’elle ait été choisie pour être la future présidente de la République, alors qu’elle n’a été membre d’aucun parti politique. Mais je lui dirai ceci : ayez le courage de montrer que vous pouvez attendre jusqu’au 15 juin, après les élections. Sinon, on aura l’impression qu’elle a été instrumentalisée par le parti au pouvoir.»

 

Paul Bérenger, leader de l’opposition et du MMM : «Quand on accepte de quitter la présidence de cette façon-là, cela laisse des doutes sur le fait que le gouvernement ait quelque chose contre Kailash Purryag. Ceci dit, nous sommes évidemment full d’accord avec la nomination de madame Gurib-Fakim en tant que présidente de la République. Mais c’est clair aussi que le move du gouvernement est électoraliste.»