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Affaire Sherry Singh : chronologie d’une semaine riche en rebondissements

Après le coup de théâtre du départ de Sherry Singh de Mauritius Telecom et ses accusations de «sniffing» contre Pravind Jugnauth, plusieurs développements ont eu lieu. Retour sur une nouvelle semaine au rythme des déclarations, des descentes policières et des interrogatoires. 

La réplique de Pravind Jugnauth n’a pas tardé. En effet, après avoir accumulé les sorties contre Sherry Singh, notamment lors du Bureau politique du MSM au Sun Trust le samedi précédent, le Premier ministre a porté plainte à la police contre l’ancien CEO de MT suite aux allégations de celui-ci. Lors de la séance parlementaire du mardi 12 juillet, Pravind Jugnauth a confirmé sa déposition lors d’une question de Patrick Assirvaden. Il a déclaré avoir remis à la police des documents et des preuves qui serviront à faire la lumière sur cette affaire. Une fois de plus, le PM a réfuté les accusations portées contre lui, affirmant qu’il n’y a eu «à aucun moment une installation ou une tentative d’installer un équipement pour surveiller le trafic Internet» et a invité Sherry Singh à venir dire ce qu’il a à dire.

 

La police chez Radio Plus. Au grand étonnement de tous, deux officiers du Central CID ont débarqué dans les locaux de la radio mardi matin afin d’interroger Nawaz Noorbux, directeur de l’information, dans le cadre de l’enquête qui a été ouverte sur les allégations de Sherry Singh. Selon les enquêteurs, Nawaz Noorbux a été interrogé en tant que témoin, une procédure tout à fait normale au début de chaque enquête policière.

 

Le même jour, des rumeurs sur une éventuelle arrestation de Sherry Singh se sont propagées à vitesse grand V alors qu’il était attendu sur le plateau de l’express pour une interview dans la soirée. Les journalistes étaient présents devant son domicile à Ébène en même temps que Bruneau Laurette et Dev Sunnasy de Linion Pep Morisien, Navin Unoop de la Voice of Hindu et Darren l’activiste, entre autres.

 

Pas de preuves concrètes, mais des éléments troublants quand-même. Après la bombe lâchée sur les ondes de Radio Plus le 1er juillet dernier, ce deuxième rendez-vous médiatique était attendu de tous. En effet, dans la soirée du samedi 9 juillet, l’express avait annoncé une interview de Sherry Singh le mardi suivant, à 19h30. À l’heure du rendez-vous, l’audience était là, tout comme celui qui fait l’actualité depuis plusieurs jours maintenant. Il avait promis des preuves et la population n’avait qu’une hâte : qu’il dévoile enfin ses informations irréfutables. S’il n’y a pas eu de preuves physiques – il a expliqué devoir les préserver pour les remettre à la police dans le cadre de l’enquête en cours –, Sherry Singh est néanmoins revenu en détails sur le déroulé des événements, des informations suffisantes, selon lui, pour prouver la «trahison» du Premier ministre.

 

Qu’a-t-on appris ? Plusieurs choses. D’abord, il a expliqué qu’il y a bien eu un «survey», mais principalement une intervention physique, d’une équipe étrangère – dont un certain «Monsieur moustache» – sur le câble de fibre optique SAFE (qui gère la majorité du trafic Internet de Maurice et qui est régi par un consortium international) à Baie-Jacotet, intervention qui a duré entre 12h59 et 18h52, et qui serait, selon lui, totalement illégale. Il a même donné des heures qui seraient vérifiables sur les images des caméras de surveillance. Avant cela, il y aurait eu des lettres et une rencontre avec l’équipe d’Indiens lors de laquelle le «gro moustas» lui aurait dit qu’il souhaitait analyser le trafic Internet afin d’installer un équipement d’interception. Sherry Singh aurait refusé catégoriquement, mais après un appel d’un Pravind Jugnauth visiblement remonté, il aurait obtempéré.

 

Pourquoi n’a-t-il pas démissionné plus tôt ? C’est la question qui était sur toutes les lèvres. S’il n’a pas démissionné à ce moment-là, a expliqué l’ancien CEO de MT, c’est parce qu’il voulait accumuler suffisamment de preuves et stopper ce qui se passait.

 

Une convocation officielle a été remise à Sherry Singh le mercredi 13 juillet à son domicile par un officier du CCID. L’enquête de la police tourne autour de trois points : Breach of ICTA, Criminal Defamation et Diffusing False News. Face à la presse, Sherry Singh a réitéré sa motivation. «Je sais que je n’ai rien fait de mal et que je suis sur le bon chemin. Ma force vient de ma conviction. Je suis focalisé sur ma mission qui est de révéler la vérité et de rassembler la population.»

 

Après Radio Plus, la police chez l’express. Le mercredi 13 juillet, trois officiers du CCID ont débarqué au siège de La Sentinelle pour interroger le journaliste Axcel Chenney après l’émission de la veille où Sherry Singh est passé à l’autre étape et livré plusieurs informations supplémentaires. Les enquêteurs ont demandé une déclaration écrite d’Axcel Chenney sur la tenue de cette émission et une copie de celle-ci. 

 

Sherry Singh est arrivé aux Casernes centrales un peu avant 9h30 le jeudi 14 juillet pour son interrogatoire. À ses côtés, son avocat Me Gavin Glover. Cependant, les deux hommes ne tarderont pas à rebrousser chemin suite à une demande de l’homme de loi de repousser cet exercice en raison de ses obligations professionnelles en cour.

 

De retour au CCID dans l’après-midi, l’ancien chef de Mauritius Telecom a finalement été interrogé et confronté à l’entretien qu’il avait donné à Radio Plus. Face aux enquêteurs, il a formellement nié les accusations de publication de fausses nouvelles, de diffamation et de Breach of ICTA. Moins de deux heures plus tard, Sherry Singh est réapparu serein face aux caméras. «Nous sommes revenus à la demande de la police pour l’interrogatoire qui se déroule correctement. Je ne ferai pas de commentaire, ni Sherry Singh. L’interrogatoire se poursuivra demain. Je suppose que ce sera une très longue enquête», lance son avocat.

 

Nouvel interrogatoire pour Sherry Singh le vendredi 15 juillet au CCID. Les enquêteurs l’ont une fois de plus confronté à l’enregistrement de son interview sur Radio Plus. Il sera de retour aux Casernes centrales la semaine prochaine pour la suite de son interrogatoire.

 

Les piques du PM n’en finissent pas. Eh oui ! Le chef du gouvernement ne rate pas une occasion d’égratigner son ancien camarade à chaque fois qu’il le peut. De sortie dans l’après-midi du vendredi 15 juillet à la Central Metro Station de Curepipe, le PM, répondant aux questions des journalistes, a déclaré : «Mo ti tan dir ti pou ena tsunami. Il est même allé sur une radio pour en parler. Zot pa pe rod tsunami me zot pe rod vag. Enn vag zot pa pe trouve.» Selon lui, bien qu’une enquête soit en cours, Sherry Singh se doit de dire toute la vérité. «On verra s’il y a un grand déballage.» Pour Pravind Jugnauth, il n’y a aucun malaise au sein de son gouvernement. «Je mets au défi n’importe qui de me pointer du doigt.»

 


 

Réactions politiques : l’opposition attaque, le gouvernement se défend

 

Les policitiens n'ont pas manqué de commenter l'affaire Sherry Singh lors de leurs conférences de presse respectives en ce samedi 16 juillet. Tour d'horizon...

 

Paul Bérenger, leader du MMM : «Lepep ena drwa kone ki sann-la sa misie moustas-la»

«Lepep ena drwa kone ki sann-la sa misie moustas la. Ki sa bann koleg ki ti ek li pendan 6h tan la ? (…) Pravind Jugnauth bizin rann piblik sa de let site dan sa zafer-la, ki dat di 21 oktob ek di 22 oktob 2021. Premye minis bizin ousi rann piblik sa let 15 avril-la. Dan Parleman, linn dir ki finn fer enn survey. Foss sa. Pravind Jugnauth inn indwir popilason en erer. Li bizin dir la verite. Le 12 avril, kikenn de so biro ti telefonn Sherry Singh pou dir li enn lekip de l’Inde pe vini landemin pou enn survey. Li insilte nou kan li dir sa. Mo dimann li rann piblik rapor sa survey-la. Nou pou tass ek li. Sa mardi-la, Reza Uteem pou poz li kestion dan Parleman lor National Security Advisor de Maurice. Li pa normal ki sa post-la okipe par enn etranze apre 50 an.»

 

Roshi Bhadain, leader du Reform Party : «Pravind Jugnauth bizin dir si ti ena intervansion fizik»

«Il y a eu unauthorised access aux cables Safe appartenant à un consortium. Premye minis pa gagn drwa dir Sherry Singh donn akse dan Baie Jacotet. Ansien CEO Mauritius Telecom dir li ena so bann prev ki finn ena enn survey fizik laba. Pravind Jugnauth bizin dir si ti ena intervansion fizik. Li bizin aret kasiet derier bann mo kouma survey. Li bizin dir ki sa lekip la inn fer laba pandan 6h. Pravind Jugnauth inn donn 6 version lor la ziska ler. La ousi so bann informasion lor kont gout. Ena alegasion grav kont li. Li mem ki bizin prouve ki tousala fos.»

 

Nanda Bodha, leader du Rassemblement Mauricien) : «Kifer Baie de Jacotet ?»

«Kifer inn swazir zis Baie de Jacotet ? Ena de lezot plas ankor kot ena bann kab landing station.»

 

Arvin Boolell, chef de file du PTr au Parlement :  «Tout doit se faire dans la transparence»

«Les dignitaires des pays amis avec qui je me suis entretenu avouent que la réponse du Premier ministre au Parlement sur cette affaire les laissent perplexes et qu’ils sont inquiets. Ces affirmations entachent grandement l’image du pays et à l’avenir même les investisseurs n’auront plus confiance. Ce gouvernement a une culture d’opacité et de vol. C’est pourquoi nous voulons que tout se fasse dans la transparence mais aussi que les findings du survey  et les footages des caméras CCTV soient rendus publics.»

 

Kugan Parapen, de Rezistans ek Alternativ : «Tout ceci est suffisant pour qu’il step down»

«On a un Premier ministre qui a changé sa version en 48 heures suite  aux allégations de Sherry Singh, ce qui induit le Parlement et la population en erreur. Au lieu d’éclaircir la situation de façon sérieuse, il fait des jokes, et il adopte à nouveau l’attitude d’il y a deux ans lors du naufrage du Wakashio : kot monn fote ? (…) Tout ceci est suffisant pour qu’il step down, mais ici, la démocratie ne vole pas très haut en ce moment (…) Faut-il qu'on en arrive à ce qui s’est passé au Sri Lanka ?»

 

Ashok Subron, de Rezistans ek Alternativ : «J’appelle l’opposition à poser les bonnes questions…»

«Beaucoup de questions sont soulevées. Est-ce qu’il est normal qu’un ancien haut placé dans le service de haut renseignement de l’Inde, aussi impliqué dans des manœuvres politiques au Sri Lanka, soit Security Advisor au PMO ? Est-ce normal qu’après 54 ans d’indépendance, plusieurs secteurs stratégiques sont sous le grip de pays étrangers, comme la sécurité maritime, la circulation des citoyens via les safe city cameras, ou même Mauritius Telecom contrôlée à 40% par France Telecom (…) Je lance un appel à l’opposition d’adresser les bonnes questions pour faire grandir l’île Maurice, notamment sur la démilitarisation de l’océan Indien, le renforcement du Data Protection Act, et de prendre position sur notre sécurité intérieure.»

 

Deepak Balgobin, ministre de la Technologie : «Il essaie de manipuler l’opinion publique»

«Les allégations de Sherry Singh ont causé un préjudice irréparable à notre pays, au gouvernement et à la personne du Premier ministre. Il y a deux versions dans ce qu’il dit. Il avance aussi qu’il y a eu intervention physique sur le câble SAFE. C’est totalement faux. Il essaie de manipuler l’opinion publique pour faire croire que le gouvernement check les appels, les messages et les mails. Son but est de créer une psychose, de faire peur aux gens et  de jeter de la boue sur le Premier ministre. Pour le moment, nous ne pouvons pas parler des détails de cette affaire car il y a une enquête en cour, mais attendez voir. Vous verrez qui dit vrai et qui dit faux.»

 

Maneesh Gobin, Attorney General : «Nous disons non à l’hystérie»

«Il agit avec une bassesse incroyable en attaquant la réputation d’un pays par pur jeu politique. Ce n’est pas bon pour notre pays et Mauritius Telecom qui est une compagnie qui fait bien mais qui va prendre un sale coup juste parce que l’ex-CEO a un agenda politique. Vous verrez qu’à l’Assemblée nationale, c’est un seul parti politique qui s’intéresse à ça. Les autres députés, eux, ne posent pas de questions. Ce sont des agissements clairs et un accord a été fait entre Sherry Singh et ce parti politique. Il n’y a eu aucune illégalité. Ce qu’il fait est très dangereux. Nous disons non à l’hystérie que certains veulent créer dans le pays.»

 

Textes : Jean Marie Gangaram, Valérie Dorasawmy, Stephane Chinnapen et Amy Kamanah-Murday