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Affaire Roches-Noires

Anand Kumar Ramdhony, Louis Claude Drapcand et Jacques Bigaignon sont décédés dans des circonstances tragiques.

Ils sont tous liés de près ou de loin à l’affaire Roches-Noires et sont décédés dans les jours ou les années suivant l’éclosion de celle-ci. Anand Kumar Ramdhony est mort en cellule policière il y a trois ans, son présumé complice Jacques Bigaignon a rendu l’âme en 2014 et Louis Claude Drapcand, le vigile en poste au bungalow de Navin Ramgoolam le soir du cambriolage, est décédé en 2013. Alors que l’enquête a été rouverte, leurs proches respectifs ne peuvent s’empêcher de se demander si ces décès ont à voir, d’une façon ou d’une autre, avec cette saga qui a déjà fait couler beaucoup d’encre.

Le chagrin, les doutes, l’incrédulité. Autant de sentiments qui envahissent les proches d’Anand Kumar Ramdhony, Jacques Bigaignon et Louis Claude Drapcand quand ils entendent parler de l’affaire Roches-Noires. Car ces trois hommes qui ont tous un lien, même lointain ou non avéré, avec cette histoire, sont aujourd’hui décédés. Le premier par pendaison en cellule policière «dans des conditions douteuses» et les deux autres de maladie, l’un d’une cirrhose du foie, l’autre de complications dues à une forte tension artérielle. Toutefois, leur entourage ne peut s’empêcher de se demander si leur mort a un lien quelconque avec cette saga qui revient dans l’actualité avec la réouverture de l’enquête autour du cambriolage au campement de l’ex-Premier ministre Navin Ramgoolam à Roches-Noires en 2011.

 

Les arrestations et interrogations s’enchaînent aux Casernes centrales dans le cadre de cette saga et bientôt, ce sera au tour de l’ancien chef du gouvernement de venir s’expliquer sur toute cette affaire où il y aurait eu complot pour pervertir le cours de l’enquête policière. Car alors que les différentes dépositions de ces derniers jours tendent à démontrer que Navin Ramgoolam était sur place au moment du vol d’une montre Rolex et d’une somme de Rs 20 000 à son bungalow, la déclaration initiale, faite par son bon ami Rakesh Gooljaury à l’époque, indique que c’est ce dernier qui était sur place à ce moment-là et que le Premier ministre était absent des lieux. Selon Gooljaury, c’est l’ex-PM qui lui aurait demandé de faire cette fausse déclaration.

 

 

Les enfants d’Anand Kumar Ramdhony commencent à voir une lumière au bout du tunnel.

 

À mesure que les enquêteurs tentent de démêler cet écheveau, les proches d’Anand Kumar Ramdhony, de Jacques Bigaignon et de Louis Claude Drapcand espèrent que toute la vérité éclatera enfin. Cela va faire bientôt quatre ans que Kevin Ramdhony, 24 ans, attend de savoir ce qui est arrivé à son père Anand Kumar Ramdhony. Ce dernier, un habitant de Plaine-des-Papayes, avait été arrêté en juillet 2011 pour possession d’une montre volée à une habitante de la NHDC de l’endroit, valant Rs 7 000. Mais le lendemain, il a été retrouvé pendu dans sa cellule dans des circonstances qui restent troubles, à en croire Kevin Ramdhony. Plus tard, des gens, notamment ceux de l’opposition, ont commencé à faire le lien entre Anand Kumar Ramdhony et le vol de la Rolex au bungalow de Navin Ramgoolam. Ce qui rendait la mort de celui-ci en cellule encore plus douteuse. «Mon frère, mes deux sœurs et moi sommes toujours dans le flou concernant le décès de notre père, car il y a plusieurs faits troublants. D’abord, il y a eu différentes versions concernant l’heure de sa mort. Au début, les policiers disaient qu’il s’était pendu vers 2 heures, ensuite à 3 heures et finalement à 4h45. De plus, comment quelqu’un qui est en détention dans un poste de police peut-il déchirer le fourreau de son matelas, fabriquer une corde et se pendre sans faire de bruit. Nous voulons aussi savoir comment une personne peut se pendre à genoux», s’interroge Kevin, se faisant le porte-parole de Veneeta, 26 ans, Priyanka, 19 ans, et Vicky, 25 ans, employé sur un bateau de croisière.

 

«Rendre justice»

 

Depuis la mort de leur père, la vie de ces enfants est devenue un vrai cauchemar qui a atteint son apogée à la mort de leur mère Rita Devi en janvier 2013. «Notre mère est décédée après avoir été rongée par un cancer dû au stress causé par toute cette histoire. Elle n’a jamais digéré la mort de mon père et a toujours crié haut et fort qu’il ne s’était pas suicidé. Elle s’est battue jusqu’à la fin pour connaître la vérité. Se akoz sa case la mem ki nu mama inn mor. Depuis le décès de nos parents, notre famille n’est plus la même», confie le jeune homme.

 

La réouverture de l’enquête sur l’affaire Roches-Noires, dit-il, est une très bonne chose, car son frère, ses sœurs et lui pensaient qu’elle allait être classée. «Notre père et notre mère sont morts dans la souffrance. Il faut leur rendre justice. J’ai appris que le CCID s’intéressent de près à la mort de mon père. Deux policiers, en poste au moment des faits, ont été interrogés hier (Ndlr : le vendredi 16 janvier). Nous espérons que justice sera faite cette fois», assène Kevin.

 

Tout comme lui, Pamela Drapcand, 62 ans, espère avoir des réponses à ses nombreuses interrogations avec la réouverture de l’enquête policière sur l’affaire Roches-Noires. Son mari Louis Claude Drapcand, un vigile, était en poste au bungalow de Navin Ramgoolam à Roches-Noires au moment du cambriolage le 3 juillet 2011 et il aurait été la première personne à dire officiellement à la police, à l’époque, que ce dernier était bel et bien présent sur les lieux à ce moment-là. Il est décédé le
1er novembre 2013 suite à des complications dues à une forte tension artérielle. Mais l’épouse de cet ex-employé de Brinks, qui totalisait 18 ans de service, est convaincue que c’est toute cette affaire qui aurait affecté sa santé.

 

 

Pamela Drapcand explique que le moral de son époux a pris un sérieux coup après l’histoire du vol au bungalow de Navin Ramgoolam.

 

Selon Pamela Drapcand, son mari avait subi des pressions pour garder le silence sur ce qu’il savait de ce cambriolage. Peu après, cet habitant de Cité EDC à Caroline avait également été muté. Son épouse avance que son comportement avait drastiquement changé après ce 3 juillet 2011 fatidique : «Mo panse sa case Ros Nwar la mem kinn fatig mo mari. Il était de nature réservée et ne parlait jamais de son travail. On savait juste qu’il était en poste à Roches-Noires. Mais après son transfert, il est devenu encore plus renfermé. Il a commencé à boire beaucoup, dans les boutiques du coin et à la maison. On se doutait que quelque chose de grave s’était passée dans son travail. Nous n’avons jamais su ce qui s’était réellement passé. Il était très stressé. Il digérait très mal cette situation mais n’en parlait pas. Ce n’est que lorsque la police a interpellé mon neveu qu’on a su qu’un vol avait été commis dans le bungalow de Navin Ramgoolam.»

 

Le neveu en question est un dénommé Rajiv Jugroo. La police avait interpellé et interrogé ce maçon car il avait passé un appel à son oncle sur son portable, le soir du vol. Sylvain Matoka, le gendre de Louis Claude Drapcand, raconte : «Linn dir nu ki la polis ti krwar mo boper ti konplis ek li dan sa case vol la. A vre dir, li ti telefonn mo boper pu enn lot zafer aswar la, enn frizider ki enn ti vann ek lot. La polis inn larg li parski so alibi ti solid. Ziska zordi Rajiv tromatize kan koz la polis ek case Ros Nwar ar li. Li sove ek li pale koz sa zafer la ditou.»

 

Le seul fait d’entendre le mot Roches-Noires donne également des frissons aux proches de Jacques Bigaignon, celui-là même qui avait incriminé Anand Kumar Ramdhony pour recel de la montre qu’il avait lui-même volée à son épouse. Toutefois, son entourage ignore comment le vol de la montre de Mme Bigaignon, une Westar, peut avoir un lien avec celui de la Rolex emportée au bungalow de Navin Ramgoolam. Il ne comprend pas non plus pourquoi Jacques Bigaignon a impliqué Anand Kumar Ramdhony. «Kifer Jacques inn ris Anand dan sa case la. Ziska ler mo pa konpran sa. Nu mari tris pu li ek so fami. Nu pa truv Jacques pe donn Anand sa mont la. Se domaz pu li ek so fami», déclare un proche de Jacques Bigaignon.

 

L’épouse de Jacques Bigaignon, qui travaillait dans un hôtel du littoral Nord, avait reçu la montre qui lui a été volée par la suite en cadeau d’un couple étranger qui était en vacances à Maurice en juillet 1999. Peu après avoir constaté sa disparition, elle avait porté plainte à la police pour dénoncer son époux qui avait des antécédents.

 

Arrêté, cet ancien taximan est passé aux aveux et a passé plusieurs nuits en cellule policière avant de retrouver la liberté sous caution. Dans le passé, Jacques Bigaignon, âgé de 46 ans à sa mort, avait déjà volé plusieurs bijoux appartenant à son épouse et à sa fille qu’ils ont ensemble. Des objets que la mère et la fille récupéraient ensuite chez des marchands de légumes du coin à qui il les avait refilés pour avoir des sous pour picoler. Après son arrestation pour le vol de la montre de sa femme, Jacques Bigaignon a déclaré aux enquêteurs qu’il l’avait vendue à Anand Kumar Ramdhony, un de ses amis de beuverie.

 

«Empoisonnement»

 

Mais Jacques Bigaignon n’est plus de ce monde pour aider les enquêteurs à y voir plus clair dans toute cette affaire. Il est décédé d’une cirrhose du foie, le 29 octobre 2014, après deux jours à l’hôpital du Nord. Son certificat de décès en fait d’ailleurs mention. Mais certains ne peuvent s’empêcher de s’interroger et de supputer. Des mauvaises langues laissent entendre qu’il a peut-être développé une cirrhose après avoir été empoisonné alors qu’il buvait dans une boutique de sa localité. Mais connaissant ses mauvaises habitudes, ses proches sont, eux, d’avis qu’il se serait plutôt intoxiqué en prenant des médicaments avec de l’alcool. Lorsqu’il avait été admis à l’hôpital deux jours avant sa mort, souffrant de diarrhées aiguës, le personnel soignant avait d’ailleurs pris note qu’il était sous l’influence de l’alcool.

 

Selon une proche de Jacques Bigaignon, ce dernier avait été trouvé coupable du vol de la montre de sa femme, mais n’avait été condamné à aucune amende ni peine d’emprisonnement dans la mesure où l’accusé et la victime vivaient sous le même toit. Le couple, qui n’était pas en bons termes, vivait séparément, mais dans la même maison.

 

Après leur arrestation dans l’affaire du vol, Jacques Bigaignon et Anand Kumar Ramdhony se sont retrouvés en cellule au poste de police de Rivière-du-Rempart en même temps. Le premier avait déclaré que le second n’arrêtait pas de faire le va-et-vient aux toilettes dans la nuit du 29 au 30 juillet, durant laquelle il se serait donné la mort. Il a toujours raconté qu’il avait entendu du bruit ce soir-là, émanant de la cellule de son ami, avant que son corps ne soit découvert le lendemain matin.

 

Mais comment faire le lien entre cette affaire de vol de montre et le cambriolage de Roches-Noires ? «Peut-être que le lien entre les deux affaires est le patronyme de Jacques : Bigaignon. Il porte le même nom de famille qu’une proche collaboratrice de Navin Ramgoolam. Est-ce que, dans l’éventualité d’un acte malveillant, le commanditaire se serait trompé de personne en tuant Anand ? Je ne le vois pas se suicider à cause de cette affaire de recel. Il devait marier sa fille quelques mois plus tard. Selon nos informations, le vrai coupable du vol à Roches-Noires réside à Goodlands», affirme une proche de Jacques qui souhaite elle aussi que la nouvelle enquête policière vienne dissiper toutes les zones d’ombre entourant cette affaire. Une bonne fois pour toutes.

 


 

 

Comment l’affaire éclate

 

Ce qu’on appelle l’affaire Roches-Noires a éclaté en 2011 avec la découverte du cadavre d’Anand Kumar Ramdhony qui avait été arrêté pour le vol d’une montre. Mais il y a eu des rumeurs, par la suite, affirmant que la montre en question serait celle qui aurait été volée au bungalow de l’ex-Premier ministre et que l’objet appartiendrait à ce dernier. Ce que Navin Ramgoolam a toujours nié. Le corps sans vie d’Anand Kumar Ramdhony avait été retrouvé le 30 juillet 2011 dans sa cellule au poste de police de Rivière-du-Rempart. Selon la police, il se serait pendu avec une corde fabriquée avec la toile de son matelas. L’autopsie avait conclu que ce maçon était mort par asphyxie due à la pendaison. Peu après, tous les policiers de ce poste avaient été mutés ailleurs. La famille du défunt a toujours récusé la thèse de suicide car, selon elle, il y avait trop de zones d’ombre dans cette affaire. Le 13 juillet 2012, une enquête judiciaire a débuté au tribunal de Mapou pour prendre fin le 31 décembre de la même année. La magistrate Shefali Ganoo, qui a présidé cette enquête, a conclu au suicide au grand dam des proches d’Anand Kumar Ramdhony.

 


 

 

 

 Rakesh Gooljaury est un témoin important dans cette affaire.

 

 

 

Le grand déballage de Rakesh Gooljaury

 

Des révélations à la pelle. Voilà comment résumer l’interrogatoire de Rakesh Gooljaury, l’ancien ami de Navin Ramgoolam, le dimanche 11 janvier. Le principal concerné se serait rendu aux Casernes centrales en toute discrétion et de son propre gré, en présence de son avocat Sanjeev Teeluckdharry, pour revenir sur la déposition qu’il avait faite en 2011, déclarant qu’un voleur, armé d’un couteau, l’avait menacé et forcé à lui remettre une somme de Rs 20 000 et une montre, alors qu’il se trouvait dans le bungalow de l’ancien Premier ministre à Roches-Noires, le 3 juillet 2011.

 

Les enquêteurs du CCID ont eu de quoi faire depuis qu’il est passé à table. Cette unité a ainsi franchi une deuxième étape importante dans l’affaire Roches-Noires, après l’audition des vigiles de service le soir du vol au bungalow de Navin Ramgoolam. Dans sa nouvelle déposition, l’homme d’affaires Rakesh Gooljaury explique que c’est Dass Chetty qui devait consigner une fausse déposition pour dénoncer le vol tout en faisant croire que le Premier ministre d’alors n’était pas sur place ce soir-là. Mais comme l’homme était injoignable, c’est lui qui a eu la tâche de «pran sarz» de l’affaire, à la demande de Navin Ramgoolam lui-même.

 

Selon ses dires toujours, l’ancien Premier ministre avait donné une fête dans son bungalow en présence de plusieurs invités. Un élément déjà avancé par les vigiles qui étaient en poste ce soir-là. Il a aussi avancé que c’est Nandanee Soornack en personne qui l’avait appelé pour lui demander de retourner sur le champ à Roches-Noires à cause de l’histoire du vol qui a eu lieu après le départ des invités. Un cambrioleur, dit-il, a fait irruption dans le bungalow en passant par une petite fenêtre et se serait jeté sur Navin Ramgoolam. L’intrus lui aurait donné des coups de poing à l’estomac et exigé qu’il lui remette sa Rolex. Le leader du PTr n’aurait pas agréé à cette demande, mais il lui aurait donné Rs 20 000, somme qu’il avait sur lui au bungalow.

 

Rakesh Gooljaury souligne que le voleur n’a jamais pu être retracé à cause des fausses informations qu’il avait fournies à la police à l’époque. L’homme d’affaires a également donné des détails très importants sur les rôles joués par les DCP Jokhoo et Sooroojbally ce jour-là, pour camoufler l’affaire. Le CCID a procédé à leur arrestation le mercredi 14 janvier et ils ont comparu en cour le lendemain. Les limiers ont également interrogé Dass Chetty, de même qu’une invitée à la fête de Navin Ramgoolam. Tout laisse croire que les enquêteurs vont maintenant interroger les autres invités avant de passer à l’interrogatoire de l’ancien Premier ministre.