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Une ouvrière bangladeshie égorgée par son amant à Gris-Gris

Molla Musa a avoué avoir assassiné la Bangladeshie.

Elle faisait partie de ces petites mains du prêt-à-porter qui ont quitté le Bangladesh pour venir travailler dans l’industrie du textile à Maurice. Elle n’avait qu’un objectif en tête : travailler dur pour sortir sa famille de la pauvreté. Hélas, Mina n’a pu réaliser son rêve le plus cher car elle a été égorgée froidement par nul autre que son amant. Ce dernier en avait après les économies de la jeune femme.

Entre le cœur et la raison, Mina a dû choisir. Pour le bien-être de ses proches, mais aussi le sien, elle a pris la décision qui lui semblait la plus juste. Ce faisant, elle a laissé derrière elle toute sa famille, ses amis et sa terre natale, le Bangladesh. Un pays qui atteint des sommets en matière de pauvreté depuis de nombreuses années, où il est très difficile de mener une vie décente ou même de manger à sa faim. L’herbe étant plus verte ailleurs, comme dit le dicton, Mina ne recule devant rien lorsque l’opportunité de travailler à l’étranger lui sourit. Elle pourra enfin gagner un peu d’argent et sortir sa famille de la misère. D’ailleurs, avant elle, nombre de ses compatriotes sont passés par cette voie incontournable dans l’espoir de mener une vie meilleure.

 

C’est ainsi que le 10 mars 2010, la jeune Bangladeshie de 24 ans foule le sol mauricien pour la première fois avec pour seul but de bosser dur, d’économiser de l’argent et de venir en aide à sa famille financièrement. Depuis, c’est au sein de la Compagnie mauricienne de Textile Ltd (CMT), à Phoenix, qu’elle travaillait comme machiniste. Petite main du prêt-à-porter, elle trimait du lundi au samedi, de 7h30 à 17h15 et les samedis de 07h30 à 15h00, sans compter les heures supplémentaires qu’elle acceptait volontiers de faire jusqu’à 19 heures, pour gagner un peu de sous en plus. Le dimanche, son seul jour de repos, elle rencontrait parfois quelques-uns de ses compatriotes qui ont, comme elle, tout quitté en quête d’un avenir meilleur dans l’île. C’est lors d’une de ces rencontres qu’elle fera la connaissance d’un dénommé Molla Musa qui deviendra plus tard, son amant. Une rencontre qui a fini par lui coûter la vie le dimanche 13 juillet.

 

Ce jour-là, Mina a été égorgée à Gris-Gris par cet ouvrier bangladeshi, âgé de 29 ans. Arrêté par la police, Molla Musa a avoué avoir tué la jeune femme après lui avoir volé la somme de Rs 75 000, mais aussi parce qu’elle aurait exercé des pressions sur lui pour qu’il se sépare de son épouse et officialise leur relation. Dans ses aveux, il a aussi incriminé deux de ses collègues, Jamal Uddin, 29 ans, et Suman Rari, 24 ans. Ces derniers, à qui il aurait donné comme mot d’ordre «bizin eliminn Mona», l’auraient aidé dans sa sale besogne. Les deux hommes nient cependant les accusations qui pèsent sur eux (voir hors-texte).

 

Sentiment d’insécurité

 

Ce qui est sûr, c’est que le décès tragique de cette ouvrière suscite un fort sentiment d’insécurité et surtout d’incompréhension parmi les Bangladeshis installés dans l’île et réputés pour être très solidaires entre eux. «Ils sont solidaires parce qu’ils font face aux mêmes réalités. C’est triste ce qui est arrivé», nous confie une personne qui connaissait bien la victime. D’ailleurs, notre interlocuteur la décrit comme une employée modèle, travailleuse, timide et réservée. Lorsque son premier contrat d’embauche est arrivé à terme en mars 2013, Mina a renouvelé son accord avec la CMT qui lui a octroyé une rallonge d’un an, qui a ensuite été prolongée jusqu’à mars 2017.

 

«Après la fin de son premier contrat, elle avait droit à deux mois de congé et était éligible à des tickets d’avion aux frais de la compagnie pour se rendre dans son pays et revenir ensuite. Mais elle n’a pas opté pour cela», confie une source à la CMT. Tout porte à croire que ce choix a été guidé par son désir profond de sortir sa famille de la misère. Quitte à se priver de quelques semaines de repos. Car Mina voulait ce qu’il y avait de mieux pour les siens, restés au Bangladesh. C’est ainsi qu’elle économisait une grande partie de son salaire mensuel, qui variait entre Rs 9 500 à Rs 10 000, pour l’envoyer ensuite à sa famille périodiquement.

 

C’est justement ce qu’elle s’apprêtait à faire quelques jours avant le drame. Mais au lieu de faire le transfert de l’argent elle-même via la Western Union, elle avait confié la somme de Rs 75 000 à son amant, le dimanche 6 juillet, toute aveuglée qu’elle était par les sentiments qu’elle éprouvait à son égard et la confiance qu’elle plaçait en lui, pour qu’il effectue la transaction à sa place. Selon nos recoupements, Mina n’avait pu effectuer le transfert d’argent ce jour-là en raison de la longue file d’attente à laquelle elle s’était heurtée en se rendant à l’une des succursales de la Western Union. Toutefois, une semaine après avoir remis cette forte  somme d’argent à Molla Musa, Mina a appris que ce dernier n’avait jamais effectué la transaction.

 

S’estimant trahie, elle lui a ordonné de lui rembourser les Rs 75 000 qu’elle avait économisées durant de long mois à travers un fond commun, plus connu comme «sit». Molla Musa lui a alors donné rendez-vous à Curepipe le dimanche 13 juillet pour lui rendre son argent. Mais l’homme avait déjà son plan machiavélique en tête. Il a expliqué à  la police qu’il avait acheté un couteau de cuisine dans un supermarché le vendredi 11 juillet, qu’il avait confié à ses complices, à qui il avait donné rendez-vous à la plage de Gris-Gris le dimanche fatidique. La même plage où il a emmené Mina ce jour-là, lui disant qu’il devait y récupérer les Rs 75 000 d’un ami bangladeshi.

 

Sumun Rari et Jamal Uddin clament leur innocence dans cette affaire.

 

N’ayant aucune raison de se méfier, Mina accepte de le suivre. Mais une fois sur place, le piège se renferme sur elle. Elle n’a aucun recours face à ses bourreaux. Aidé de ses complices, son meurtrier l’égorge de sang-froid avant de prendre la fuite, la laissant agoniser à terre, dans une mare de sang. Après avoir commis son forfait, Molla Musa, employé dans une usine située à Camp-Diable, regagne son dortoir qui se trouve dans cette même localité, vraisemblablement sans éprouver le moindre remord.

 

Les lundi 14 et mardi 15 juillet, il a repris son emploi de machiniste le plus normalement du monde. D’ailleurs, il affiche un air serein sur les images des vidéos de surveillance enregistrées durant ces deux jours, où on le voit en train de travailler de manière très méthodique. «Le mercredi 16 juillet, il nous a même accompagnés aux funérailles du fils d’une de nos employés. Il n’avait pas l’air suspect tant son comportement était normal. C’est tard dans l’après-midi que la police lui a posé des questions concernant le meurtre de Mina et l’a arrêté», confie son employeur sous le couvert de l’anonymat. Il a du mal à imaginer que son employé a commis un acte aussi horrible. «C’est quelqu’un de très réservé. Toutefois, c’est un employé comme les autres. Mais je trouve bizarre qu’il ait incriminé deux autres employés de l’usine. Car il n’est pas en bons termes avec eux depuis longtemps suite à des problèmes entre eux», soutient notre interlocuteur.

 

Triste réalité

 

Molla Musa, explique-t-il, est arrivé à Maurice le 8 juillet 2012. Son épouse, une Bangladeshie prénommée Pauli, l’a rejoint chez nous l’année dernière et travaille dans une autre usine située à Grand-Bois. Elle a également été interrogée par la police dans cette affaire avant d’être autorisée à rentrer chez elle. «Elle est très affectée par tout ce qui se passe. Elle pleure sans cesse et n’arrive pas à comprendre le geste de son mari. Elle est venue le rejoindre à Maurice l’année dernière dans le but d’améliorer leurs conditions de vie. Quoi qu’il en soit, elle bénéficie du soutien de ses amis et de ses supérieurs», fait ressortir un haut cadre de l’usine pour laquelle elle travaille.

 

Quoique vivant séparés à Maurice, dans des dortoirs que leurs employeurs respectifs ont mis à leur disposition, Molla Musa et Pauli trouvaient parfois du temps pour passer un moment ensemble, dans une pension de famille ou dans un des jardins botaniques de l’île. «L’accès à un dortoir pour hommes est interdit à une femme et vice versa», précise l’employeur de Molla Musa. Mais celui-ci trouvait aussi le temps de passer du temps avec sa maîtresse Mina qu’il a fini par tuer pour de l’argent ainsi que les pressions qu’elle exerçait sur lui afin qu’il quitte son épouse.

 

Un meurtre qui soulève aussi, une fois de plus, bien des interrogations sur les conditions de vie des travailleurs bangladeshis à Maurice. Les syndicalistes Reeaz Chuttoo et Faizal Ally-Beegun, notamment, estiment que les droits de ces ouvriers bangladeshi ne sont pas respectés à Maurice (voir hors-texte). Au-delà de ça, il y a la triste réalité d’une jeune femme qui est morte assassinée avant même de réaliser son rêve le plus cher après plus de quatre années à trimer à la sueur de son front. Et de ses petites mains.

 


 

Conditions de vie des travailleurs Bangladeshi

Reeaz Chuttoo et Faizal Ally Beegun : «Leurs droits ne sont pas respectés !»

 

Le meurtre de Mina pour de l’argent vient une nouvelle fois susciter des interrogations sur les conditions de travail des ouvriers étrangers à Maurice. Selon le syndicaliste Reeaz Chuttoo de la Confédération Travayer Sekter Privé (CTSP), la situation des travailleurs Bangladeshis dans l’île est très précaire. «En 2007, le gouvernement a apporté des changements à nos lois. Le gouvernement a autorisé les Bangladeshis à venir chez nous munis d’un simple visa de touriste qui leur donne le droit de travailler. Ensuite, c’est l’employeur qui entame les démarches nécessaires pour l’obtention d’un work permit. Cette situation fait qu’aujourd’hui environ 2 000 Bangladeshis travaillent au noir et leurs droits ne sont pas respectés. Pour manger à leur faim, certains vont travailler comme porteurs de légumes au marché et attendent la fin de la journée pour récolter les légumes non vendus. D’autres travaillent dans des restaurants en tant que serveurs ou dans des boulangeries. J’en connais certains qui dorment sur les stocks de farine et qui n’ont même pas un lit, encore moins un matelas pour se reposer.» Selon lui, les conditions de vie de ceux qui travaillent dans le textile laissent aussi à désirer.

 

«La loi prévoit une meal allowance de Rs 70 pour ceux qui font des heures supplémentaires de plus de deux heures. Mais c’est l’employeur qui détermine combien il veut donner à son employé. Le chiffre varie entre Rs 900 à Rs 1 500 par mois. Mais cette somme est loin de suffire. Et les ouvriers doivent trouver des petits boulots de jardinier, de bonne à tout faire, entre autres, pour pouvoir manger à leur faim. Mais il y a pire encore. Il y a certains employeurs qui contrôlent les allées et venues de leurs employés et parfois ces derniers sont séquestrés dans leurs dortoirs ou alors leurs passeports sont confisqués. C’est un délit d’après la loi. Leurs droits ne sont pas respectés», soutient Reeaz Chuttoo qui est rejoint dans ses propos par Faizal Ally Beegun, lui aussi syndicaliste.

 

«À cause de la barrière de langue, ils ne peuvent pas exprimer leur colère. Donc, ils vivent un véritable calvaire. Les employeurs doivent se montrer plus compréhensifs car les Bangladeshis sont des êtres humains à part entière ; il faut respecter leurs droits. Par exemple, il n’est pas normal qu’un couple de Bangladeshis qui travaille à Maurice pour des compagnies différentes soit contraint de vivre séparément. Il faut trouver une solution à ce problème sans que les époux en question ne soient privés de leur Food allowance. Il faut que le gouvernement fasse en sorte que les travailleurs soient mieux intégrés à la société mauricienne et mieux encadrés. Je lance aussi un appel aux employeurs afin qu’ils ne prennent pas le meurtre de Mina comme prétexte pour priver les Bangladeshis de leur liberté de sortir. Car il n’est pas rare que certains employeurs séquestrent leurs employés», précise Faisal Ally Beegun.

 

Contactée à ce sujet, une source du ministère du Travail appelle les travailleurs bangladeshis à dénoncer tout cas de mauvais traitement en appelant sur le 207 2600 ou encore en déposant une plainte formelle à la Special Migrant Workers Unit du ministère du Travail.

 


 

Enquête policière : le meurtre de Mina élucidée grâce à sa carte SIM

 

La naïveté de Molla Musa est sans nul doute l’élément qui a permis aux enquêteurs d’élucider le meurtre de l’ouvrière Bangladeshie en un temps record. Pour cause, le présumé meurtrier a laissé de précieux indices sur le lieu du crime avant de s’enfuir. L’arme du crime, soit un couteau de cuisine, ainsi que la carte SIM abîmée de la victime ont été retrouvées sur place par les enquêteurs qui ont passé l’endroit au peigne fin. D’ailleurs, ce sont les relevés téléphoniques de Molla Musa et de la victime qui ont confirmé qu’ils étaient bien amants et que le présumé meurtrier est la dernière personne à avoir communiqué avec Mina quelques heures avant le drame.

 

En présence de ces preuves accablantes, la police a procédé à l’arrestation du présumé meurtrier qui n’a pas tardé à confesser son crime. Une somme de Rs 52 000, que la police soupçonne de provenir des Rs 75 000 de Mina, a aussi été saisie dans les affaires de Molla Musa lors d’une fouille le mercredi 16 juillet. Dans des déclarations faites aux enquêteurs, le ressortissant bangladeshi a expliqué que cette somme d’argent représentait ses économies et celles de son épouse Pauli qui travaille dans une autre usine. Mais interrogée à son tour par la police, la jeune femme a rejeté cette affirmation de son époux.

 

Molla Musa a également incriminé deux de ses collègues qu’il a désignés comme étant ses complices dans cette affaire : Jamal Uddin et Suman Rari. Selon Molla Musa, il aurait remis le couteau de cuisine qu’il avait acheté dans un supermarché, le vendredi 11 juillet, aux deux hommes qui devaient le rejoindre à Gris-Gris le dimanche 13 juillet pour l’aider à accomplir sa sale besogne. Après qu’il eut attiré Mina à Gris-Gris, dans un endroit isolé non loin de la Roche qui Pleure, les deux hommes auraient immobilisé celle-ci, ce qui a permis à son meurtrier de l’égorger sans difficulté. Jamal Uddin et Suman Rari réfutent ces accusations et affirment qu’ils ne sont jamais allés à Gris-Gris le dimanche 13 juillet. Leurs ADN respectifs seront comparés à celui qui a été prélevé sur le corps de la victime et l’arme du crime, entre autres, pour déterminer s’ils ont participé à ce meurtre.

 

Mais quel est donc le mobile du crime ? Molla Musa a expliqué aux enquêteurs qu’il n’avait d’autre choix que d’en finir avec sa victime car d’un, il lui devait une forte somme d’argent et de deux, il semblerait que Mina lui a demandé à maintes reprises de se séparer de son épouse. Une pression qui devenait, selon lui, ingérable et étouffante.

 

La déposition formelle de Molla Musa ainsi que celles des deux autres suspects seront enregistrées la semaine prochaine et une reconstitution des faits devrait aussi être organisée. Pour l’heure, les trois présumés accusés, qui ont été présentés en cour jeudi, restent en cellule policière et risquent, s’ils sont trouvés coupables, de passer plusieurs années en prison à Maurice où ils étaient venus chercher l’eldorado.

 


 

Portraits des deux présumés complices

 

Alors qu’ils étaient venus à Maurice en quête d’un meilleur avenir, voilà qu’ils se retrouvent derrière les barreaux, accusés de complicité de meurtre. Âgé de 24 ans, Sumun Rari est arrivé à Maurice le 3 juillet 2013. Ce célibataire, machiniste dans une usine à Camp-Diable, est considéré comme un employé modèle par son patron. Son contrat de travail est sensé arriver à terme en 2016. Selon son employeur, il ne serait pas en bons termes avec Molla Musa, celui-là même qui l’accuse de l’avoir aidé à commettre un meurtre. «On se demande si Molla Musa n’a pas essayé de se venger en incriminant à la fois Sumun Rari et Jamal Uddin. Car il n’est pas en bons termes avec ces deux hommes», confie une source. La police devra creuser pour en savoir davantage.

 

Jamal Uddin, lui, a foulé le sol mauricien le 6 juillet 2011. Son contrat d’embauche arrive à terme ce mois-ci et il avait choisi de ne pas le renouveler. D’ailleurs, il avait prévu de regagner le Bangladesh à la fin de juillet. Âgé de 29 ans, marié et père de famille, il ne pourra pas rejoindre les siens de sitôt. Sauf s’il arrive à prouver son innocence.