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Légumes bio : L’hésitante danse des marchands

Selon le ministre des Finances, Pravind Jugnauth, l’avenir, c’est la culture organique des végétaux. En théorie, ça séduit. Mais dans la réalité ?

Prenez votre cœur d’artichaut. Sortez vos envies (de pomme) d’amour. Il est temps d’aller à la conquête de la courgette. De roucouler (delo limon) avec une belle tranche de giraumon (t’as le look, coco) et de faire des papouilles au fenouil. Toutes ces rencontres so fresh se déroulent au marché de Quatre-Bornes en ce mercredi 17 août. Il est un peu plus de 10 heures et les légumes – et les fruits, d’ailleurs – ont sorti leurs plus beaux bataz. Petites gouttelettes d’eau pour relever le vert naturel des bred. Lumière tamisée, sous tôle ondulée, pour éclairer le rouge des tomates. Brouhaha ambiant – pa enn ti son ! – pour cette ambiance active d’un milieu de matinée habituel dans les allées de Légumes Land. Et c’est là que nous avons choisi de titiller les sens des marchands avec une question pas sans sel : les légumes bio, ça vous parle ? 

 

Lors de son discours budgétaire, le ministre des Finances, Pravind Jugnauth, a clairement fait comprendre son souhait que les agriculteurs se tournent vers le bio (la culture organique des légumes, des fleurs, des fruits sans pesticide ni insecticide, et dans le respect de la nature et de la biodiversité). Pour cela, il a mis en place quelques mesures pratiques afin de favoriser ce rêve vert (nombreux sont ceux qui trouvent ces décisions et ces «aides» insuffisantes pour la mise en place d’une agriculture bio durable et certifiée). Néanmoins, si les végétaux bio deviennent de plus en plus accessibles à Maurice, serait-ce le cas dans les bazars, comme celui de Quatre-Bornes ? Les marchands se laisseraient-ils séduire par ces nouveaux venus ?

 

D’abord, il faudrait qu’ils soient tous au courant de ce que sont ces zaferbio. Dans le panier des marchands interrogés, beaucoup de «pa kone ki ete sa»et un «sa zafer ki pouss dan dilo la». Devika Mohun, marchand depuis quatre ans, lance un «lokal meyer»lorsqu’il est question de végétaux bio. Néanmoins, après quelques précisions, de breden salade, le contact peut être établi et la conversation peut faire des petits : «Oui, je pense que ça peut intéresser les Mauriciens. Et nous, on peut suivre si le prix est correct et si les gens achètent.» Si dans le monde, c’est le trend(le Danemark fait parler de lui, cette semaine, pour son projet d’avoir une agriculture 100 % bio), à Maurice, trouver un végétal bio relève plus de l’anecdotique.

 

Aimer

 

Isham Kaeesham, qui s’occupe de servir des pommes d’amour en ce matin maussade, se fait la même réflexion que Devika : «Les gens vont aimer. Tout le monde cherche ce qui est meilleur pour la santé. Maintenant, c’est le prix qui fera la différence.»Saloni Gopal, elle, fait déjà venir des légumes bio dans son petit coin de marché, explique-t-elle (mais il faut la croire sur parole tant qu’il n’y a pas de certification prouvant l’origine de ces légumes). C’est un peu plus cher, mais les Mauriciens achètent, affirme-t-elle : «Je leur explique pourquoi ça coûte plus et ils prennent quand même parce qu’ils savent que c’est bon pour la santé. Ils rentrent chez eux, ils mangent et ils en redemandent. Alors oui, je suis persuadée que le bio, ça va marcher.» Peut-être qu’un jour, s’imagine-t-elle, il existera un petit coin bio à Quatre-Bornes.

 

Ça ne gênerait pas Karim Neemuth, l’homme des bred. Mais lui veut continuer à vendre ses variétés bonnes pour les bouillons, fricassées et autres étouffées : «Ça ne va pas pousser avec ce truc bio là, les bred. Morisien ena so bann labitid.» Rish Calleshurn, qui fréquente les étals de Quatre-Bornes depuis 15 ans, n’est pas non plus épris de l’idée du bio : «Vous croyez que les gens vont acheter des légumes qui sont piqués et qui en plus sont petits ? Parce que quand c’est bio, ils ne sont pas parfaits. Moi en tout cas, je n’y crois pas !»Le bon vieux disela la dent dure. Et les habitudes tenaces.

 

Vijay Jaunkeepersad, lui, vend des graines pour faire pousser des fleurs et des légumes à Quatre-Bornes (des produits des Serres de L’Otan). Et il est persuadé que les Mauriciens pourraient faire pousser ces petites merveilles, de façon bio, chez eux, pour en découvrir les saveurs et les parfums (comme l’ont fait des générations avant eux).

 

Si ensuite, ils peuvent trouver ces mêmes produits dans les marchés à des prix abordables, ils pourraient se laisser convaincre, estime-t-il. Et même si la pomme d’amour perd un peu des couleurs, que le concombre a fait un régime drastique et que le cœur d’artichaut se fane plus vite que prévu…

 

 

Et les consommateurs dans tout ça…

 

Les légumes bio, ç a donne envie ? Oui, mais à condition qu’un chou ne coûte pas bonbon.

 

Diva Ramasawmy : «Légumes bio ? Je ne sais pas ce que c’est ! (NdlR : après explications). Oui, je peux acheter si ce n’est pas beaucoup plus cher. Les légumes ne sont déjà pas donnés en général. Si en plus, il faut encore plus dépenser, ce ne sera pas possible. Bizin get dapre nu mwayin

 

Claudia Azie :«Tout dépend du prix. Mais je sais que les légumes bio sont en général très chers. Si ça ne coûte que quelques roupies de plus, c’est possible de payer le prix parce que c’est important de faire attention à sa santé.»

 

Joy Seetanah : «Des légumes sans produit chimique ou pesticide, c’est, bien sûr, mieux pour nous. Il n’y a pas de doute sur ce point. Alors, même si ça coûte un peu plus cher, je serais prêt à faire un effort. Après tout, ce qu’on ne dépense pas dans le bazar, on va finir par le dépenser chez le médecin…»

 

Manju Gujadhur :«C’est l’avenir. Tout le monde cherche ce qui est meilleur pour la santé. Maintenant, est-ce qu’à Maurice, il est possible de s’assurer que les légumes sont vraiment bio ? Avant de se lancer, il faudrait vraiment que ce soit le cas, qu’une certification reconnue internationalement existe.»