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Jean-Claude Lantenay Fortuno : Passion théatrâle

Retour dans ses années de jeunesse. À l’époque où il foulait souvent les planches des théâtres… Quand il se glissait dans la peau de plusieurs personnages.

Il se souvient de tout. De chaque sensation : les soirs des grandes premières, ce moment où ses pieds foulent la scène, cet instant où il doit prononcer ses répliques, l’enthousiasme du public, les textes d’Edmond Rostand, les applaudissements, entre autres… Bref, son cœur bat au rythme de ses souvenirs. Quand Jean-Claude Fortuno, 69 ans, se souvient de ses années de théâtre, il se rappelle de chaque détail, de chaque étape…

 

Comme ce jour de 1967. Il avait 17 ans. Étudiant au collège John Kennedy, à Beau-Bassin, il s’était, ce jour-là, donné à fond lors de la représentation de la comédie A propos de pattes. Les souvenirs sont encore frais dans sa mémoire, tout comme ce sentiment de satisfaction à la fin du spectacle où il s’est senti en osmose avec son personnage.

 

Dans sa caverne, à Ollier, Rose-Hill, il a cumulé toute sa vie. Et sait, avec le recul, qu’il doit une fière chandelle à son oncle Abel Laurent. Pesant chacun de ses mots, marquant de temps en temps des pauses, Jean-Claude se raconte et, autour de lui, un chaleureux bric-à-brac, des vestiges de son vécu : «Mon oncle était ténor. Il savait que la culture pouvait faire beaucoup de bien à une personne. Il m’avait ainsi inscrit à des cours de diction avec Yves Forget. J’aimais bien son approche, surtout qu’il nous laissait explorer notre personnalité et la développer», confie-t-il, le nez plongé dans son album qui retrace son parcours, riche de plusieurs expériences.

 

«Je suis issu d’une famille pauvre et ces moments me permettaient de me découvrir. On habitait dans une petite maison en bois près de St-Patrick. Mes parents, Paul et Thérèse, aimaient aussi beaucoup la culture. Maman chantait d’ailleurs beaucoup Carmen. Les cours de diction étaient pour moi salutaires. On y récitait des poèmes de Charles Baudelaire, comme L’Invitation au voyage, ceux d’Alfred de Musset comme On ne badine pas avec l’amour, ou encore ceux de Verlaine… Autant de textes qui m’ont nourri et qui m'ont aidé à me construire car j’aime la langue française et sa richesse», raconte Jean-Claude entre deux bouffées de cigarette.

 

L’homme explosif

 

Cette année, il fête ses 50 ans de théâtre et c’est pour lui un bonheur de remonter le fil du temps. Durant les années où il se construisait, Jean-Claude est passé par une rencontre qui a donné une nouvelle dimension à sa vie. Aidé de photos, il marque un arrêt dans sa période de jeunesse quand tout lui souriait et quand il s’exprimait à travers le théâtre, cet univers qui lui est cher et qui a contribué à faire de lui l’homme qu’il est : «J’ai croisé le chemin d’Alice Derblay qui présentait Une page de la bible à la radio. Elle m’a donné l’occasion de me lancer et m’avait invité à jouer des pièces, notamment au Festival d’art dramatique, où j’avais joué L’homme explosif ou encore dans la pièce À qui la vache ?»

 

D’une pièce à l’autre, Jean-Claude s’est glissé dans la peau de plusieurs héros et autres personnages : «C’était le temps où le théâtre vivait ses beaux jours. Le secteur se portait bien.» La lecture, raconte Jean-Claude, qui a travaillé comme agent d’importation à Port-Louis, a aussi été une façon de se cultiver : «J’importais de la quincaillerie pour les commerçants de Port-Louis et je m’évadais avec les livres de Ian Fleming ou encore les aventures de Bob Morane. Ces textes m’inspiraient.»

 

Quand il parle de théâtre, Jean-Claude, seul garçon d’une famille de sept enfants – trois sœurs sont décédées –, le fait avec beaucoup de tendresse. Un peu comme un homme amoureux s’exprimerait : «Je suis pour que le théâtre trouve sa place dans les écoles. C’est vraiment un art qui forme sur bien des aspects. Je vais donner là l’exemple de ma sœur Nicole. Elle n’avait qu’un certificat de sixième en poche. Elle est partie travailler pour une famille en France mais aussi au conservatoire de Clermont-Ferrand et puis quelqu’un l’a repérée et on lui a proposé de travailler pour une radio. Elle s’est forgée grâce au théâtre.»

 

Impossible pour lui de ne pas évoquer certaines pages de sa vie : «Quand j’ai joué Topaze en 1979» ou encore «ma participation dans Quatre Pièces sur jardin en 1972 ou pour les 150 ans du théâtre de Port-Louis», ou le fait d’avoir pu côtoyer des «personnes formidables» qui, comme lui, ont le théâtre dans la peau, à l’instar de Gaston Valayden, Michel Cervello, Marjorie François ou encore Errol Mestry. Évidemment, Jean-Claude se dit triste que le théâtre ait perdu sa popularité, même s’il a foi dans la jeunesse qui milite pour cet art : «Pour moi, le public a commencé à se désintéresser du théâtre quand celui-ci est devenu engagé. Le public écoute la politique à la radio et ne veut pas aller au théâtre pour encore entendre parler de politique.»

 

À cause de quelques problèmes de santé, Jean-Claude a dû mettre un frein à sa passion : «J’ai fait une dépression, entre autres. Je me soigne pour ne pas chuter et pour me protéger de ceux qui ne se soignent pas.» Divorcé,  père d’un fils – Jean-Paul, rockeur et membre du groupe Skeptical –, Jean-Claude a aussi eu l’occasion d’aller en France où il a assisté au spectacle dans le cadre des 400 ans de la naissance de d’Artagnan… Un autre souvenir et une expérience qui ont enrichi sa belle et grande passion théâtrale.