• Boxe thaï : première édition de «La Nuit des Nak Muay»
  • Badminton : les Internationaux de Maurice à Côte-d’Or
  • Trois univers artistiques à découvrir
  • Handicap et vie professionnelle : un pas de plus vers l’inclusion
  • Mayotte au rythme des crises
  • Une rare éclipse totale traverse l’Amérique du Nord : des Mauriciens au coeur d’un événement céleste spectaculaire 
  • World Thinking Day : les guides et la santé mentale
  • Mama Jaz - Sumrrà : prendre des risques musicaux avec le jazz
  • Karine Delaitre-Korimbocus : Kodel, une nouvelle adresse dans le paysage de Belle-Rose
  • Oodesh Gokool, le taximan attaqué au couteau : «Mo remersie piblik»

Cédric Lisette : amour, vocation et passion

«Je ne peux donner de l’argent aux gens qui en ont besoin faute de moyens mais je peux les aider en leur enseignant l’Economics et, mieux encore, en les aidant à acquérir encore plus de connaissances», nous confie le prof Cédric Lisette.

«J'ai quitté Rodrigues en juillet 2015. Je venais d'avoir 19 ans. Des rêves plein la tête. Maurice était mon Eldorado...» Zoom sur le parcours d'un jeune homme passionné qui a choisi l'enseignement pour faire du bien autour de lui. Il raconte son parcours et comment il a élaboré des cours gratuits en ligne et des petites vidéos pour transmettre son savoir...

Qui suis-je ? «Je suis un jeune homme de 26 ans, originaire de Rodrigues, qui essaie de profiter de la vie. J’aime rencontrer des gens, le contact humain et apprendre du vécu des personnes autour de moi. Altruiste dans l’âme, j’essaie d’aider les autres du mieux que je peux. Je suis un jeune enseignant dévoué d'Economics et de Business Studies. Je suis également fan de lecture et de séries. J’aime aller à la plage et jouer au mannequin à mes heures perdues.»

 

Mon cheminement : «Mon parcours d'étudiant a débuté à l'école pré-primaire Les Abeilles, à Malartic, Rodrigues, avec Miss Marie Louise et Miss Marie Thérese. J’ai passé trois ans là-bas. Ensuite, je suis allé à l’école primaire Don Bosco RCA à Citron Donis. De la première à la troisième, mon institutrice était Miss Roselande. Ensuite, ce fut Miss Anette pour la quatrième et M. Ricardo pour la cinquième et la sixième. Après six merveilleuses années dans cette école, j'ai passé sept ans au Rodrigues College, de la Form 1 au HSC. L’université était pour moi un rêve. De ce fait, le 15 juillet 2015, j’ai quitté Rodrigues pour des études supérieures à l’université de Maurice. J’ai terminé mon degré en Economics and International Relations après trois ans, soit en juin 2018. Pendant mes études universitaires, je travaillais aussi dans un centre d’appels à temps partiel. Après un bref moment sabbatique, j'ai été embauché comme Junior Project Manager en septembre 2018. J'ai passé trois ans dans cette compagnie. Et depuis juillet 2021, je suis enseignant.»

 

Un rêve : «Comme tout enfant, j’avais des rêves plein la tête. Parmi eux, il y avait celui de devenir enseignant. Je suis venu à Maurice en 2015 dans le but de repartir à Rodrigues pour être enseignant d’Economics. Cependant, après mes études, je me suis dit que je suis trop jeune. J'ai l’air plus petit que mon âge et je manquais de maturité. J’ai, par moments, écouté des gens qui me disaient que je ne pourrai pas faire ce job car les élèves allaient “mont lor mo latet”. En juin 2021, quelques jours avant mes 25 ans, je me suis remis en question et je me suis dit que c’est maintenant ou jamais de réaliser mon rêve ou alors continuer à me dire que je n’allais pas y arriver. Une semaine après, j'ai pris mon courage à deux mains et j’ai envoyé ma candidature dans un collège. Faute d’expérience, je n’ai pas eu le poste. Mais je ne me suis pas avoué vaincu. Quelques jours plus tard, j’ai reçu un appel pour un entretien. Cela s’est bien passé et je me suis retrouvé, un 6 juillet 2021, devant ma première salle de classe en tant qu’enseignant. Mon rêve d’enfant était devenu réalité : partager mes connaissances acquises tout au long de mon parcours à des jeunes comme moi qui veulent réussir dans leur vie et réaliser leurs rêves d’enfants à leur tour.»

 

L’économie, mon amour : «Je suis tombé amoureux de ce sujet en Grade 9, anciennement Form 3. Mon enseignante d'alors, Miss Marylaine Remy, m’a donné le goût pour ce sujet. Et depuis, je me suis dit : Cedric, un jour, tu vas enseigner cette matière. Au fil du temps, j’ai eu des enseignants tels que Miss Alexandra Roussety, Miss Dominique Speville, M. Carlo Botsar, Johnson Roussety, l’actuel Chef commissaire de Rodrigues, et feue Miss Antoinette Perinne sur ma route, qui m’ont donné encore plus d'amour pour ce sujet. Ma mère Mireille avait aussi une relation inexplicable avec l’économie, d’où je pense ce désir pour moi de me tourner vers celle-ci. Et parce que j’adore ce sujet, j’ai opté pour lui à l’université. Beaucoup de personnes m’ont découragé en me disant : “Cedric, to pa pou resi fer sa size-la, tro bokou maths ladan” ou encore “ki travay to pou gagne ek sa apre ?” Mais moi, j’avais fait mon choix. À mon arrivée à l’université, j’ai été encadré par les meilleurs chargés de cours qui m’ont aidé à faire mon bout de chemin, tels que le Dr Padma Chuttoo-Teelochun, le Dr Baboo Nowbutsing, M. Linganaden Murday, M. Kishore Bunjun, Mme Prayag-Beesoondoyal, le Dr Satish Gungaram, Mlle Sheena Sookrajowa et le Dr Brinda Sooreea, entre autres. Tout ce beau petit monde a fait qu’aujourd’hui, j’ai en poche mon degré en Economics and International Relations. Je vois et je vis l’Economics à chaque instant de ma vie, du réveil jusqu’au coucher. Je me souviens de tous leurs noms car quand on show gratitude, on doit reconnaître ces personnes qui ont été là pour vous.»

 

Rodrigues, ma petite île : «J'ai quitté Rodrigues en juillet 2015. Je venais d'avoir 19 ans. Des rêves plein la tête. Maurice était mon Eldorado. Le détachement était très dur au début. J’avais pris l’avion ce jour-là à 10h55. Je me souviens avoir pleuré tout le long du vol. Mais j'étais content d’avoir mon indépendance et mon rêve le plus grand allait se réaliser. Cependant, après quelques mois, la réalité de la vie m’a rattrapé. Au départ, venir à Maurice était pour une durée définie mais après les études, l'opportunité de travail m’a fait rester. Il est vrai que ma famille me manque, plus particulièrement mon fils Chris, mais je me dis que je suis à Maurice pour une raison et je vais continuer à me battre pour cela. J'ai eu la chance de rencontrer des gens formidables ici, à Maurice, on dirait presque la famille. Du coup, ce n’est pas si dur. Et après, j'ai des élèves en or. À chaque fois que je rentre dans une salle de classe, je me sens chez moi. Je travaillais auparavant dans un collège à Curepipe et dès que je mettais les pieds devant le seuil d'une salle de classe, on pouvait entendre “Eypp Rodriguais devan la port”. On m’a même donné le sobriquet “Le Parrain”. Aujourd’hui, je travaille dans un collège à Port-Louis et c'est la même chose. J'ai des élèves qui m’apprécient et qui m’aiment. Du coup, je ne ressens pas ce manque familial. Maurice m’a adopté et moi de même. Je me sens chez moi.»

 

Ma vie de prof : «Je suis un enseignant cool et ki konpran lavi. Je ne cherche pas à faire une révolution mais je sais que je suis différent des autres. Quand on entre dans la salle de classe de M. Lisette, on oublie ses problèmes et les aléas de la vie. On est tous des amis dans ma salle de classe. Personne n’a le droit d’agresser son ami. On est des frères et sœurs. Le maître-mot est team work. Quand on s’élève, on s’élève ensemble et quand on tombe, on tombe ensemble. Je fais tout mon possible pour que mes classes se passent bien et que ma salle de classe soit un endroit paisible et adéquat for effective learning to take place. Quand le Rodriguais est devant la porte, on n’a pas de soucis à se faire. Ça respire le respect, le partage et l'amour d'apprendre l’Economics. J’utilise un langage simple, avec des exemples simples, tantôt en créole, tantôt en anglais ou en français. Tous mes élèves ont de l’importance. Je leur donne même des sobriquets comme Baba, Gro Baba, Romeo, Juliette, etc. On est des amis et aussi plus qu'une famille. Tout se base sur le respect de l’autre.»

 

Ma formule de cours en ligne... gratuits : «Avec la Covid, beaucoup de personnes ont perdu leur travail. Beaucoup d’élèves n’ont pas accès aux cours particuliers payants. Durant mon parcours, pas mal de personnes m’ont aidé gratuitement et aujourd’hui, c’est à mon tour d’aider. Aussi, j’ai grandi dans une famille qui aime le volontariat. Ma grand-mère Vina est une figure incontournable à Rodrigues dans le social et aussi dans le domaine religieux. Et ma maman donnait aussi des leçons particulières gratuitement à Rodrigues. J’ai le social dans le sang et mon amour pour l’Economics me donne encore plus envie et me motive. Je ne peux donner de l’argent aux gens qui en ont besoin faute de moyens, mais je peux les aider en leur enseignant l’Economics et, mieux encore, en les aidant à acquérir encore plus de connaissances. Aider mon prochain reste une des valeurs que j’ai acquises depuis ma plus tendre enfance.»

 

Autour de mes petites vidéos : «Ma page Facebook Economics made easy with Mr Lisette est née en novembre 2021. À cause de la Covid, il y avait des cours en ligne pour éviter la propagation du virus. Un beau jour, je réfléchissais à comment faire pour captiver l'attention des élèves pendant les cours en ligne. Croyez-moi, ce n'est pas chose facile. Je me suis dit que j’allais faire des vidéos pour mes élèves afin de leur expliquer mon sujet d'une manière simple, rigolote et captivante. Après avoir réfléchi, j’ai décidé de donner accès à ces vidéos à beaucoup plus de personnes en les postant sur ma page. Ce qui rend l'éducation encore plus accessible à tous. Pour le moment, je fais une petite pause. Après pas mal de soucis professionnels que j'ai rencontrés récemment, allant jusqu'à me faire licencier sans raison, j'ai dû m'éloigner un peu pour me reconstruire et faire tout pour rendre l'éducation encore plus accessible à tous. Ça arrive de tomber pour revenir encore plus fort, plus compétent et mature.»

 

L'expérience de The Outstanding Young Person : «Ma nomination pour The Outstanding Young Person par le JCI Mauritius est tombée à pic, pile au bon moment. Je venais tout juste de perdre mon emploi. Je me sentais mal. À dire vrai, je pleurais tous les jours. On m'avait arraché du jour au lendemain ce travail, ce rêve d'enfant que je chérissais. Tout était noir et je me sentais incompétent, un bon à rien, quoique les raisons de mon licenciement restent inconnues. Un samedi après-midi, dans tous mes états de désespoir, on m’a “tag” dans un post Facebook de la JCI et j’ai appris alors que je suis nominé. J'étais aux anges, j'ai crié et pleuré de joie. J'étais fier de moi. Être nominé parmi 28 outstanding young person à Maurice était déjà une victoire. C'était en effet la première compétition de toute ma vie. Malheureusement, je n'ai pas gagné mais quand je vois le nombre de likes, commentaires et de shares, je me dis que c’est un big win pour ma part. Non seulement j'aime mon travail mais les gens aiment ce que je fais. Ma famille, mes amis, mes élèves, mon entourage et Rodrigues, tous étaient fiers de moi, et moi de même. Cela m'a redonné envie et m'a motivé. Après tout, je ne suis pas un super-héros, je ne suis qu'un simple être humain, qui tombe des fois mais qui se remet debout à chaque fois, avec l'aide de mon entourage et de Dieu, qui m'accompagne en toute situation.»