D’autres squelettes sont sortis des placards dans le sillage de la sanction imposée au club de Curepipe par la FIFA. Un entraîneur français sort de son silence pour raconter sa mise à pied. Il avait été recruté en 2019 pour être en poste pendant quelques mois. Un passage dont il ne gardera pas de bons souvenirs.
Pourquoi avoir accepté d'être entraîneur de football ici ?
Je suis arrivé dans le football mauricien via un ami qui m'a parlé d'un projet sportif intéressant, en tant que préparateur physique, dans un premier temps, puis pour prendre l'équipe du Cercle de Joachim en tant qu'entraîneur principal. Ayant fait un peu le tour du monde sportif en France, j'avais envie de découvrir de nouveaux horizons et une autre culture. Voilà les raisons qui m'ont amené à venir dans votre île.
Quel était ce projet sportif ?
C’était d'abord de former les jeunes à évoluer au plus haut niveau afin de leur permettre de réaliser leurs rêves de pouvoir devenir des joueurs professionnels au niveau européen. Pour cela nous avons professionnalisé l'équipe avec l'aide d'un sponsor.
L'objectif était de terminer champion de la Super League pour pouvoir participer aux compétitions africaines afin de représenter le pays et donner plus de visibilité au football mauricien.
Nous avons tout mis en œuvre sur le plan sportif et humain (entraînement, repas sportif, sommeil, suivi médical, etc.) en s'appuyant sur le modèle des clubs professionnels pour faciliter leur intégration dans un club européen s’ils étaient amenés à être transférés.
Quelles sont alors les raisons qui vous ont amené à quitter le Cercle de Joachim ?
Tout cela s'est passé dans le sillage du changement à la direction du club avec le retour des anciens dirigeants. La séparation avec le club était inéluctable, car on ne voulait pas respecter mon contrat sachant que je suis toujours lié au club, aujourd'hui, car je n'ai pas démissionné. Je n’ai pas été licencié non plus.
Ah bon ? Vous avez fait quoi alors ?
J'ai porté plainte contre l'actuelle direction du club, qui avait repris le club en octobre 2019, car elle a refusé d'honorer mon contrat qui me lie au club de janvier 2019 jusqu'au 31 juillet 2021.
Et votre salaire ?
A ce sujet, je n'ai pas été payé depuis octobre 2019. D’abord on m’a proposé Rs 20 000 de main en main, puis on m'a proposé de prendre en charge l'équipe nationale afin que mon contrat puisse être payé par la MFA. Comme la sélection n'a pas de matches pendant deux ans je devais prendre en charge la sélection des U20. Toutes ces propositions m’ont été faites verbalement. Lorsque j’ai refusé ces offres, j’ai été prié de quitter le pays de manière brutale et tout cela figure dans la plainte que j’ai logée au ministère du Travail.
Pourquoi avez-vous décidé de sortir de votre silence ?
J'ai gardé le silence, car mon avocat mauricien et le ministère du Travail m'ont dit qu’ils allaient régler cette affaire, mais, à ce jour toujours rien donc j'essaie de trouver une autre solution afin que ma situation s'améliore et aussi pour dénoncer la situation car le peuple mauricien a le droit de savoir. J'espère que je serai entendu, et que chacun prendra ses responsabilités car je suis sous contrat et j'ai des droits.
Envisagez-vous un retour à Maurice pour entraîner à nouveau une équipe mauricienne ?
Oh que non, pour de multiples raisons : l'incompétence de la MFA qui en plus décide bien en avance qui sera champion ou pas, ma sécurité n’est pas garantie, pas de projet sportif pour les jeunes et je n'ai aucun revenu avec un enfant à charge (j'ai même payé mon billet d'avion pour rentrer en France car ma mère est tombée malade, etc..)
Comment voyez-vous l’avenir du football mauricien?
Sombre car il n’y a pas de projet pour les jeunes, aucun championnat organisé par la MFA, et une opacité entourant les sélections nationales pour jeunes et comment ces jeunes-là sont choisis pour représenter votre pays. Ajouter à cela, il y a trois structures de perfectionnement pour les jeunes avec une gérée par la MFA, l’autre par le gouvernement à Réduit et ensuite l'académie de Liverpool FC, sans oublier les académies privées. Tout cela est trop éparpillé et gâche les ressources.
Il n’y a aucune formation d'éducateurs ou d'entraîneurs mise en place par la MFA contrairement aux autres pays où les fédérations mettent en place des calendriers annuels, afin de former les acteurs du football car c'est un métier, on ne s'improvise pas entraîneur ou éducateur.
Je pense qu'il serait souhaitable de se réunir autour d'une table afin de se mettre au service de la jeunesse mauricienne sur le plan footballistique pour leur permettre d'évoluer vers un avenir positif (seules les académies privées sont dans cette optique). Mise en place des écoles de football par exemples car ce n'est pas à 15 ou 16 ans que l'on peut devenir joueurs de haut niveau sachant que les autres pays démarrent l'activité dès l'âge de 5 ans.
Pour en finir, la sanction infligée au Cercle de Joachim par la FIFA vous surprend-elle ?
Non, au vu des nombreuses irrégularités que j'ai rencontrées pendant mon exercice avec le club mais aussi par rapport au nombre de gros titres fâcheux qui mettent en cause la MFA ces derniers mois.
J’ai été témoin de plusieurs incohérence, comme la suspension de mes joueurs pour des motifs non-fondés, d’autres ont été menacés de ne plus jouer pour le club sinon ils seront bannis de la sélection, des entraînements avec la sélection à la veille des matchs de championnat, et des tentatives pour arranger des matchs. Des fois, je me suis retrouvé qu’avec une dizaine de joueurs pour un match officiel.